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Vies sous occupation : les soldats israéliens ont tué mon fils, sans raison

jeudi 1er novembre 2012 - 06h:38

PCHR Gaza

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Le 28 septembre dernier, les forces israéliennes ont attaqué un groupe de pêcheurs gazaouis qui étaient sur le point de tirer leurs filets de pêche à seulement quelques mètres de la côte nord de la Bande de Gaza. Les balles israéliennes ont tué Fahmi Abu Riash, 22 ans, et ont blessé son frère Youssef, âgé de 19 ans.

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Photo de l’épouse, de l’enfant, du frère et de la mère de Fahmi chez eux dans la région Salatin

D’après des enquêtes menées par le PCHR, une unité d’infanterie israélienne avait traversé la frontière nord-ouest qui sépare la Bande de Gaza et Israël pour pénétrer environ 20 mètres dans le territoire Palestinien, longeant ainsi la plage de la ville de Beit Lahia.

Les soldats israéliens se sont ensuite positionnés derrière une colline, face à un groupe de pêcheurs qui se trouvaient à quelques mètres du large, avant d’ouvrir le feu sur eux. La plupart des pêcheurs ont réussi à sauver. Toutefois, deux d’entre eux qui étaient à environ 15 mètres de la frontière n’ont pas été capables de s’enfuir. Selon le témoignage des pêcheurs présents sur les lieux, les soldats israéliens ont directement ciblé les deux pêcheurs et les ont blessés. L’une des victimes, Fahmi Abu Riash, a succombé à ses blessures dans la même journée.

Youssef, le frère de Fahmi blessé lors de l’attaque, livre son témoignage au PCHR : « Nous sommes sortis de la maison à 5h du matin en direction de la mer. En compagnie de mes deux frères, Fahmi et Ahmed et de mes deux cousins, nous n’étions pas sortis au large ce jour-là mais avions tout juste jeté nos filets près de la côte. Aux environs de 9h30, j’ai entendu quelqu’un crier avant de découvrir que c’était mon frère Fahmi, touché à la jambe gauche. Je me souviens avoir vu 10 soldats positionnés sur un morceau de terrain surélevé alors que plusieurs autres étaient mobilisés derrière eux. J’ai accouru vers Fahmi en criant pour que les autres pêcheurs viennent à son secours. Lorsque j’ai porté mon frère, les soldats placés derrière nous ont repris leurs tirs. J’ai été touché aux bras et aux jambes mais je n’ai pas lâché Fahmi et j’ai continué. Hélas, je me suis effondré au bout de 30 mètres et j’ai perdu connaissance. »

Les pêcheurs qui étaient sur le rivage ont appelé une ambulance pour évacuer les deux frères vers l’hôpital Kamal Adwan. Ayant reçu plusieurs blessures, l’état de Youssef est toutefois resté stable. Il se souvient : « Quand j’ai repris connaissance, j’étais déjà à l’hôpital. J’ai reçu les soins nécessaires pour mes blessures puis j’ai quitté l’hôpital. Les balles que j’ai reçues au bras gauche ont touché mon système nerveux, ce qui m’a causé une paralysie partielle. Quelques éclats d’obus installés dans mon bras et mes jambes ont pu être retirés, tandis que le reste nécessite une intervention chirurgicale. »

Fahmi, le frère de Youssef est quant à lui décédé quelques heures après.

Pour la maman de la victime, aller à cette plage n’a jamais été dangereux, au contraire, c’est presque devenu une tradition familiale. En effet, presque tous les jours, de 11h jusqu’à 18h, Mariam accompagnait ses fils à la mer et leur apportait à manger pendant qu’ils pêchaient. Cependant, il aurait fallu qu’elle reste à la maison pour que l’incident ait lieu. Elle se souvient : « Ce jour-là, je n’étais pas allée avec mes enfants. J’étais encore à la maison en train de préparer le déjeuner lorsque ma s ?ur est venue m’apprendre que Fahmi et Youssef ont été transférés à l’hôpital Kamal Adwan. Je m’y suis rendue comme une folle. En fait, je n’avais jamais imaginé qu’une telle chose pouvait bien se produire. Jamais je n’aurais accepté que mes garçons s’y rendent si j’avais soupçonné le moindre danger. Nous avions l’habitude de fréquenter cet endroit, même sous les regards scrutateurs des soldats israéliens. Toute ma famille partait pour cette plage pendant les week-ends pour nager, faire des pique-niques et se divertir. Les soldats israéliens nous connaissaient. Je n’ai jamais autorisé mes enfants à aller au-delà de la frontière. Comment pourrais-je les exposer aux dangers ? Aussi, il est tout à fait normal de pêcher, d’autant plus qu’il n’y avait jamais eu de menace. Pourtant, les soldats israéliens avaient bel et bien décidé ce jour de tirer sur mes fils, sans raison. »

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Mariam Abu Riash, la mère de Fahmi

Avant la mort de Fahmi, le gagne-pain des Abu Riash reposait essentiellement sur la pêche. Toutefois, depuis l’attaque, la famille se trouve dans la tourmente financière. Mariam explique : « La pêche est la seule activité qui subvient à nos besoins. Mes enfants ne maîtrisent que ça. Fahmi a commencé à l’âge de 10 ans. Il a été arrêté à deux reprises par les forces israéliennes pendant qu’il pêchait, mais relâché le jour même à Erez après avoir répondu à leurs questions. Mon fils avait une embarcation qui ne sert plus à rien car elle a été endommagée dans une attaque précédente. A présent, Fahmi est mort, Youssef est blessé et, chose est sûre, je n’enverrai plus Ahmed là-bas pour qu’il subisse le sort de l’un de ses frères. Quant à mon mari, sa blessure contractée lors de la Première Intifada l’empêche de travailler. Actuellement, la famille vit avec le salaire d’Ahmed qui a trouvé un emploi temporaire dans un site de construction. A vrai dire, Fahmi était l’aîné et il prenait en charge toute la famille ; maintenant qu’il est mort, je ne sais plus quoi faire. »

Et c’est la mère qui encaisse le plus le coup de la mort de Fahmi. Certes elle parait calme, mais dès qu’elle l’évoque, elle éclate en sanglots : « Mon fils était la prunelle de mes yeux, mais on me l’a sauvagement arraché. Toute mon existence s’est effondrée avec sa mort. J’étais très fière de lui, surtout lorsqu’il pratiquait différents sports comme le volleyball, le football et la natation. Il m’avait un jour promis de me payer une opération de correction oculaire dès qu’il économisera assez d’argent. Il est marié depuis deux ans seulement, et a laissé derrière lui une jeune veuve de 22 ans qui est toujours au domicile de son mari pour la période du deuil, et un orphelin d’à peine une année. Le pauvre ne saura jamais ce que veut dire un père. Quel sera leur avenir ? Pour ma part, j’ai perdu le goût à la vie et je me sens désarmée sans mon fils. Dans le passé, nous avions un brin d’espoir que la situation finirait bien par s’améliorer, mais à présent, il est clair que les choses ne changeront jamais. L’occupation israélienne est composée de menteurs et de criminels. Ils prétendent que Fahmi avait traversé la clôture frontalière mais c’est faux. Je n’ai jamais autorisé ni encouragé mes fils à le faire, et ils ne l’ont jamais fait. Alors pourquoi l’avoir tué ? Il n’y avait aucune raison pour nous l’arracher. »

Pourtant, il est clairement codifié dans les Articles 8 (2) (a) (i) et 8 (2) (b) (i) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale que « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre un civil, une personne protégée » constitue un crime de guerre. De plus, l’Article 53 de la Quatrième Convention de Genève interdit expressément la destruction des biens appartenant à des personnes privées, sauf dans le cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.

Par ailleurs, la destruction des équipements de pêche, comme les bateaux et les embarcations qui sont des propriétés privées, empêche les Palestiniens de travailler pour la production alimentaire et pour leur survie, violant ainsi plusieurs dispositions des droits de l’homme, notamment le droit à une alimentation adéquate et suffisante tel que codifié dans l’Article 6 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. Les attaques d’Israël contre les pêcheurs palestiniens constituent également une transgression de leur droit à un niveau de vie adéquat comme le souligne l’Article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et l’Article 11 du Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels.

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24 octobre 2012 - PcHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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