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Quand la nuit tombe sur les déplacés gazaouis

samedi 16 août 2014 - 07h:05

Mohammed Omer

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GAZA CITY - Mariam Alejla, huit ans, est assise devant l’entrée du principal hôpital de Gaza, Shifa. Sa jambe est bandée et elle a une perfusion dans le bras – mais ce n’est pas pour cela qu’elle se trouve là.

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Des familles gazaouies qui ont quitté leur maison après que les refuges de l’ONU furent pleins sont à présent forcés de vivre sous des tentes de fortune et de solliciter de la nourriture. Elles n’ont aucun endroit où aller et plus de maison où retourner - Photo : MEE/Mohammed Omer

Dès qu’elle a vu ce journaliste, elle a insisté pour me tirer par le bras vers un endroit derrière le département de chirurgie. « Venez voir ma maman et mes frères et soeurs … notre maison a été bombardée » dit-elle.

Sa maman, Oum Nidal Alejla, 47 ans, est allongée sur un matelas récupéré dans une maison endommagée juste derrière le bâtiment de la chirurgie. Elle surveille une
bouilloire qui chauffe sur un petit feu.

Le foyer familial – pour 20 de ses membres – c’est une tente bricolée avec des morceaux de vêtements, un drap de lit marqué Shifa-Hospital et des pièces de nylon.

« Nous avons couru vers les refuges dans les écoles des Nations Unies, mais on nous a dit qu’on aurait dû arriver plus tôt » dit-elle. Mais il ne s’agissait pas de partir plus tôt : le jour où la famille Alejla a décidé de quitter la maison a été dicté par le timing des bombes israéliennes. Elle dit qu’elle a fait de son mieux pour rester à l’intérieur jusqu’à ce qu’il devienne trop dangereux de rester.

Après que deux de ses enfants eurent été blessés il y a deux semaines, elle a fui sa maison sous un bombardement israélien. Depuis, elle n’a pu trouver d’autre endroit où rester que l’hôpital Shifa, parmi des milliers d’autres Gazaouis. La clinique externe de l’hôpital Shifa elle aussi a été attaquée, mais Alejla et des centaines d’autres préfèrent être ici que dans une salle de classe surpeuplée – ils sont bien conscients de ce qui s’est passé à Jabaliya.

« Nous remercions seulement Allah » dit-elle en préparant quatre matelas pour une autre nuit de sommeil. Mariam débranche sa perf pour dormir plus près de sa maman – elle dit que c’est le seul endroit où elle se sent en sécurité.

« Il fait froid la nuit et nous n’avons que deux couvertures à nous partager » dit Mariam tandis que son grand frère se met « au lit ».

On entend des sirènes d’ambulance – Mariam dit qu’au début les enfants voulaient absolument savoir qui était à bord, mais maintenant ils se sont habitués au bruit des ambulances et aux terribles spectacles de ce qu’elles amènent à l’hôpital.

"Nous avons tout perdu dans la maison, tout ce qu’il y avait dans les armoires a été complètement détruit " dit Oum Nidal tandis que sa fille Nida rince les vêtements boueux des autres enfants. La mère veut au moins une vraie tente qu’elle pourrait dresser près des ruines de sa maison.

« Ici nous sommes comme des mendiants. Je ne m’en sors pas avec tous les enfants car certains tombent malades, comme les enfants à l’intérieur de l’hôpital » dit-elle, désignant quatre enfants qui présentent des symptômes de mal de ventre aigu et d’irritations de la peau.

La fille d’Alejla, Nida, 24 ans, résume une histoire très ordinaire. "Tous les jours j’ai mal au ventre. Les docteurs disent que c’est à cause de la promiscuité, du manque d’hygiène et d’eau potable."

Contrairement à ceux qui sont réfugiés dans les écoles de l’UNRWA, qui sont des points de distribution d’aide, les réfugiés de l’hôpital Shifa n’ont reçu aucune aide jusqu’à présent.

