Vies sous occupation : A quoi ressemble mon fils maintenant ?
dimanche 27 mai 2012 - 07h:33
PCHR Gaza
La famille Sarfiti vit à Sheikh Radwan, dans la ville de Gaza. Elle fait partie des familles directement concernées par la question des détenus Palestiniens dans les prisons israéliennes.
- Abu Hosni Sarfiti
Le père de famille, Abu Hosni, âgé de 61 ans, raconte : « J’ai trois garçons et quatre filles. L’armée israélienne a tué deux de mes garçons ; l’aîné Hosni qui avait 23 ans, et Mohamed qui n’avait que 7 ans. Le troisième qui en a été épargné croupit en prison depuis le 7 juillet 2002 suite à son arrestation au niveau du passage d’Erez. Les autorités israéliennes lui avaient auparavant délivré une autorisation de voyage, mais ce jour-là, arrivé sur place il a directement été conduit en prison. Il a été condamné à 16 ans de prison pour participation à des activités de résistance lors de l’incursion armée à Jabaliya. Ali est actuellement âgé de 32 ans ; il était fiancé avant son arrestation mais hélas, c’est fini maintenant. »
9 ans donc depuis la détention de Ali au cours desquelles Abu Hosni n’a vu son fils qu’à de rares occasions. Il explique : « Ma dernière visite remonte à 2003, et c’était la deuxième. Mon épouse a pu le voir trois fois jusqu’en 2004. C’était la même année, plus précisément le 16 mars, que notre fils aîné, Hosni, a été tué par l’armée de l’occupation. Depuis, les autorités refusent catégoriquement de nous délivrer des permis de visite en avançant des raisons sécuritaires. Nous n’avons pas baissé les bras et nous nous sommes adressés à plusieurs organismes des droits de l’homme et à la Croix Rouge, mais en vain. »
Il poursuit : « Face à cette impasse, nous avons décidé de lui écrire des lettres. Je lui ai envoyé plusieurs par le biais de la Croix Rouge mais je n’ai reçu que quelques réponses. Pour sa part, Ali profite de la présence de personnes de Cisjordanie qui vont en prison visiter leurs proches pour nous transmettre des nouvelles et des messages » S’agissant des communications téléphoniques, Abu Hosni répond : « Nous n’avons pas le droit de parler au téléphone. Lorsqu’Ali était dans la prison de Néguev, il pouvait nous appeler de temps en temps avec des portables que d’autres prisonniers s’arrangeaient à introduire dans les cellules. Maintenant qu’il a été transféré à la prison de Nafha, les choses sont rendues plus difficiles. »
Et c’est par le biais de personnes qui sont en contact avec des prisonniers qu’Abu Hosni a appris que son fils observait une grève de la faim depuis le 17 avril.
Les soucis d’Abu Hosni ne cessent de s’accumuler depuis l’arrestation de son fils, l’absence de toute nouvelle sur son bien-être et la détérioration de sa santé à l’intérieur de la prison. Inquiet, il avoue : « Lorsque Ali tombe malade ou des incidents éclatent en prisons, je deviens très angoissé et je passe des moments très difficiles en l’absence de nouvelles. Nous n’avons pas un contact direct avec lui pour savoir ce qu’il endure, mais des échos nous parviennent de la part de personnes qui ont été capables de se rendre dans la prison pour visiter un proche. Par exemple, pendant et après les interrogatoires, Ali a été hospitalisé durant trois mois pour des saignements de l’estomac. Là aussi, des gens sont venus nous apprendre la nouvelle bien après qu’il soit tombé malade. »
Abu Hosni ajoute : « C’est un véritable supplice. Ne pas être en mesure de voir son fils qui est en prison est la pire des punitions que peuvent subir les parents. Mes deux autres garçons ont été tués, je sais que c’est le destin qui en a voulu ainsi et qu’ils ne reviendront jamais. Ali est encore en vie mais je ne suis pas autorisé à le visiter ni à chercher à savoir comment il se porte. Une de mes filles est mariée et installée en Arabie Saoudite. C’est loin, mais nous pouvons lui rendre visite, et elle peut venir nous voir. Aussi, nous nous parlons au téléphone ou via internet. Hélas, je ne peux pas faire pareil avec mon fils emprisonné. »
Pour rappel, plus de 2000 Palestiniens emprisonnés dans les geôles israéliennes et centres de détention ont entamé une grève de la faim depuis le 17 avril 2012, soit la Journée Nationale du Prisonnier. Par cette action, les prisonniers entendaient transmette un message aux autorités israéliennes où ils revendiquent l’amélioration de leurs conditions de vie et de détention dans les prisons, l’autorisation de visites pour les familles ; notamment pour les prisonniers originaires de la Bande de Gaza, le droit des prisonniers à l’éducation et au savoir et la fin de la politique l’isolement cellulaire, de la répression et des fouilles nocturnes.
