Vies sous occupation : j’espère pouvoir voir mon fils avant qu’il ne soit trop tard
dimanche 9 septembre 2012 - 07h:25
PCHR Gaza
Une nouvelle famille, une nouvelle histoire, mais la même tragédie. PCHR Gaza est parti à la rencontre de Ahmad Eslayeh dont le fils a été arrêté, il y a cinq ans, alors qu’il était sur le point de traverser la frontière d’Israël pour y chercher un travail.
- Ahmad Eslayeh chez lui dans la région de Maan, Khan Yunis.
Yahia Ahmad était alors âgé de 28 ans et a été condamné à 12 ans de réclusion dans la prison israélienne du désert de Nafkha. Depuis son emprisonnement, Yahia n’a pas vu sa famille de Gaza, néanmoins, sa s ?ur Khadija qui vit à Be’er Sheva (Israël) est autorisée à lui rendre visite.
Le 16 juillet dernier, 24 familles gazaouies ont été autorisées, pour la première fois depuis cinq ans, à visiter les leurs dans les prisons israéliennes. Pour les parents de Yahia, son père Ahmad (86 ans) et la mère Aisha (75 ans), leur tour a finalement été avec le quatrième groupe de visiteurs.
Mais le destin en a voulu autrement. En route vers le passage d’Erez, Aisha a rendu l’âme. Son mari Ahmed raconte : « On nous a informés de la possibilité de voir notre fils la veille du jour de la visite. Aisha était aux anges et a passé la nuit à chanter. Son excitation l’empêchait de dormir. Nos voisins sont même venus partager notre joie de pouvoir revoir notre fils Yahia. Le lendemain matin, nous n’avions pas eu le temps de manger tellement nous étions pressés de partir. Nous avons pris un taxi à 3h30 jusqu’au carrefour de Beniseila où nous sommes montés dans un bus en direction d’Erez. C’est lorsque nous nous approchions de Wadi Gaza que mon épouse est décédée. J’étais avec elle. Nous avons donc rebroussé chemin jusqu’à la Croix Rouge où une ambulance nous a conduit à l’hôpital Al Shifa qui ont déclaré la mort des suites d’une attaque cardiaque, mais moi, je le savais bien avant. »
Ahmad n’est donc pas allé voir son fils ce jour, contrairement aux autres familles. Il poursuit : « Il y avait environ 40 passagers dans le bus. Les parents et les épouses passaient en priorité ; ils avaient poursuivi la route pour voir leurs enfants et leurs époux. Plus tard, une femme est venue me raconter que les visites duraient environ 30 minutes, et que mon fils était là, en train de guetter notre arrivée, mais en vain. Il a appris la nouvelle par le biais d’autres prisonniers qui avaient vu à la télévision que sa mère était décédée. »
Il n’y a donc que Khadija, la s ?ur de Yahia qui peut lui rendre visite. Les membres de la famille qui habitent à Gaza ne jouissent hélas pas de la même faveur. Elle raconte à cet effet : « C’est une exception car j’habite à Be’er Sheva avec ma famille. Si j’étais encore à Gaza, je ne serais probablement pas en mesure de lui rendre visite car je suis sa s ?ur, et la priorité n’inclut pas les frères et s ?urs. A chaque visite, je trouvais un Yahia propre, bien rasé et tenant un discours extrêmement positif. Il ne voulait surtout pas que je m’inquiète pour lui. Tous les 3 mois, je lui apportais des vêtements, mais à chaque rencontre, je le trouvais avec le même uniforme marron. Il était parmi les prisonniers qui ont entamé une grève de la faim pour dénoncer leurs conditions de détention et le manque de visites. Il avait terriblement maigri et faibli et m’avait dit : « Si je suis en grève de la faim, c’est pour pouvoir voir mes parents. Ils sont très vieux et je ne veux pas qu’ils meurent sans que je ne puisse les voir. »
Khadija est à Gaza depuis la mort de sa mère. Elle conclut : « Je suis venue pour rester avec mon père et prendre soin de lui. Je ne suis pas retournée voir mon frère et j’ignore quand l’occasion se présentera de nouveau pour moi. »
Pour sa part, Ahmad reconnait souffrir loin de son fils et décrit la douleur que ressentent les parents face au refus de leur droit de visiter leurs enfants en prison : « Je ne l’ai plus revu depuis cinq ans, c’est-à-dire depuis son arrestation. Il n’est pas toujours facile de voir les copains de mon fils se marier et fonder des familles, alors que mon fils est détenu entre quatre murs. A chaque fois que j’assiste à un mariage, je prends sa photo avec moi juste pour pouvoir l’imaginer parmi nous. Ma femme et moi rêvions d’organiser un jour une fête de mariage grandiose pour lui. Malheureusement, je suis à présent très vieux et je ne vois presque plus, j’ai toujours besoin de quelqu’un pour m’aider à me déplacer. Il ne me reste plus qu’un souhait : obtenir une nouvelle autorisation de visite pour pouvoir enfin voir mon fils avant qu’il ne soit trop tard. »
Les autorités israéliennes refusent aux prisonniers de la Bande de Gaza le droit de visite des familles depuis le 6 juin 2007. La visite des prisonniers programmée pour le 16 juillet 2012 est la première depuis 5 ans. Cette démarche est le résultat d’un accord qui a été signé le 14 mai, avec une médiation égyptienne, entre les prisonniers, les détenus et les autorités israéliennes, ayant pour but de mettre un terme à la grève de la faim entamée par les prisonniers Palestiniens et leurs familles. Actuellement, le nombre de visites s’élève à 7.
La Croix Rouge estime que les prisons israéliennes renferment environ 500 prisonniers Palestiniens, parmi lesquels seulement 184 ont, à ce jour, eu droit à des visites. Ces dernières durent en moyenne 45 minutes et les visiteurs n’ont pas le droit d’apporter quoi que ce soit aux prisonniers. Aussi, le contact direct est interdit et les visiteurs ne sont pas autorisés à toucher leurs proches. Ils peuvent seulement les voir à travers les vitres.
Toutefois, il faut reconnaitre que les visites qui interviennent après de longues périodes de séparation entre le prisonnier et sa famille restent insuffisantes et ce, en dépit du fait qu’elles soient actuellement autorisées.
Pourtant, l’Article 37 de l’Ensemble des Règles minima pour le Traitement des Détenus stipule : « Les détenus doivent être autorisés, sous la surveillance nécessaire, à communiquer avec leurs familles et ceux de leurs amis auxquels on peut faire confiance, à intervalles réguliers, tant par correspondance qu’en recevant des visites. » Ce point est soutenu par le Principe 19 de l’Ensemble des Principes pour la Protection de Toutes les Personnes soumises à une Forme quelconque de Détention ou d’Emprisonnement qui stipule : « Toute personne détenue ou emprisonnée a le droit de recevoir des visites, en particulier des membres de sa famille, et de correspondre avec eux, et a le droit de disposer des possibilités adéquates pour correspondre avec le monde extérieur. »
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha