Vies sous occupation : rêver d’une nouvelle maison
vendredi 1er juin 2012 - 06h:21
PCHR Gaza
Nasser Jaber Ismail Abu Said, âgé de 38 ans, appartient à une famille de réfugiés qui vit à Johr al Dik, un petit village agricole à l’Est de la ville de Gaza.
- Nasser et sa fille Maissa dans l’une de leurs tentes
Nasser, ainsi que ses parents habitaient jusqu’en 2010 dans la même maison qui était située à environ 300 mètres de la frontière Palestino-israélienne. Il était marié avec Naama et avaient ensemble cinq enfants ; quatre garçons Ala (11ans), Beha (10 ans), Sahad (9 ans), Jaber (4 ans) et une fille Maissa (6 ans)
Nasser revient sur la période d’avant 2010 et à quoi ressemblait la vie de sa famille et raconte : « Nous vivions très heureux, nous travaillions notre terre et étions totalement comblés. Mes parents habitaient au premier étage et ma petite famille et moi au second. Les enfants avaient l’habitude de jouer dans la rue, et même nous les grands, nous nous rassemblions dans la rue et regardions la télé ensemble, avec nos familles. » Cependant, cette vie paisible s’est transformée en cauchemar par un après-midi du 13 juillet 2010.
Nasser se souvient : « Nous étions assis dehors, en train de regarder la télévision en buvant du thé lorsque tout d’un coup, des bombardements nous ont fait courir à l’intérieur de la maison. Les enfants criaient et tout était devenu sombre. Constatant l’absence de notre petit garçon Jaber, mon épouse Naama s’est précipitée à l’extérieur de la maison pour le retrouver, faisant fi des tirs et des bombardements qui sifflaient encore. »
Il poursuit : « Quand je suis parti pour la chercher, elle était jetée par terre, couchée sur le dos. J’ai alors essayé de la relever en priant Dieu qu’elle se soit seulement évanouie. Je l’ai appelée par son nom, j’ai tenté de lui parler mais elle ne répondait pas. Lorsque j’ai essayé de la porter, ma main s’est enfoncée dans son crâne. » Naama venait d’être touchée par un obus à fléchettes.
Quelque temps après cette attaque, Nasser a déménagé vers une tente située à 200 mètres de la maison familiale et à 500 mètres de la frontière avec Israël. Il était accompagné de ses cinq enfants et de sa seconde épouse, Ishan (30 ans) et la nouvelle petite Naama (8 mois), nommée ainsi en hommage à sa première épouse.
En septembre 2010, la famille a, petit à petit, commencé à retourner au site de leur maison, mais pendant la journée uniquement. La nuit tombée, tout le monde continuait à dormir sous les tentes.
Le calme fut de très courte durée. En effet, par une journée du 28 avril 2011, alors que les enfants étaient réunis au deuxième étage de la maison en train de réviser et d’étudier en vue de leurs examens, de violentes attaques répétées ont pris pour cible le domicile familial. Nasser décrit : « Je ne pouvais rien voir à cause de la fumée et de la poussière qui étouffaient l’endroit. De plus, les murs étaient complètement démolis. Je cherchais mes enfants et je ne pouvais ni les localiser ni les retrouver : ils étaient sous les décombres. » De ce fait, trois enfants, Ala, Beha et Maissa ont été blessés, ainsi que le frère de Nasser, Mohamed et son épouse Sanah.
Nasser est retourné à la maison quelques jours après les bombardements pour faire le constat des dégâts. Il se souvient : « Le deuxième étage a complètement été soufflé. » Nasser a ensuite pris la décision de retourner s’installer sous la tente, déterminé à aller vivre ailleurs, encore plus loin de la frontière.
Depuis, Nasser vit avec sa famille dans leur camp, composé de plusieurs petites tentes. Ces dernières sont conçue de manière à avoir deux pièces : une pour ?’les invités’’, avec cuisine, petite salle de bain et deux réservoirs d’eau potable. D’ailleurs, Nasser est alimenté en eau et en électricité, notamment pour la télévision, par son frère. En tant que réfugié, il reçoit une aide alimentaire de base chaque trimestre.
Contrarié, il se demande : « Qu’avons-nous fait pour mériter tout cela ? Nous avons vécu en paix pendant 40 ans et n’avons jamais eu affaire à personne ni fait du mal à qui que ce soit. Nous n’avons jamais été accusés ni condamnés de quelconque fait. Et s’il ne s’agit que d’un accident, alors pourquoi faut-il que mon épouse, mes enfants et ma maison paient le prix ? »
Pourtant, il suffit de se référer au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale pour lire dans l’Article 8, alinéa (b) (i) et (ii) que « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités ; » et « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-dire, des biens qui ne sont pas des objectifs militaires » sont des actes de crimes de guerre. En outre, en tant que Puissance Occupante, Israël a l’obligation de respecter et garantir « le droit de chaque personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et pour sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence », peut-on lire dans l’Article 11 du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels.
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9 mai 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha