Vies sous occupation : quand la vie ne tient qu’à un fil
jeudi 10 mai 2012 - 10h:10
PCHR Gaza
Shahinez Khouf, une mère de 6 enfants, souffre depuis presque deux ans d’une insuffisance rénale. Elle doit, à cet effet, se rendre trois fois par semaine à l’hôpital Al Shifa pour des séances d’hémodialyse.
- Shahinaz Khouf au centre sur la photo
Toutefois, en raison des graves pénuries des traitements médicaux dans la Bande de Gaza, l’hôpital n’est pas en mesure de prodiguer à Shahinez les trois séances hebdomadaires d’hémodialyse. Face à cette situation, elle ne cache pas son inquiétude et sa préoccupation quant à une récidive et avoue : « J’ai très peur que mon état de santé se détériore à cause des séances manquées » Elle explique : « Les semaines pendant lesquelles j’ai dû suivre deux séances seulement ont pesé sur moi et je me sentais faible et souffrante. D’ailleurs, une fois diagnostiquée pour insuffisance rénale, j’ai fini par développer des problèmes cardiaques » De ce fait, Shahinez reste impuissante devant son état qui s’aggrave à cause de l’insuffisance des séances de dialyse rénale. Cette situation affaiblit son c ?ur qui est toujours appelé à fournir davantage d’efforts et entraîne donc une complication de ses problèmes de santé.
Shahinez n’est pas la seule malade à déplorer le manque de prise en charge à l’hôpital Al Shifa. Il y a aujourd’hui environ 450 malades qui ont besoin d’avoir des séances régulières d’hémodialyse dans le même hôpital et dont la réduction de ces séances nuit manifestement à leur état de santé.
Shahinez était assise à côté de son époux et de sa fille qui ne cachent pas leur préoccupation sur les conséquences de l’insuffisance du traitement médical sur sa santé. De plus, l’hôpital est à cours de Calcium et ne peut plus le procurer aux malades. Ces derniers l’achètent dans des pharmacies privées. Cependant, le problème qui se pose concerne presque toutes les familles Gazaouies plongées dans le chômage [1]. A ce titre, le mari de Shahinez souligne : « Nous essayons d’équilibrer notre budget et nos dépenses entre achat de la nourriture et des comprimés de calcium qui coûtent les yeux de la tête »
Pour sa part, Dr Shatat, Directeur du Service d’Hémodialyse à l’hôpital Al Shifa, se dit frustré de voir tous ces malades privés de leur droit au traitement médical. En montrant un des appareils, Dr Shatat reconnait que « les vies des patients dépendent de ces machines. D’autre part, les patients sont angoissés de savoir que leur pronostic vital est lié au fonctionnement de ces appareils »
Dr Shatat explique par ailleurs les raisons des pénuries qui entrainent la paralysie de son service et met en danger la vie des malades. Tout commence par « un approvisionnement au compte-goutte » De ce fait, l’état des stocks est alarmant et les produits comme « cathéters centraux, lignes de sang, aiguilles et bicarbonate de sodium qui sont indispensables pour le fonctionnement des machines d’hémodialyse font défaut »
Une autre inquiétude plane sur le service d’hémodialyse. Il s’agit de la pénurie et l’épuisement quasi-total des médicaments nécessaires dans le traitement des maladies rénales, notamment le calcium et l’héparine, au niveau de l’hôpital Al Shifa ainsi que dans d’autres hôpitaux du Ministère de la Santé [2] de la Bande de Gaza.
Lorsque ces médicaments sont disponibles dans les hôpitaux du Ministère de la Santé comme Al Shifa, ils sont distribués gratuitement aux malades. Lorsqu’il y a pénurie dans les hôpitaux, ces médicaments épuisés peuvent être trouvés chez le privé. Là aussi, la situation économique tragique et le chômage général occasionnés par le blocus illégal sur la Bande de Gaza ne permettent pas aux malades d’acheter leurs médicaments dans des pharmacies privées.
D’autre part, le Directeur des Fournitures Médicales, Mohamed Nounou, livre une explication approfondie au sujet des pénuries et leurs impacts néfastes sur le traitement rénal « Les données statistiques sur les pénuries ne reflètent pas la réalité avec exactitude. Il s’agit de tout un processus dont plusieurs types d’éléments manquent. La dialyse rénale est un cycle et le traitement est comme une chaîne : si un maillon spécifique s’interrompt, c’est tout le processus qui s’arrête et le cycle qui est suspendu »
Nounou ajoute que les hôpitaux tentent de trouver des solutions à ces problèmes en s’arrangeant de reprogrammer les séances de d’hémodialyses et en utilisant des produits jetables.
Il convient de préciser que le service d’hémodialyse est un exemple parmi tant d’autres services en souffrance dans la Bande de Gaza. Depuis 2007, le secteur de la Santé connait de graves pénuries de médicaments et de produits médicaux jetables qui le paralysent. Le Ministère de la Santé a établi une liste de ces médicaments et produits où des pénuries variables mais chroniques sont enregistrées.
Depuis janvier 2011, le Ministère de la Santé avait relevé qu’à n’importe quel moment, entre 120 et 180 des 480 médicaments importants étaient en rupture de stock. A la même période, entre 140 et 200 d’un ensemble de 700 articles jetables indispensables ont également été en rupture de stock.
Cette situation est le résultat des livraisons insuffisantes du Ministère de la Santé de Ramallah vers Gaza. Depuis 2007, le Ministère de la Santé de la Bande a reçu des quantités de médicaments et de produits médicaux nettement inférieures à celles convenues avec son homologue de Ramallah. Dans cette optique, Mohamed Nounou exhorte les responsables de l’actuelle impasse à mettre leurs différends politiques de côté car, souligne-t-il « Les patients ne doivent pas souffrir pour des raisons politiques »
Quant à Shahinez, la mère de famille souhaite que « Les gens entendent son cri de détresse et d’indignation. Un cri émanant d’une personne ordinaire qui ne désire qu’une seule chose : vivre »
Pourtant, Israël est, en sa qualité de puissance occupante, légalement tenu de fournir et de garantir à la population Palestinienne une livraison libre et sécurisée de tous types de médicaments et ce, lorsque les ressources qui existent dans les Territoires Occupés ne suffisent pas à répondre aux besoins de tous les malades.
Notes :
[1] Selon les chiffres de l’UNRWA, le taux de chômage à Gaza a dépassé 45%
[2] MS Gaza : Ministère de la Santé qui gère 80% des hôpitaux et cliniques de la Bande de Gaza
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14 décembre 2011 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha