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Vies sous occupation : En détruisant mon usine, ils ont détruit mon avenir

jeudi 20 septembre 2012 - 07h:08

PCHR Gaza

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Les habitants de la Bande de Gaza sont constamment ciblés par les forces de l’occupation israélienne. Chaque jour, ce sont des familles entières qui périssent ou qui perdent leurs maisons et leurs moyens de subsistance. PCHR Gaza est allé à la rencontre de Mamoun Ahmad Dalloul, 46 ans et dont l’usine de produits laitiers a été à maintes reprises dans le collimateur israélien.

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Mamoun Ahmad Dalloul devant sa fabrique détruite à Tel-el-hawa

Mamoun vit à Tel el-hawa avec son épouse et leurs neuf enfants. Son usine produisait, jusqu’à récemment, le lait, le fromage et le yaourt. Ne baissant pas les bras, il a dû reconstruire quatre fois sa fabrique ciblée et détruite par les forces de l’occupation israélienne depuis décembre 2008.

Dernièrement, dans l’après-midi du 4 juin dernier, Mamoun reçoit un appel de son frère dont la maison avoisine l’usine. Il l’a informé que vers 1h, un F16 des forces israéliennes a attaqué l’usine avec un missile : « Je suis sorti précipitamment en direction de ma fabrique. Arrivé sur place, j’ai trouvé les pompiers et la police. Les voisins, paniqués, étaient dans la rue. On m’a informé qu’après avoir frappé l’usine, le missile s’est enfui à 6 ou 7 mètres dans le sol. Il y a eu une secousse pendant 5 minutes, semblable à un tremblement de terre, puis le missile a explosé laissant derrière lui un important cratère. Je me demande bien quel type de missile était-ce. »

Cette cinquième attaque sur l’usine a terriblement bouleversé Mamoun : « Mon usine a été la première fois détruite en décembre 2008, lors que l’Opération Plomb Durci. L’usine était à l’époque très grande et occupait tout le rez-de-chaussée de notre maison. Ce jour, j’avais reçu un coup de fil de la part des forces israéliennes m’informant que l’immeuble allait sauter dans 15 minutes. Sans plus attendre, ma famille et moi avions évacué les lieux. Un F16 a tiré trois missiles qui, en quelques secondes, ont détruit la bâtisse. C’est cruel de tout perdre en un laps de temps, de se retrouver sans abri et de perdre son seul gagne-pain. »

Sans un toit, Mamoun et sa famille ont traîné dans les maisons des proches à la recherche d’un abri : « Nous sommes restés quelques jours chez mes parents, puis nous sommes partis chez mon beau-frère et ensuite chez mon frère. Mon fils me demandait toujours les raisons de ces déplacements et pourquoi nous n’avions pas de maison. Finalement, l’UNRWA, tenant compte du fait que mon épouse soit une réfugiée, nous a construit une habitation d’une seule pièce. J’ai ensuite décidé de reconstruire mon usine à Sabra, au centre de la ville de Gaza. J’ai commencé avec une petite fabrique modeste car les matériaux de construction étaient indisponibles et introuvables à Gaza, sans oublier bien sûr les contraintes financières. Six mois après, les forces israéliennes sont revenues à la charge et l’ont détruite à nouveau. Je ne me suis pas laissé intimider et j’ai décidé de reconstruire dans un autre endroit en m’associant avec quelqu’un mais le résultat était le même, l’usine a été détruite pendant sa construction. »

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Le cratère provoqué par le missile du F16, le 4 juin 2012

A ce stade, Mamoun a renoncé à toute tentative de reconstruction de l’usine : « Les deux premières fois, je l’avais reconstruite car elle représentait mon unique moyen de subsistance. Gaza manque terriblement d’occasions de travail. Mon usine, à elle seule, embauchait 120 personnes dont mes trois frères et mon fils. Cette situation les affecte et je peux sentir leur désolation car l’usine constituait leur unique ressource pour eux et pour leurs familles. J’en avais assez au bout de la troisième attaque, mais des représentants de la Commission Européenne sont venus de Jérusalem et m’ont informé qu’ils serviraient de médiateurs en mon nom et m’ont promis que l’usine ne serait plus touchée. A chaque fois que j’achetais de nouvelles machines, ils venaient pour les prendre en photo et pour me rassurer également. Cela m’a encouragé, alors j’ai commencé, étape par étape, à développer mon usine. Puis, juste comme ça, elle a été une nouvelle fois ciblée et détruite : ils n’avaient pas tenu leur promesse. »

Après chaque attaque, de sérieux soucis et ennuis financiers s’abattent sur l’ensemble de la famille. Mamoun raconte : « J’ai épuisé toutes mes économies et j’ai dû emprunter de l’argent. Aussi, j’ai vendu deux parcelles de ma terre pour reconstruire mon usine. J’ai également vendu la maison qu’a construite l’UNRWA pour mettre en place l’usine et avoir une source de revenu. Je ne peux plus satisfaire les besoins et les dépenses de ma famille. Pendant un certain temps, les gens refusaient que je loue dans leurs immeubles de peur qu’ils soient pris pour cible. »

Dans la Bande de Gaza, les cas comme celui de Mamoun sont partout. Conscient que son histoire illustre bien les souffrances de Gaza, il conclut : « Chaque jour il y a des gens qu’on déplace et des gens qui meurent. Je sais ce qu’on ressent lorsqu’on est sans abri. Mes enfants ont grandi dans un environnement dont le décor est fait essentiellement de morts, de guerre et de destruction, et je trouve que c’est normal qu’ils ne réagissent plus aux raids aériens. Quant à mon usine, c’est un établissement civil qui n’avait rien à voir avec les activités de résistance, et je n’aurais jamais exposé ma famille à un danger pareil. Je suis fatigué. Cette destruction a fini par m’assommer. A présent, je n’ai aucun avenir. Pourquoi ne nous laissent-ils pas le droit de vivre dans la paix et dans la stabilité comme tous les citoyens de ce monde ? »

Mamoun ne fait que réclamer son droit le plus fondamental que le droit international est supposé le lui garantir. En effet, dans l’Article 8 (2) (b) (ii) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. « Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens à caractère civil » constitue un crime de guerre. En outre, l’Article 53 de la Quatrième Convention de Genève interdit « La destruction des biens appartenant à des personnes privées, sauf dans le cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires. »

La destruction de ces usines porte atteinte aux principes des droits de l’homme, y compris le droit de toute personne à un travail et à un niveau de vie suffisant tel que codifié dans l’Article 11 du Pacte International sur les Droits Économiques, Sociaux et Culturels.

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08 août 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet à cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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