18 janvier 2009 : la Famille Abu Rujailah
dimanche 1er avril 2012 - 07h:13
PCHR Gaza
« En arrivant sur place, l’atmosphère était calme et plusieurs personnes étaient déjà là en train de travailler leurs terres. Attiré par cette ambiance, je suis resté quand tout d’un coup, une des jeeps de la frontière s’était arrêtée et a ouvert le feu. »
- Sur la photo : Abdel Azim et Ma’zouza Abu Rujailah devant des plants d’oliviers
Le 18 janvier 2009, aux environs de 10h, les forces israéliennes situées sur la frontière séparant Israël de la Bande de Gaza avaient aveuglément ouvert le feu sur des agriculteurs qui étaient en train de cultiver leurs terres sises à l’Est du village de Khuza’a, à l’Est de Khan Younis.
Un des agriculteurs, Maher Abdel Azim Abu Rujailah, âgé alors de 23 ans, avait été tué en recevant une balle qui lui a transpercé le bras gauche et la poitrine.
Son père, Abdel Azim Abu Rujailah (59 ans), revient sur cet instant irrévocable et raconte : « Maher et moi étions ensemble dans le champ. Il était derrière moi lorsque je l’ai entendu crier ’Allah Akbar’ (Dieu est Grand). En me retournant j’ai vu qu’il a été touché par une des balles tirées. Tout le monde autour de nous s’est étendu sur le sol en criant ».
Sous une pluie de feux nourris, Maher avait été évacué sur un chariot tiré par un cheval, puis transporté à l’hôpital par voiture. Hélas, il n’a pu résister et est décédé dès son arrivée à l’hôpital.
Et pourtant, se souvient Abdel Azim, « Israël avait, le 17 janvier, déclaré un cessez-le-feu. Le lendemain, jour de l’incident, plusieurs personnes ont fait le déplacement vers l’Est de Khuza’a dans le but d’aller vérifier leurs terres et maisons. Maher et son frère Yousef sont partis avec eux, mais j’ai insisté pour les accompagner car j’avais peur que quelque malheur leur arrive. En arrivant sur place, l’atmosphère était calme et plusieurs personnes étaient déjà là en train de travailler leurs terres. Capté par cette ambiance, je suis resté quand tout d’un coup, une des jeeps de la frontière s’était arrêtée et a ouvert le feu ».
Témoin oculaire de l’incident, Yousef (29 ans) a rapporté au PCHR que la distance qui séparait Maher de la frontière était de 800 mètres environ. Il a également souligné que toute la zone était calme et que même les électriciens travaillaient sur place.
Trois ans après la mort de son fils, Abdel Azim déclare qu’il aurait souhaité que les forces israéliennes lui confisquent chaque pouce de ses terres mais qu’elles laissent Maher vivant. Il ajoute : « Mon épouse a eu deux AVC depuis la mort de Maher. Quant à moi, j’ai beaucoup de problèmes cardiaques. Nous ne pourrons jamais l’oublier, et notre souffrance continuera tant que nous serons en vie. Son souvenir est partout, surtout quand nous voyons ses vêtements, sa chambre et chaque objet de la maison dont il avait l’habitude de se servir ».
Il poursuit : « Il m’est arrivé de me lever dans la nuit et de trouver mes filles pleurant. Elles ne peuvent s’en empêcher lorsqu’elles voient ses vêtements. Mes enfants sont encore traumatisés. Ma fille Dawlet qui a 24 ans craint le noir et elle se bouche les oreilles au moindre bruit d’avions et s’écrie : ’Papa, aide-moi’ ».
L’incident a également eu des répercussions négatives sur Ma’zouza. En effet, Abdel Azim reconnaît avoir perçu beaucoup de changements chez sa femme et confie : « Depuis l’accident, la vie de mon épouse est devenue une souffrance continue. Avant, c’était une femme forte mais plus maintenant. Elle passe son temps à pleurer ».
