Vies sous occupation : mon épouse ne pourra peut-être plus jamais marcher
jeudi 12 juillet 2012 - 06h:40
PCHR Gaza
Le 17 juin dernier, aux environs de 23h30, des hélicoptères des forces israéliennes ont lancé deux missiles en direction d’un atelier de chaudronnerie privé, appartenant à des civils, et situé à Rafah, au sud de la Bande de Gaza.
- Rami Shawqi Mansour dans sa maison à Rafah
Des civils qui ne se trouvaient pas très loin de l’atelier ont été grièvement blessés des suites de cette attaque. Il s’agit des membres de la famille Mansour, composée du père Rami (25 ans), son épouse Amani Ismail (25 ans) et leur fille de 5 mois, Layan. « Nous venions de rentrer d’une visite chez mon beau-frère qui habite dans le village de Kherbat al-Adas. Au moment du bombardement, nous étions dans les parages, en train d’attendre un taxi. »
En effet, l’offensive du 17 juin s’inscrit dans le cadre d’une série d’attaques aériennes lancées par les forces israéliennes. Il y a même eu des raids qui ont pris pour cible des objectifs civils notamment des maisons, des voitures, des fermes, des usines et une école, violant ainsi le droit international.
Les dégâts ne s’étaient pas limités au matériel ; de nombreuses blessures sont à déplorer, dont le cas de la jeune famille Mansour. Le père se souvient : « Je tenais ma fille dans mes bras lorsque l’atelier fut bombardé. Je l’ai serrée très fort et me suis tourné vers mon épouse pour lui demander de presser le pas, mais elle était au sol. Il y avait du sang autour d’elle, j’ai essayé de l’aider à se relever mais en vain. C’est seulement à ce moment que j’ai constaté que j’avais, moi aussi, été blessé et que ma jambe gauche saignait »
Les secours sont arrivés sur place quelques minutes après le lancement du missile sur l’atelier « Je ne pouvais même pas aider mon épouse » raconte Rami avant d’ajouter : « Je commençais à crier pour demander l’aide de gens qui étaient venus nous aider à monter dans le taxi. Tout de suite après, une ambulance est arrivée où nous étions tous évacués »
La famille a été transférée à l’hôpital Abu Youssef al-Najjar, où le personnel paramédical lui a prodigué les premier soins. « Mon épouse, poursuit Rami, saignait abondamment du côté gauche. Le personnel faisait de son mieux pour stopper l’hémorragie. J’avais également remarqué que ma petite fille avait été atteinte au bras”
Inquiet pour l’état critique de son épouse, Rami n’a cependant pas remarqué sa jambe gauche qui a été traversée par des éclats d’obus. Il explique : « Elle a reçu les premiers soins à l’hôpital al-Najjar puis a été transférée vers l’hôpital Européen de Gaza, situé à Khan Yunis. Les éclats d’obus sont entrés par son dos et lui ont endommagé les poumons. On a également décidé de l’ablation de la rate qui a été gravement touchée lors de l’attaque. »
L’épouse de Rami a par la suite été admise à l’hôpital Mar Yousef de Jérusalem-Est, en état stationnaire : « Les médecins disent qu’elle ne pourrait peut-être plus marcher. C’est dur d’y penser, on lui a carrément détruit sa vie. Elle n’a que 25 ans, nous sommes mariés depuis un an et demi seulement. Nous avons à peine commencé à construire une vie commune et voilà qu’elle est devenue paralysée. »
Ces paroles amères démontrent le degré de la souffrance de Rami. Le traumatisme et les effets psychologiques sont très durs à gérer. Le père de famille est rongé par la douleur et doit lutter pour se lever ou pour bouger, même appuyé sur sa canne : « Je me sens complètement anéanti. Je n’arrive plus à retrouver le sommeil. Je ne peux même plus manger et boire normalement. Je me sens en danger mais je dois protéger ma famille. Je fais vraiment de mon mieux pour soutenir mon épouse et pour l’aider à accepter sa nouvelle situation. »
Outre les séquelles physiques et psychologiques, la famille Mansour fera face, dans les mois à venir, à de sérieux problèmes financiers « Je suis un fonctionnaire et je ne suis pas bien payé. Je paie encore les dettes de mon mariage et de la dot. Je paie le loyer et j’aide mon père qui est sans travail actuellement. Ma situation financière était déjà déplorable, alors là maintenant ; je lorsque commencerai à payer les factures de l’hôpital. »
Malheureusement, à Gaza, aucune assistance n’est accordée à cette jeune famille.
Malgré tous ces défis, Rami reste optimiste quant à un avenir meilleur pour lui et pour sa famille : « Ils ne m’ont rien laissé. Pourquoi alors voudraient-ils détruire la vie d’un innocent ? Je ne suis pas dans l’armée ; j’ai juste été un jour un homme qui marchait dans la rue avec son épouse lorsqu’ils ont été touchés par des éclats d’obus. Nous n’avons rien fait pour mériter cela ; mon épouse non plus, qu’a-t-elle fait pour mériter ce destin ? Ils sont déterminés à détruire nos vies et à prendre le contrôle sur tout. Cependant, je ne baisse pas les bras : j’ai une volonté de fer et je suis patient. Que puis-je espérer de plus ? Je crois au rétablissement de mon épouse. Sans doute le jour viendra où nous serons enfin libres et où nous aurons une vie meilleure. »
Cibler directement des objectifs civils entre dans le cadre des crimes de guerre, tel que codifié dans l’Article 8 (2) (b) (ii) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. De même, l’Article 53 de la Quatrième Convention de Genève interdit expressément la destruction des biens appartenant à des personnes privées, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha