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Vies sous occupation : “Nos champs sont devenus des endroits dangereux”

vendredi 8 février 2013 - 06h:34

PCHR Gaza

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Depuis 2007, les autorités israéliennes ont unilatéralement imposé ce qu’elles appellent une « zone tampon » qui longe la frontière et s’étend officiellement sur 300 mètres à l’intérieur de la Bande de Gaza. Toutefois, cette zone tampon, illégalement mise en place avec le recours à la force meurtrière, peut facilement atteindre les 1500 mètre à partir de la barrière.

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Ahmed Saeed Khamis Hamdona devant les terres louées par sa famille

Environ 35% des terrains agricoles de la Bande de Gaza se trouvent dans cette zone, devenue hautement dangereuse pour ses propriétaires qui y accèdent au risque de leurs vies, les attaques israéliennes ayant souvent tué et blessé des civils.

Cette situation a fini par avoir des répercussions négatives sur les moyens d’existence des agriculteurs qui travaillent près la zone frontalière.

Pourtant, l’accord de cessez-le-feu conclu le 21 novembre 2012 avait indiqué que les Gazaouis seraient de nouveau autorisés à accéder librement aux terrains agricoles situés sur la zone frontalière. Cependant, les attaques contre les civils dans cette même zone se sont poursuivies. Depuis l’entrée en vigueur de la trêve, 4 civils Palestiniens ont été assassinés et 71 autres blessés, dont 16 enfants. Le manque de clarté concernant l’accès à la zone frontalière constitue un point d’interrogation dans le milieu des agriculteurs qui plongent dans l’incertitude. Ils sont réticents à s’investir dans leurs terres et à y investir de l’argent pour que tout soit réduit à néant une fois de plus. Qui plus est, ils risquent leurs vies au vue des attaques lancées par les forces israéliennes.

PCHR Gaza s’est approché d’une famille d’agriculteurs, victime de ces agissements. Depuis 2005, Ahmed Saeed Khamis Hamdona, 32 ans, et sa famille louent ensemble 30 acres des terres cultivables de Beit Lahia, la région nord de la Bande de Gaza, soit à 200 mètres de la frontière.

La famille d’Ahmed a été confrontée à plusieurs défis et enjeux en tentant de cultiver la terre. Il explique à ce sujet : « Travailler sa la terre est devenu une activité fort pénible à cause des restrictions. Nous sommes d’abord confrontés aux dangers lorsque nous essayons d’accéder à nos terres. Ensuite, nous hésitons quant aux produits que nous devons planter. Pour le moment, je ne peux que semer les fraises et la pomme de terre. Je ne suis hélas pas autorisé à planter des oliviers et des citronniers car ils sont très épais et buissonnants, ce que les forces israéliennes ne tolèrent pas. Elles veulent que la terre soit dégagée pour que l’armée puisse guetter et surveiller nos moindres mouvements. Nous avons une fois voulu nous aventurer en récoltant les pastèques mais tout a été détruit. »

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Les membres de la famille d’Ahmed labourent le champ pour semer la pomme de terre

Ahmed et sa famille produisent des fraises de très bonne qualité pour l’exportation. Malheureusement,
il leur est difficile d’accéder aux marchés étrangers comme l’explique Ahmed : « L’association des producteurs de fraises tente de faire passer nos produits au-delà de la frontière pour les exporter. Nous espérons obtenir de meilleurs prix qui nous aideront à améliorer notre production afin qu’elle réponde aux critères d’exportation. Toutefois, nos fraises n’ont pas pu franchir la frontière depuis 2009. A chaque fois, le nombre des cargaisons autorisées est soit réduit, soit directement annulé. Nous ne parvenons pas à cibler les marchés qui sont au-delà de la frontière, ce qui m’aurait rapporté autour de 15 à 20 shekels par kilo. A Gaza, le kilo est à 4 shekels seulement. En fin de compte, nous sommes perdants sur toute la ligne car en parallèle, la location de la terre nous coûte 50.000 shekels par an. »

Les exportations des fraises produites dans la Bande de Gaza ont considérablement diminué depuis 2007. Avant le blocus, une moyenne de 1500 tonnes de fraises étaient annuellement exportées ; un taux dramatiquement revu à la baisse en 2012 pour se limiter à 357 tonnes seulement.

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Les fraises qui poussent sur les terres d’Ahmed

Conséquence directe de cette situation, une réduction des revenus qui agit négativement sur le quotidien d’Ahmed et de sa famille. Pire encore, leur terre a plusieurs fois été la cible des forces israéliennes : « Comme tous ceux qui ont payé le tribut de la toute récente guerre (novembre 2012), une partie de ma terre en a également fait les frais. J’ai beaucoup perdu, essentiellement les récoltes qui ont sauvagement été détruites. A présent, nous devons repartir à zéro et replanter les fraises et pommes de terre détruites, mais cela demande bien évidemment beaucoup de temps et d’argent. »

Habitué à ce type de perturbations, Ahmed poursuit : « Après la guerre de 2009, les forces israéliennes nous avaient interdits de travailler pendant les après-midis. Ils tiraient sur n’importe quelle personne qui osait accéder à la terre. Il nous est arrivé de travailler seulement deux heures par jour car nous avions peur de rester sur nos terres et d’être les prochaines cibles. Cela a nettement freiné le processus entier de l’agriculture ainsi que les délais nous permettant d’aller vendre nos produits dans les marchés. Avant, nous plantions et produisions jusqu’à 20 tonnes de fraises par an, mais depuis 2009, ce taux a chuté jusqu’à 3 tonnes seulement. »

Toutefois, Ahmed garde l’espoir d’un lendemain meilleur : « Je suis encore optimiste car depuis la fin de l’offensive de novembre, nous avons été capables de travailler nos terres pendant de longues heures, même si nous ne devions pas tarder dans l’après-midi. Néanmoins, je ne suis pas très sûr combien de temps nos soucis continueront ni quand en serons-nous débarrassés. Je rêve de voir la fin du blocus et l’instauration de la paix. Nous voulons juste vivre en sécurité et pouvoir travailler sans contraintes. »

Les attaques sur Ahmed, sa famille et sa terre qui est leur seul gagne-pain font partie d’une large tendance des attaques perpétrées par les forces israéliennes positionnées sur la frontière entre la Bande de Gaza et Israël. Le blocus imposé sur la Bande de Gaza, promulgué par Israël comme forme de « guerre économique » constitue une punition collective que l’Article 33 de la quatrième Convention de Genève interdit manifestement.

De plus, ce régime de fermeture viole de nombreuses dispositions du droit international, y compris l’Article 43 du Règlement de la Haye soulignant l’obligation de maintenir toutes les conditions matérielles dans lesquelles vit la population occupée. Par ailleurs, la négation du droit à la liberté de mouvement des agriculteurs, entrainant des restrictions d’accès à leurs sources de revenu, viole le droit de ces travailleurs à la nourriture et aux différentes conditions de travail justes et favorables garanties par les Articles 6 et 7 du Pacte sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels.

La pauvreté endémique qui sévit à Gaza et l’aide étrangère nécessaire pour soutenir la population de Gaza désavouent clairement la politique israélienne et démontrent à quel point cette dernière enfreint ses obligations en vertu du droit humanitaire international et des droits de l’homme lui dictant d’assurer la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels dans la Bande de Gaza.

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23 janvier 2013 – PCHR Gaza – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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