En parlant doucement, Ma’zouza qui est à la fois très sensible et émotive en évoquant le souvenir de son fils raconte : « Maher était très proche de ses s ?urs, notamment Arwa. Je me souviens d’un jour où il avait une somme d’argent, il m’avait alors dit : ’Si je meurs, donnez cet argent à Arwa’. La veille de sa mort, il est venu me voir et m’a demandé si son père pouvait lui écrire un testament. Je l’ai traîné au sol et me suis assise sur sa poitrine. Nous avons bien plaisanté de ça ».
Les Abu Rujailah ne souffrent pas uniquement de l’absence de leur fils et frère. En fait, à leur douleur s’ajoutent les soucis financiers résultant de la destruction et de l’inaccessibilité de leurs terrains agricoles. Abdel Azim ainsi que ses quatre frères possèdent quatre parcelles de terrain à l’Est de Khan Younes, pas très loin de la frontière avec Israël. Il explique : « Nous cultivions les olives et les oranges et avions l’habitude de vendre les fruits. Toutefois, depuis le déclenchement de la seconde Intifada, l’armée avait à maintes reprises rasé nos terres avec ses bulldozers. Avant l’offensive, nous partions régulièrement pour les terres où nous faisions des barbecues et restions jusque tard dans la nuit. La zone était également peuplée. Il y avait des immeubles qui ont été détruits, tout comme nos cultures et récoltes ».
La guerre sur Gaza a certes pris fin, mais la violence continue. Abdu azim subit chaque jour des ennuis de la part des forces israéliennes. En effet, le scénario dont a été victime son fils se répète à chaque fois qu’il essaie d’accéder à ses terres pour les cultiver. Il raconte : « Le mois d’octobre dernier, je suis parti pour replanter des oliviers, mais j’ai dû quitter les lieux car ils commençait à me tirer dessus. A présent, les semis sont en face de la maison. Deux des quatre terrains sont définitivement inaccessibles. Même après qu’ils aient été rasés au bulldozer, nous ne pouvions y avoir accès car ils ne tarderaient pas à ouvrir le feu sur nous. Mais je dois dire que ces champs comprenaient des oliviers vieux de 50 ans ».
En conséquent, la famille se trouve dans une véritable tourmente financière. Dans ce cadre, Abdel Azim reconnaît : « Avant que les attaques ne soient assez fréquentes, les arbres étaient assez grands et les récoltes très abondantes que nous vendions et grâce auxquelles nous menions une vie décente et aisée. Toutefois, depuis la destruction de nos terres, nous avons cessé d’en tirer profit. Reconstruire ou s’y aventurer est devenu un facteur à haut risque car ils pouvaient venir à n’importe quel moment réduire le tout à néant ». Il ajoute : « Pour pallier à cette situation, mes enfant m’aident avec leurs propres revenus. Wissam travaille comme médecin contractuel. Ayman travaille dans un bureau de change mais Yousef est sans emploi ».
S’agissant des perspectives d’avenir, les sentiments d’Abdel Azim se partagent entre pessimisme et espoir. Il confie : « Quand je regarde vers l’avenir, je ne vois venir aucun signe d’amélioration ou de changement, même sur le long terme. J’ai peur que de nouvelles guerres éclatent et je ne me sens pas en sécurité. D’ailleurs, même si je sors de la maison, je ne dépasse jamais les trente minutes, et malgré cela, je ne suis jamais certain d’y retourner sain et sauf ».
Quant à ses aspirations, Abdel Azim lance : « J’espère pouvoir vivre librement et en sécurité. Je souhaite voir le jour où nous ne serons plus occupés, le jour où nous pourrons voyager librement. C’est tout ce dont nous avons besoin ».
En date du 8 novembre 2009, le PCHR a soumis une plainte pénale auprès des autorités israéliennes au nom de la famille Abu Rujailah. A ce jour, aucune réponse n’a été reçue.
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha