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28 décembre 2008 : la famille Abu Taima

samedi 7 janvier 2012 - 16h:42

PCHR Gaza

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« Vivre sous occupation signifie que quelque soit l’espoir que vous ayez, il vous faudra l’abandonner un jour. Par exemple, vous élevez votre enfant et placez tous vos espoirs en lui. Mais un jour ils viennent et tuent votre enfant, et alors tous vos espoirs sont détruits. »

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Mahmoud Abu Taima et ses plus jeunes fils - Photo : PCHR Gaza

Dans les premières heures de la matinée du 28 décembre 2008, Mahmoud Abu Taima, son épouse Manal, et leurs deux fils aînés, Khalil et Nabil, ramassaient des courgettes sur leurs terres dans le village de Khuza’a, à l’est de Khan Younis. Après quelques heures, les deux frères se sont rendus vers les terres cultivées de leur oncle quelques centaines de mètres plus loin à l’ouest. À environ 8h30, l’armée Israélienne a tiré un obus depuis la barrière de la frontière, et il a explosé entre les deux garçons. Nabil (16 ans) a été tué et Khalil a été gravement blessé.

« Comprenez bien, le secteur était très calme. Beaucoup d’agriculteurs travaillaient dans leurs champs. C’est en terrain découvert. J’ai vu un projectile venir depuis la barrière de la frontière, tiré en direction des champs. Puis j’ai entendu l’explosion. J’ai immédiatement couru vers l’endroit de l’impact parce que je savais que mes fils étaient dans ce secteur. Avant que je ne sois arrivé, les gens avaient déjà mis les garçons sur un chariot tiré par un âne, pour les amener à l’hôpital, » rappelle Mahmoud Abu Taima (40 ans).

Khalil était dans un état critique, blessé avec des éclats d’obus dans la poitrine, les bras et les jambes, et il a subi une opération chirurgicale d’urgence juste après l’arrivée à l’hôpital. « Tandis que nous enterrions Nabil, nous nous attendions à ce qu’on nous rapporte aussi le corps de Khalil de l’hôpital, » dit la mère des garçons, Manal (37 ans).

La famille d’Abu Taima, qui a sa maison dans le village d’Abasan, à l’est de Khan Younès, est restée traumatisée après la mort de leur fils et frère Nabil. Ses parents et les six enfants les plus âgés et issus de mêmes parents, Khalil (20 ans), Naima (18 ans), Isra’ (15 ans), Mohamed (14 ans), Abdel Rahman (9 ans), et Ibrahim (6 ans) ont tous un très cher souvenir de lui. « Nabil était une partie de nous et il avait une grande place dans mon coeur. Je me rappelle de lui à chaque moment et je le sens présent parmi nous. Comme maintenant, alors que je bois le thé, je me rappelle de lui et j’ai l’impression qu’il est présent. Quand je prends mes repas, j’ai le sentiment qu’il est toujours ici avec nous. Je ne peux jamais l’oublier, » dit son père Mahmoud.

« Nabil était mûre pour son âge, » dit Manal, « il était très intelligent à l’école et tous ses professeurs et tous les étudiants l’aimaient beaucoup. La date anniversaire de sa mort, ses professeurs et ses amis viennent chez nous. En plus d’aller étudier, Nabil aimait s’occuper de ses lapins. Jusqu’au moment de sa mort, nous avons eu environ 50 lapins. Depuis que Nabil a été tué, ses lapins sont morts et il n’y a eu aucune naissance. Nous ne nous sentons plus comme avant maintenant qu’il n’est plus là. » Ibrahim (6 ans) et Abdel Rahman (9 ans) avaient une relation très profonde avec Nabil. Manal raconte : « Ils ont été lourdement affectés par sa mort. Ils ont voulu prendre une pelle et ouvrir sa tombe pour pouvoir ainsi le prendre et l’amener à un docteur pour qu’il le soigne. Ibrahim est resté bouleversé et traumatisé pendant longtemps et je l’ai emmené voir un psychologue. Quand j’ai dit aux enfants qu’une organisation de défense des droits de l’homme venait pour nous parler, Ibrahim m’a demandé s’ils ramèneraient Nabil. »