Les enfants et leur mère survivent grâce aux dons des passants pour acheter un peu de pain et de fromage, et du thym pour faire du thé. « C’est notre petit-déjeuner, notre déjeuner et notre dîner » dit-elle.

« Tout ce que je demande à Allah, c’est un peu de paix, pour que nous puissions manger le pain et le sel sur les ruines de ce qui reste de notre maison » dit Oum Nidal.

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Gaza Ville : ce qui reste de notre maison - Photo : PalToday

Dans une autre tente se trouve Mervat Shanan, 22 ans. Hier, elle a donné naissance à une petite fille, qui doit aujourd’hui recevoir un nom de la famille. Le bébé est l’un des 4.500 nouveaux bébés de Gaza nés en cette période où près de 2.000 Palestiniens ont été tués, selon le Ministère de l’Intérieur.

Avant d’arriver dans cet abri de chiffons, Mervat vivait avec son mari, trois autres enfants, ses 10 frères et sœurs et ses parents dans une maison simple du nord de la bande de Gaza, pas loin de l’Ecole Américaine. C’était avant qu’un obus tiré par un tank et un missile de drone ne frappent leur maison, provoquant de très gros dégâts.

"Pendant la dernière guerre, en 2012, un missile israélien a tué ma fille dans sa chambre à coucher. Elle n’avait que huit jours".
 
Cette fois-ci, avec son mari Atta Shanan, 22 ans, Mervat a pris la décision de sécuriser les enfants en quittant la ligne de front où les missiles israéliens tombaient partout. Ils avaient pensé que l’Ecole Américaine serait un abri idéal, mais ils ont vu qu’elle était également touchée.

« Dès que le cessez-le-feu a commencé, nous avons couru inspecter notre maison, mais nous n’avons trouvé que des cendres » dit Atta Shanan.

Après cela il est retourné à la classe de l’école, mais elle était déjà occupée par une autre famille – il n’a pas voulu déranger, il a traîné sa famille dans toutes les autres écoles, mais il n’a pas trouvé de place libre. Maintenant son seul point de chute, c’est l’hôpital Shifa.

Shanan est un des 450.000 Gazaouis qui ont fui leur maison sans savoir où aller. Contrairement à d’autres zones de guerre où certaines frontières sont ouvertes, Gaza est verrouillée, bloquée par un siège terrestre, maritime et aérien, avec l’Egypte qui n’ouvre la frontière de Rafah que sporadiquement, et à ceux qui ont des passeports étrangers.

Maintenant ses sœurs ne savent pas où dormir – tout le monde s’écrase dans un espace pas plus grand que la benne à ordures devant les portes de l’hôpital Shifa.

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De nombreuses familles se sont réfugiées près de l’hôpital Shifa après avoir tout perdu, le 6 août 2014 - Photo : EPA

La nuit tombe, la température chute et les membres de la famille Shanan se blottissent les uns contre les autres pour rester au chaud avant le retour de la chaleur du jour.

Dans ce lieu exigu, la maman donne le sein, les enfants dorment, la mère coupe des tartines de pain et de fromage et le père sort la tête par un trou du drap pour fumer.

Quelquefois il s’assied hors de la tente juste pour avoir un peu d’air frais – tout le monde n’arrive pas à dormir parce que l’hôpital reste toujours bruyant et plein d’agitation.

« C’est dur parce que nous ne pouvons pas aller jusqu’à l’unité chirurgicale pour remplir une bouteille d’eau » dit-il en portant son nourrisson de deux jours.

Ses trois filles n’ont pas pris de douche depuis plus de 20 jours - « Nous avons essayé d’utiliser les installations dans l’hôpital mais nous savons que les patients grièvement blessés sont prioritaires » dit-il en passant le tout-petit à son épouse, et il se met à border ses filles dans la même mince couverture qui les sépare de la dureté du sol.

« Nous dormons l’un à côté de l’autre pour nous protéger. C’est une nouvelle période sombre, elle finira par passer » ajoute-t-il.

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* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.

Du même auteur :

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13 août 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/news/w...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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