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Vies sous occupation : travailler sa terre au risque de sa vie
samedi 22 juin 2013 - PCHR Gaza
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Majid Abdel Aziz Wahdan, 52 ans, sur la terre qu’il cultive à Beit Hanoun

Mais à la suite de la trêve qui marqué la fin de l’agression israélienne sur la Bande de Gaza en novembre 2012, le Coordonnateur Israélien des Activités Gouvernementales dans les Territoires [Israeli Coordinator of Government Activities in the Territories (COGAT)] a publié une déclaration en ligne qui annonce que les agriculteurs pourraient accéder jusqu’à 100 mètres dans les terres se trouvant dans la zone frontalière au lieu des 300 mètres précédemment imposées. Toutefois, cette référence ainsi que celle concernant l’élargissement de la zone de pêche, ont par la suite été retirées de la déclaration. Puis, dans une lettre adressée à GISHA le 11 mars 2013, un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré : « Les habitants de Gaza sont tenus de ne pas s’approcher à moins de 300 mètres de la clôture de sécurité. »

PCHR Gaza est parti à la rencontre d’un agriculteur de Beit Hanoun. Assis sous un arbre se trouvant au milieu d’une parcelle de terrain, Majid Wahdan raconte : « Nous étions très heureux à l’annonce de la trêve et impatiens de recommencer l’ensemencement de nos terres agricoles. »

L’agriculteur de 52 ans est père de quatre filles et de trois garçons. Wahdan a vécu pendant 35 ans au nord-est de Beit Hanoun jusqu’en 2003 lorsque les bulldozers israéliens ont démoli sa maison de 3 étages, située à environ 400 mètres de la frontière avec Israël. « Au total, 36 dounams de terre que je partageais avec mes frères ont été rasés. Je possédais trois dounams et demi. Aussi, tous les puits qui se trouvaient dans cette zone, y compris le nôtre, ont été détruits. Aujourd’hui, c’est grâce à l’assistance qu’on reçoit des associations caritatives que nous parvenons à vivre et à joindre les deux bouts, » déplore Wahdan qui évoque une maison et un gagne-pain transformés en une ‘zone tampon’. Actuellement, la famille vit dans un autre coin de Beit Hanoun.

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Wahdan qui marche sur la parcelle de terrain qu’il cultive au nord-est de Beit Hanoun. La frontière et le poste de l’armée israélienne en arrière-plan

Il poursuit : « J’ai replanté ma terre à deux reprises, de 2003 et jusqu’à la dernière guerre de novembre. J’ai même planté des arbres d’agrumes qui ont malheureusement été arrachés aux bulldozers les deux fois, endommageant ainsi des centaines de tonnes de produits. En outre, l’armée nous interdit de planter les grands arbres alors nous sommes obligés de nous tourner vers les cultures légumières. Après la guerre de novembre, j’ai décidé de prendre le risque et de retourner travailler ma terre et la parcelle de terrain que je loue et qui est juste à côté. J’ai donc planté le blé et les pastèques. Cette fois, je croise les doigts pour la récolte. » Et d’expliquer : « J’ai choisi de planter les pastèques car elles ne coûtent pas cher et elles mettent environ 70 jours pour pousser. J’ignore ce qui peut intervenir d’un moment à l’autre, mais je veux planter le plus vite possible pour récolter le plus vite possible avant que le cessez-le-feu n’arrive à terme. »

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Un berger et son troupeau qui en train de paître près de la barrière frontalière de Beit Hanoun

Outre la plantation de cultures, Wahdan a reconstruit les puits et les systèmes d’irrigation : « En 2006, je suis retourné sur ma terre pour reconstruire un puits. Une fois achevé, l’armée est venue le détruire. Le scénario s’est répété en 2008 et 2009. La dernière fois que j’ai recommencé c’était il y a trois semaines. En fait, ce sont tous les agriculteurs dont les terres avoisinent la frontière qui souffrent de problèmes d’eau et d’irrigation. »

Il indique que c’est principalement à cause de l’eau qui traverse la nappe que les forces israéliennes rasent et détruisent les terres : « Je suis convaincu qu’ils nivèlent à chaque fois nos terres parce que nous avons une eau bonne pour l’agriculture. Notre nappe phréatique est douce et ils veulent la confisquer. C’est une guerre de l’eau. »