Khalil a passé ces trois dernières années à tenter de guérir de ses blessures corporels. « Après 3 jours j’ai été transféré en Egypte pour une nouvelle opération chirurgicale. Pendant les mois qui ont suivi j’allais à Médecins sans Frontières après avoir fini l’école, et j’ai eu des séances de 3 heures de physiothérapie. J’ai vécu des convalescences très longues. Malgré tout, il reste des éclats à l’intérieur de mes jambes, de la poitrine et des bras qui ne peuvent pas être enlevés. Il y a des endroits dans ma jambe gauche où je ne sens plus rien. Mes chevilles me font toujours souffrir et je ne peux plus me déplacer comme je le faisais avant. Ma mobilité, y compris ma marche, ont été affectées. Je ne peux pas faire tout que je veux. Par exemple, aujourd’hui je joue tout seul au football parce que j’ai trop peur que quelqu’un ne frappe ma jambe, et je serai alors à l’agonie. »

En plus de ses blessures corporelles, Khalil essaye de se faire à la mort de son frère et de se remettre du traumatisme lié à ce qui s’est produit. « Nous allions toujours à l’école et à d’autres endroits ensemble. Je me sens comme si j’avais perdu un morceau de mon corps. Il est difficile de continuer ma vie sans cette partie. Pendant la guerre c’était mon année de tawjihi [dernière année de lycée] et je devais à tout prix me rendre à l’école. Je suis resté traumatisé. Quand je dormais, je pouvais entendre le bruit d’un missile fonçant vers moi. Finalement, j’ai malgré tout passé le tawjihi cette année-là et je suis à l’université maintenant. » Manal ajoute que Khalil avait des crises de panique après l’incident, « même le bruit des oiseaux pouvait le paniquer. »

Quelques jours après l’attaque, les bulldozers israéliens ont détruit les terres cultivables appartenant à la famille d’Abu Taima, à approximativement 700 mètres de la frontière. « Nous avions des cultures de courgettes, et une petite cabane servant d’entrepôt pour les engrais et les outils. Nous avions également un réseau d’irrigation et une pompe à eau. Tout est détruit maintenant. Nous n’avons pas pu nous rendre à notre ferme pendant 2 ans, car c’était trop dangereux. Maintenant nous y allons, en dépit des tirs de l’armée israélienne dans notre direction. C’est difficile. Depuis la mort de mon fils j’ai perdu ma motivation pour travailler la terre, » dit Mahmoud.

Mahmoud n’ose plus avoir un quelconque espoir pour l’avenir : « Vivre sous occupation signifie que quelque soit l’espoir que vous ayez, il vous faudra l’abandonner un jour. Par exemple, vous élevez votre enfant et placez tous vos espoirs en lui. Mais un jour ils viennent et tuent votre enfant, et alors tous vos espoirs sont détruits. Nous essayons de penser à l’avenir et d’avoir des espoirs sur le long terme, mais cela ne nous est plus possible. »

La famille n’est pas optimiste sur l’éventualité d’assister un jour à un procès contre ceux qui sont responsables de la mort de leur fils. « Nabil n’était ni le premier ni le dernier à avoir été tué par l’armée [d’occupation]. Beaucoup de garçons comme lui ont été tués. Même s’ils [les Israéliens] arrêtaient les soldats qui ont tiré l’obus, ils diraient qu’ils sont fous, » indique Mahmoud.

Le 2 juillet 2009, le PCHR a déposé une plainte devant les autorités israéliennes d’occupation au nom de la famille d’Abu Taima. À ce Jour, il n’y a eu aucune réponse.

Consultez également :

- 27 décembre 2008, le jour où tout a basculé pour la famille Al Ashi

28 décembre 2011 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach


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