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Vies sous occupation : Pas de marché pour l’agriculture

jeudi 5 juillet 2012 - 06h:40

PCHR Gaza

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Les frères Khadeir sont des agriculteurs à Beit Lahia, au nord de la Bande de Gaza. Hatem (34 ans) et Ahmad (43 ans) louent 5 dounams de terre arable à seulement 700 mètres de la frontière israélienne. Le frère aîné Jafer (52 ans) loue quant à lui 5 autres dounams près de la frontière.

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De droite à gauche : Hatem Khadeir avec ses frères Jafer et Ahmed en face de leur terre agricole louée

Au premier abord, tout porte à croire que les trois frères mènent une vie idyllique en travaillant ensemble la terre pour élever leurs familles. Cependant, ils déplorent la situation qui leur est imposée depuis la fermeture de la frontière : « Avant, nous cultivions les poivrons, la pomme de terre, la miellée, les oignons, les fleurs et les fraises. La terre assurait 50% de nos besoins. A l’heure actuelle, l’agriculture ne parvient à subvenir à aucun de nos besoins. Par voie de conséquence, c’est toute notre existence qui a chamboulé depuis la décision d’Israël de fermer les frontières. »

Hatem et ses frères sont très compétents lorsqu’il s’agit d’agriculture et leur récolte a toujours été de qualité supérieure. Dans ce contexte, ils expliquent : « Avant la fermeture des frontières, nous exportions 80% de notre récolte vers la Cisjordanie et même vers l’étranger. La saison passée, nous pouvions à peine exporter 10% vers l’étranger et ce, à cause d’un programme financé par un pays Européen. Toute notre terre est financée par ce programme, néanmoins, nous gagnons à peine de quoi subvenir à nos besoins. »

En effet, une grande partie de leur récolte est actuellement destinée au marché local, et là aussi, le gain demeure insuffisant en raison du faible coût des produits à Gaza : « Le kilo de la fraise coûte 3 shekels dans la Bande de Gaza, alors qu’il se vend à 20 shekels en Hollande. Le gel des exportations affecte ainsi nos revenus et nous fait perdre beaucoup d’argent. »

Et c’est seulement après la fermeture des frontières que les frères Khadeir ont découvert la destination de leurs produits : « Avant, nous n’avions pas la moindre idée sur l’identité de ceux qui achetaient nos produits, mais après la fermeture, nous avons appris que nous exportions vers les pays Européens, à l’instar de l’Allemagne, du Danemark et des Pays-Bas. Nous souhaitons vivement que ces pays puissent un jour exercer une pression sur Israël pour rouvrir la voie des exportations. »

Mais en attendant ce jour, ils doivent continuer à faire face au processus d’exportations particulièrement compliqué, imposé par Israël. Les frères expliquent : « Pour exporter, nous devons expédier notre marchandise à travers Israël, ce qui n’est pas toujours une mince affaire. Sur la route, nos produits finissent par s’endommager à cause des contrôles de sécurité mis en place par Israël. D’ailleurs, quelqu’un nous a envoyé des photos d’Israël en train de détruire notre production qui nous a coûté de longues heures de labeur, exposés au soleil et tout près de la frontière. La saison écoulée, au mois de janvier, nous avions exporté, au total, 2 camions de fleurs et 42 autres de fraises seulement. »

En effet, avant la fermeture de la frontière, Israël autorisait le passage quotidien d’environ 70 camions de marchandises destinés à l’exportation. La situation a toutefois changé et en janvier 2012, il n’a autorisé que 45 camions au total.

Après les frères Khadeir, c’est au tour de leurs familles de ressentir cette perte des revenus « Autrefois, nos enfants pouvaient se divertir durant l’été et participer aux colonies de vacances, mais plus maintenant. En raison de la crise financière que nous traversons, nos enfants n’ont plus les moyens pour jouer, alors ils nous accompagnent à la terre et nous aident durant les vacances d’été. »

Il faudrait quand même souligner que sans l’aide de certaines organisations comme le PARC (Palestinian Agricultural Relief Committees), les frères Khadeir n’auraient jamais été en mesure de travailler la terre pour subvenir aux besoins de leurs familles « Sans l’aide de l’organisation, nous n’aurions jamais eu les moyens d’acheter les produits et l’engrais, ni la capacité de planter les 5 dounams ; à peine si nous pouvions planter 1 dounam et encore, la production n’aurait certainement pas été de bonne qualité. »

Pris dans un cercle vicieux, les frères Khadeir soulignent : « L’aide de l’Europe reste insuffisante car si nous voulons obtenir une production de qualité, nous n’aurons d’autre issue que la dette. Nous ne pouvons plus nous contenter de l’aide et nous avions dû réduire la quantité d’engrais à utiliser, sans parler de notre équipement qui s’use. Conclusion, même en recevant de l’aide, nous devons nous endetter pour cultiver notre terre. »

Après avoir passé 21 ans à travailler la terre, Hatem avoue ne connaître aucune autre vocation : « L’agriculture est tout ce que je maîtrise. J’ai tenté une fois de changer de métier en faisant le chauffeur de taxi avec ma propre voiture mais ça n’a pas marché. »

Hatem possède la certification de GlobalGap, ce qui signifie qu’il est capable de cultiver des produits qui répondent aux normes européennes. Si le blocus sur Gaza venait à être levé, Hatem et ses frères réussiront sans nul doute « Nous souhaitons pouvoir un jour exporter nos produits, mais pour le moment, Israël s’y oppose. C’est à la fois dur à supporter et frustrant, mais l’espoir fait vivre. »

La Bande de Gaza vit sous un blocus promulgué par Israël comme forme de « guerre économique. » Il est considéré comme punition collective que l’Article 33 de la Quatrième Convention de Genève interdit expressément. Aussi, le régime de fermeture enfreint de nombreuses dispositions du droit international, y compris, par exemple, l’obligation en vertu de l’Article 43 du Règlement de la Haye qui stipule le maintien des conditions matérielles dans lesquelles vit la population occupée. Etant donné, entre autres, la pauvreté qui secoue la Bande de Gaza et l’aide étrangère nécessaire pour soutenir la population, il apparaît clairement que la politique d’Israël transgresse ouvertement ses obligations en vertu du droit international à l’effet de garantir une réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels dans la Bande de Gaza.

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20 juin 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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