Mais les destructions répétées de ses investissements agricoles ont poussé Wahdan à travailler sa terre différemment : « Si j’avais le choix, j’aurais planté toutes ma terre avec des arbres d’agrumes, citronniers et orangers. J’ai toujours eu ce type d’arbres qui sont plus rentables que les cultures maraîchères. Aussi, au lieu d’investir dans ma propre terre, j’ai dû travailler sur des terres appartenant à d’autres propriétaires, se trouvant très loin de la frontière. Je cultive deux terrains à Beit Hanoun, sans compter ma propre terre. Je ne peux pas prendre de risques. Même actuellement, tout est lié à la trêve car il est impossible de prévoir ce qui peut se passer. »

Conséquence naturelle, Wahdan a subi de très lourdes pertes financières au cours de ces dernières années. Il souligne : « Aucun remède ni compensation ne pourront nous payer pour tout ce que nous avons perdu. L’ensemble de mes pertes pendant toutes ces années, entre maison et produits agricoles tourne autour de $250.000. Je reçois des aides de la part des associations caritatives grâce auxquelles je parviens à m’occuper de ma terre. Elles nous fournissent les systèmes d’irrigation, les semis et les engrais. Ces aides nous ont remis sur pieds et nous ont permis d’exploiter les terres proches de la frontière. Je travaille avec mes frères et les employés que nous avons embauchés. En fait, nous avons tous des familles nombreuses et nous comptons essentiellement sur cette récolte pour générer des revenus afin de subvenir aux besoins de chaque famille. »

Les agriculteurs dont les terres se trouvent près des frontières de Gaza sont régulièrement exposés aux attaques des forces israéliennes positionnées sur la frontière. Wahdan se souvient : « 2011 et 2012 ont été les pires années pour nous. Nous étions constamment ciblés par des balles et des tirs d’obus. Il suffit de se trouver à 1km de la barrière frontalière pour être exposé à n’importe quel moment au risque de recevoir des balles. Mais les choses ont changé depuis le mois de novembre. »

Mais en dépit des changements qui ont marqué la période d’après la trêve, Hamdan demeure convaincu que les politiques déclarées ont une valeur limitée s’agissant des agriculteurs qui s’occupent de leurs terres : « Les déclarations des responsables israéliens sur les distances qui nous sont autorisées ou non ne sont pas très importantes. Nous ne faisons pas très attentions à ce que les dirigeants disent. Ce qui nous intéresse le plus c’est de connaitre quel soldat est en poste. Par exemple, certains soldats autorisent les bergers qui font paître leurs troupeaux à s’approcher de la frontière, tandis que d’autres leur tirent dessus ou tirent autour d’eux. Les tirs proviennent souvent des soldats à la gâchette facile. J’ai moi-même assisté à plusieurs attaques sur des agriculteurs, soit par fusillades ou par bombardements. Mais malgré toutes ces attaques, nous devons toujours rappeler aux soldats que cette terre nous appartient et que nous avons le droit d’y accéder. Une chose est sûre, si le calme persiste, je reconstruirai ma maison sur ma terre. »

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Wahdan et deux de ses petits-enfants devant la maison familiale démolie du nord-est de Beit Hanoun

Depuis la trêve de novembre 2012, le PCHR a enregistré l’assassinat de quatre civils palestiniens de la part des forces israéliennes. Les blessés sont au nombre de 65, y compris 17 enfants, tous dans la ‘zone tampon’. 48 autres civils ont été arrêtés par les forces israéliennes dans la même zone, dont 19 enfants.

Les attaques israéliennes contre les agriculteurs palestiniens dans la Bande de Gaza constituent une violation du droit humanitaire international en vertu de l’Article 147 de la Quatrième Convention de Genève de 1949.

De plus, ces attaques peuvent constituer des crimes de guerres comme le stipulent les Articles 8(2)(a)(i) et (iii) et l’Article 8 (2)(b)(i) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. La mise en place d’une « zone tampon » et son imposition au moyen d’attaques représente une mesure de punition collective, expressément interdite par l’Article 33 de la Quatrième Convention de Genève de 1949.

Le droit au travail, notamment dans des conditions justes et favorables est prévu dans les Article 6 et 7 du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC). En outre, l’Article 11 du même Pacte reconnait « Le droit de toute personne à un niveau de vie adéquat suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. »

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27 mars 2013 – PCHR Gaza – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha