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Vies sous occupation : la peur aux frontières

jeudi 28 juin 2012 - 06h:52

PCHR Gaza

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Vivre en Palestine, plus particulièrement dans la Bande Gaza implique un quotidien où la peur est à l’ordre du jour. Que dire alors de la population qui vit tout près de la frontière avec Israël, à l’instar de Nabeel Al-Najjar, son épouse et leurs six enfants. Avec le temps, les familles s’habituent aux bruits des coups de feu tout aussi fréquents et courants que le bêlement de leurs moutons.

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Un mirador israélien visible depuis l’extérieur du domicile de Nabeel Al-Najjar

Pas très loin de la « zone tampon » (estimée à 300 mètres), imposée unilatéralement par les forces israéliennes, les Al-Najjar vivent dans le village de Khuza’a (Est de Khan Yunis), à seulement 500 mètres de la frontière avec Israël, où les risques et le danger les guettent constamment. Le PCHR est allé à la rencontre de Nabeel qui parle de sa nouvelle maison et de l’idée de la construire avec des murs en béton de dalle au lieu de la brique en espérant que cela empêcherait les balles israéliennes d’y pénétrer.

Son champ de blé en face et deux miradors israéliens en vue, Nabeel se souvient de la journée du 13 janvier 2009, où quatre bulldozers israéliens sont entrés à 7h00 dans le quartier et ont détruit toutes les maisons. Il a donc été obligé de reconstruire son domicile mais cette fois, avec un sous-sol pour protéger la famille en cas de nouvelles attaques.

Mais depuis la dernière attaque survenue le 10 avril 2012, Nabeel envisage de poser des plaques en tôle sur les fenêtres qui donnent sur la frontière, et de construire une clôture en béton d’environ 1 mètre (3 pieds) autour de la maison « Nous sommes tout le temps exposés au risque, mais je fais de mon mieux pour maintenir ma famille à l’abri » souligne-t-il. Il se tourne vers une pièce de la maison où ses enfants avaient l’habitude d’étudier et montre une des sept balles de métaux lourds, tirées sur sa maison par une jeep qui était sur la partie israélienne de la frontière, ainsi que les trous sur les hauts des murs et les éclats d’obus dans le placard. Et ce fut réellement un miracle que personne ne soit blessé lors de la récente attaque : Nabeel et une de ses filles s’étaient cachés à l’étage alors que le garçon était debout devant la porte. Et le père qui avoue : « Mes enfants ont développé le réflexe de courir au sous-sol dès qu’ils entendent des coups de feu »

L’inquiétude règne partout. L’épouse de Nabeel n’est jamais rassurée lorsque celui-ci part pour travailler la terre qui, pour rappel, s’étend tout près de la frontière. Il y a deux semaines, une mère de 8 enfants, âgée de 34 ans a été tuée par balles reçues dans la tête pendant qu’elle ramassait l’herbe. Pourtant, la défunte, Nabeel et les autres agriculteurs ne sont pas des combattants mais simplement des personnes ordinaires qui travaillent dur pour survivre malgré le danger et la menace constants qui planent sur eux. Dans ce cadre, Nabeel indique « Nous n’entendons pas des coups de feu chaque jour, mais toujours ».

L’épisode de la menace ne se ferme pas avec le coucher du soleil. La nuit tombée, chacun reste malgré lui à la maison car le moindre mouvement à l’extérieur, même dans la cour risque d’attirer dans l’immédiat des balles israéliennes « Nous ne pouvons pas visiter nos amis et nos familles. Le soir, le village se transforme en une ville fantôme ».

Cette situation n’arrange en rien les affaires d’un agriculteur et la menace constante perturbe la vie de Nabeel et son gagne-pain. Avant l’offensive, il possédait un champ de 2700 mètres et 90 arbres entre oliviers, manguiers et citronniers dont il s’occupait avec amour. Hélas, tout a été réduit à néant par les bulldozers israéliens, et même les animaux n’y ont pas échappé. Le massacre a toutefois épargné quelques arbres et le champ de blé, mais Nabeel n’a plus la volonté de s’occuper de ses arbres ni de réinvestir dans l’élevage. Cette méfiance est compréhensible lorsqu’on aperçoit les tours de guets et les patrouilles israéliennes, devenues une partie du décor. Alors pourquoi recommencer pour tout perdre par la suite ?

Quant à la maison, elle a certes été méticuleusement construite pour protéger toute la famille, mais elle manque de finitions. Les murs ne sont pas peints et la cuisine a été construite au sous-sol. C’était en fait le souhait de l’épouse par souci de sécurité. Malgré cela, il est hors de question de quitter cet endroit qui, souligne Nabeel « Appartenait à mon père. Je suis né ici. Toutes mes connaissances sont ici : jamais je n’abandonnerai ma maison ».

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Nabeel Al-Najjar avec ses enfants

Comme tout Palestinien vivant constamment sous la menace de la mort ou de la blessure, Nabeel garde quand même un espoir pour l’avenir : « Je sais que j’ai des enfants intelligents. Je veux qu’ils soient en mesure d’être indépendants. Ils peuvent aller étudier à Gaza mais les opportunités, actuellement, restent faibles. Dieu merci, ils ont la chance de construire leur avenir ici. »

Pour conclure, Nabeel déclare, calmement : « Les Palestiniens sont de braves personnes. Si les Israéliens croyaient réellement en Dieu, ils n’auraient jamais agi de la sorte envers les autres. » Effectivement, sa détermination à construire une vie sur la terre de ses ancêtres qui se trouve sur la frontière israélienne est la preuve parfaite de sa force et de sa résolution.

Et pourtant, l’Article 53 de la Quatrième Convention de Genève interdit « la destruction des biens appartenant à des personnes privées, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires ». De même, l’Article 33 stipule qu’aucune personne civiles « ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement ». Ainsi, Nabeel et sa famille ne sont-ils pas des civils et des soi-disant « personnes protégées » du droit humanitaire international ? En conclusion, il n’y avait absolument aucune raison qui justifie l’intervention militaire qui constitue un crime de guerre tel que codifié dans l’Article 8 (2) (b) (i) et (ii) du Statut de la Cour Pénale Internationale.

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2 mai 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha


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