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Vies sous occupation : 13 jours de détention, 13 jours de traumatisme

vendredi 14 septembre 2012 - 10h:41

PCHR Gaza

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Il y a trois ans, Rahwi Qargaz (42 ans) a été victime d’un accident de moto qui s’est soldé par une fracture de l’épaule droite et une rupture du cartilage du genou gauche.

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Rahwi Qargaz devant sa maison à Jabalya

Depuis, son état a requis plusieurs interventions chirurgicales, la toute récente remonte au mois d’avril 2010 lorsqu’il a eu des complications au niveau du genou.

Avec ses problèmes de santé qui persistent, Rahwi a décidé, le 15 juillet dernier, de se rendre à Tel Aviv pour se soigner et pour se faire opérer. Arrivé au niveau du checkpoint d’Erez, il a été arrêté et détenu pendant 13 jours.

Il raconte : « J’ai fait plusieurs opérations à Gaza qui n’ont malheureusement pas réussi à soulager les douleurs de ma jambe. En fait, le type de traitement qu’il me faut n’est disponible dans aucun hôpital gazaoui. Je suis donc parti voir mon médecin pour lui demander un transfert vers Israël. Au mois de mai, j’ai entamé la procédure d’obtention de mon transfert médical. Les délais étaient longs et en parallèle, ma santé se détériorait. Ce n’est donc qu’au mois de juillet que j’ai fini par obtenir mon autorisation de voyage et un rendez-vous dans un hôpital de Tel Aviv. »

Les démarches ne se sont pas arrêtées là puisque les Services de Renseignements Israéliens doivent d’abord s’entretenir avec Rahwi avant qu’il ne soit autorisé à se rendre en Israël. « Je suis arrivé à Erez vers midi. A l’instar de tous les présents, j’ai été fouillé et l’officier de police m’a demandé les raisons de ma visite. Je lui ai montré mon dossier médical, suite à quoi, j’ai été conduit vers une pièce où ils ont commencé leur enquête et interrogatoire. Et l’officier de me lancer ?’Je m’en fiche de votre dossier, c’est vous qui nous intéressez : nous vous attendions depuis longtemps’’. J’ai été accusé de fabrication et de stockage de roquettes dans ma maison. »

Les yeux bandés, Rahwi a par la suite été transféré vers la prison d’Ashkelon : « On m’interrogeait jour et nuit avec seulement une ou deux heures de coupure que je passais en isolement. Ils m’ont attaché à une chaise fixée au sol. Mes mains étaient attachées au dos de la chaise et mes pieds avec ceux de la chaise. Les enquêteurs, dont le nombre pouvait aller jusqu’à 5, n’ont pas eu recours à la violence physique, mais plutôt à la violence verbale en m’inondant d’injures et d’insultes. »

Durant l’enquête, Rahwi s’est retrouvé avec plusieurs accusations portées contre lui : « Pendant les quatre premiers jours de ma détention, ils m’ont posé des questions sur ma maison et sur l’usine d’acier que possède mon frère. Ils ont, de ce fait, évoqué un incident qui s’est produit en 2010 et où ma maison a pris feu. J’ignore la cause mais je sais qu’à l’époque, je stockais des quantités de diesel pour mon générateur et pour l’usine de mon frère. Toutefois, pour les enquêteurs, l’origine de l’incendie était les roquettes que je fabriquais. Ils prétendent que mon frère et moi avions fabriqué entre 900 et 1000. »

Devant ces accusations, j’ai répondu que même si c’était vrai, les roquettes n’auraient pas incendié ma maison seulement, mais auraient ravagé l’ensemble du quartier.

Ces quatre jours passés, Rahwi fut transféré vers la prison centrale de Barshiva où il est resté trois jours avec d’autres prisonniers : « Les forces israéliennes ont fait appel à une nouvelle méthode pour m’obliger à parler. Ils m’ont envoyé les autres prisonniers pour s’entretenir avec moi et pour me pousser à reconnaitre les accusations portées contre moi. La première fois, ce fut un vieil homme à la soixantaine, qui est venu me pour persuader à avouer, mais qui a fini par se fâcher et a voulu se disputer avec moi lorsque j’ai tout nié. Une autre fois, c’était le tour d’un autre prisonnier muni de son calepin et qui notait tout ce que je disais. Celui-là est allé plus loin en prétendant que mon frère avait reconnu les faits et que, par voie de conséquence, je n’avais plus qu’à avouer. »

Au terme de ces trois jours, Rahwi a été redirigé vers Ashkelon pour passer les pires moments de sa détention : « L’interrogatoire a commencé un dimanche de 9h00 à 16h30, puis 30 minutes de pause. Je suivais l’heure sur la montre de l’enquêteur. A 17h00, l’interrogatoire a repris jusqu’à mardi à 5h30, sans interruption. Ils me donnaient des noms de gens et me demandaient de leur fournir des informations les concernant. Ils m’ont présenté la carte de mon quartier en voulant tirer quelques aveux sur mes voisins. Evidemment, j’étais moralement et psychologiquement abattu et traumatisé par ces épreuves qui ne voulaient pas finir. Eux par contre, et même si j’ai répondu que je ne savais pas de quoi ils parlaient, ils étaient prêts à aller jusqu’au bout et à ne pas me relâcher. »

Et c’est seulement dans la journée du 2 août, vers 11h30 que Rahwi a été relâché : « Ils m’ont dit que je n’ai pas été coopératif et que je serais libre si j’acceptais de leur fournir, dans l’avenir, des informations au sujet de mes voisins et d’autres personnes. J’ai accepté de ne pas leur mentir. Quand je fus libéré, j’ai réclamé mes effets personnels laissés à Erez. L’argent que j’avais pour mes soins médicaux, 1660 shekels et 300$ n’y était pas. Mais quel valeur l’argent peut-il avoir face à la liberté ? Je n’y ai même pas pensé, j’étais seulement très heureux d’être relâché et de retrouver ma famille. »

Content de s’être réuni avec les siens, Rahwi n’est cependant pas soulagé de ses douleurs physiques et doit poursuivre le traitement de sa jambe. Il boite et s’appuie sur une béquille : « Les 13 jours de ma détention étaient très durs à supporter pour mon épouse et mes trois enfants qui se sentaient désarmés et ne pouvaient que demander aux avocats et à la Croix Rouge de tenter de me libérer. Pour ma part, j’ai été terriblement traumatisé, notamment par leurs longs et interminables interrogatoires. Jusqu’à présent, je prends les médicaments prescrits pas mon médecin après ma libération. Mais fort heureusement, je pourrai subir une intervention chirurgicale en Egypte au mois de septembre. D’ici là, je dois patienter. »

L’Article 9 (1) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) stipule que « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs, et conformément à la procédure prévus par la loi. »

Ceci étant, il apparait clairement que l’arrestation et la détention de Rahwi, sans qu’il ne soit informé des accusations portées contre lui ni introduit devant un juge, (en violation de l’Article 9 (2-3) du PIDCP), constituent une violation flagrante du droit international et des droits humains. En outre, les interrogatoires interminables durant 13 jours constituent une violation manifeste de l’Article 1 de la Convention contre la Torture qui interdit : « Tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux. »

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15 août 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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