Plusieurs prisonniers, plus particulièrement Bilal Diab et Thaer Halahleh, avaient commencé leur grève de la faim bien avant le 17 avril et sont actuellement dans un état critique.
Dernièrement, soit le 14 mai, la grève de la faim a été interrompue suite à la médiation jouée par les autorités égyptiennes dans le cadre de la conclusion d’un accord entre les prisonniers et détenus et les autorités israéliennes. Les détails spécifiques et la mise en ?uvre de l’accord n’avaient pas encore été publiés au moment de la mise en ligne de l’article.
Par ailleurs, il est indispensable de mettre la lumière sur les échos suscités par la grève de la faim depuis le 17 avril. Cette action a très vite pris une autre tournure, en se libérant des murs des cellules, en s’étendant à l’extérieur des prisons et en inspirant des gens de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza qui avaient jeûné pour marquer leur solidarité. Même Abu Hosni a rejoint le mouvement depuis le 2 mai en se limitant à l’eau et au sel. Il s’agit en effet de la troisième fois qu’il participe à une grève de la faim pour appeler à l’amélioration des conditions des prisonniers Palestiniens. Il affirme : « Nous étions 55 hommes et 30 femmes. Beaucoup de personnes étaient venues nous rendre visite dans les tentes pour marquer leur solidarité, et on ne voyait pas le temps passer. »
Il explique : « Nous avons entrepris cette action non pas pour nos propres revendications, mais plutôt pour soutenir et appuyer les demandes des prisonniers. Ces derniers ne réclament que leurs droits basiques, à savoir les visites familiales et la fin de l’isolement cellulaire, de la détention administrative, de la torture, des mesures punitives et des fouilles à nu. L’accord conclu est une excellente nouvelle et une grande réussite. »
En dépit de son excitation et sa vive émotion, Abu Hosni ignore l’impact qu’aura cet accord sur la situation que vit sa famille car les détails sur d’éventuelles visites familiales n’ont pas encore été spécifiés.
Il avoue : « Mine de rien, c’est la neuvième année ; c’est énorme. Ali n’est certainement plus le même, les années ont sans doute eu raison de lui et de ses traits. Si je pourrais un jour lui rendre visite, je ne serais peut-être pas en mesure de le reconnaitre. A quoi ressemble-t-il maintenant ? Je l’ignore, il a tellement grandi depuis qu’il est en prison ! »
Pourtant, la torture, le traitement cruel, inhumain et dégradant des détenus constitue une violation de l’Article 7 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ainsi que l’Article 3 commun aux Conventions de Genève. Les autorités israéliennes ont, depuis le 6 juin 2007, pris des mesures punitives contre les prisonniers originaires de la Bande de Gaza en leur interdisant les visites familiales et ce, en réponse à la capture du soldat Gilad Shalit.
Et pour finir, le déni collectif des visites familiales et des communications régulières avec des proches constitue une forme de punition collective qui transgresse l’Article 33 de la Quatrième Convention de Genève.
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16 mai 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à : http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha