Vies sous occupation : Jamais je ne quitterai ma terre
mardi 19 juin 2012 - 06h:40
PCHR Gaza
Dans le cadre de ses rencontres avec les Palestiniens vivant sous occupation, et afin de mettre la lumière sur leurs souffrances quotidiennes, le PCHR s’est rendu dans le village d’Abasan, situé à l’est de Khan Younis pour y retrouver Yousef Shahin, 34 ans, propriétaire d’une culture de blé.
- Le champ de blé de Yousef à Abasan
Il était environ 6h30 par ce vendredi 1er juin 2012, lorsqu’un ami de Yousef lui téléphona pour l’informer qu’une partie de sa culture a pris feu après qu’un apache israélien ait ciblé le champ. Il raconte : « Je me suis précipité vers la terre mais je n’ai hélas rien pu faire car les chars israéliens étaient sur les lieux »
Cet incident s’ajoute une longue série d’incursions des forces israéliennes, menées récemment dans le but de détruire les terrains agricoles des Palestiniens. Raser les terres s’inscrit dans le cadre de la politique israélienne illégale concernant la soi-disant « zone tampon » qui longe la frontière entre la Bande de Gaza et Israël.
Au début, Israël n’avait pas identifié les régions désignées comme « zone tampon » Toutefois, en mai 2009, il [Israël] a annoncé que la zone en question s’étendrait sur 300 mètres de la frontière entre la Bande et Israël jusqu’à l’intérieur de Gaza. La réalité sur le terrain est cependant différente puisque la zone tampon peut atteindre les 2 kilomètres. Cette donnée est alarmante sachant que la largeur de la Bande de Gaza est de 5 kilomètres seulement en son point le plus étroit, transformant ainsi la vie des Palestiniens en un véritable enfer.
De plus, les incursions à l’intérieur de la zone tampon prennent généralement la forme du nivellement des sols en utilisant des bulldozers et des attaques aériennes. Et ce n’est pas tout, pour appliquer sa politique, Israël a souvent recours aux tirs réels. Dans ce contexte, Yousef rapporte : « Avant de s’infiltrer dans nos terres pour les raser, et sous une pluie de coups de feux soudains ils commencent à tirer sans se soucier de la présence des gens sur place. Pris au dépourvu, plusieurs personnes décèdent et les plus chanceux se blessent »
Yousef était chez lui le jour de l’attaque, c’est-à-dire le 1er juin. En compagnie de son épouse et de leurs trois enfants, ils se préparaient à partir pour leur champ de blé qui représente 17 dounams et s’étend sur 500 mètres de la clôture qui délimite la frontière. Après l’incident survenu le vendredi, 7 dounams [des 17] avaient été brûlés, provocant ainsi des pertes estimées à US$5.500. Déterminé, Yousef affirme : « Jamais je n’abandonnerai une terre qui a, 20 durant, été la source de mes revenus. Cette terre m’appartient, qu’elle soit à 500 mètres de la clôture ou à 2 mètres seulement » Et de préciser que les forces de la protection civile de Gaza sont arrivées sur place à 7h30 pour éteindre le feu mais n’ont réussi à le maîtriser que vers 11h, grâce notamment à l’intervention du CICR auprès des forces israéliennes.
Par ailleurs, Yousef a indiqué que ce n’était pas la première fois que sa terre soit attaquée : « Les bulldozers ont rasé ma terre 15 fois. Lors d’une des incursions tout à fait au début de l’année 2009, un de mes agriculteurs a été tué et un autre blessé. »
Yousef possédait également un puits et une citerne d’eau que les incidents antérieurs n’ont pas épargnés : « Je sais que si choisis de quitter ma terre, elle sera transformée en une zone militaire fermée. Ma présence et celle des autres agriculteurs les empêcheront d’arriver à leurs fins : c’est pourquoi, je préfère rester et leur tenir tête. »
Yousef n’est malheureusement pas le seul agriculteur dont la vie a été bouleversée par la récente attaque des israéliens. En effet, des terres agricoles et des gerbes de blé recueilli appartenant à des agriculteurs voisins ont également été brûlés le même vendredi. Toutefois, Yousef ne connaît pas encore l’ampleur des dégâts et pertes occasionnés par l’attaque du 1er juin 2012.
« J’ai travaillé dur pendant six mois en vue de la moisson. Maintenant, je me retrouve avec toutes ces pertes. » déplore Yousef alors qu’il indique un nuage de fumée noire que le vent balance à travers le champ. « L’agriculture est ma seule vocation, je n’ai pas d’expérience dans un autre domaine. Admettons que je décide de m’en aller, qu’est-ce que je vais pouvoir faire ? Comment pourrais-je subvenir aux besoins de ma famille ? Mon père m’a confié cette terre qu’il a héritée de son père. Je resterai ici, et cette terre restera donc pour mes enfants après ma mort »
Ainsi, Le fait de diriger des attaques contre des biens de caractère civil constitue un crime de guerre, tel que codifié dans l’Article 8 (2) (b) (ii) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. De même, l’Article 53 de la Quatrième Convention de Genève stipule qu’il : « est interdit de détruire des biens à des personnes privées sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires. » Cibler les propriétés privées dans la zone tampon resserre l’étau autour des Palestiniens qui ne peuvent plus accéder à leurs biens pour subvenir à leurs besoins et produire la nourriture nécessaire à leur survie. Les agissements des forces israéliennes transgressent de nombreuses dispositions relatives aux droits de l’homme, y compris le droit à une alimentation suffisante tel que mentionné dans l’Article 6 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
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13 juin 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha