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Israël décide de nourrir de force les prisonniers en grève de la faim
jeudi 6 août 2015 - Patrick Strickland
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Khader Adnan s’adressant à la foule rassemblée pour l’accueillir après sa récente libération ; il a observé 55 jours de grève de la faim - Photo : APA/Shadi Hatem

Le projet de loi qui a été adopté par une faible marge de 46-40, permet aux autorités pénitentiaires de nourrir de force ou de prodiguer des soins médicaux à un prisonnier, contre son gré, du moment que le médecin juge que la vie du détenu est en danger. Un juge israélien devra approuver chaque cas à titre individuel.

Malgré les nombreuses critiques, les politiciens israéliens ont défendu cette loi draconienne. Pour le législateur David Amselon, également membre du parti ultra-nationaliste du Likoud, les prisonniers ne seront nourris de force que « lorsqu’un médecin établit le risque de mort immédiat et les importantes séquelles à long-terme qu’encourt le prisonnier en poursuivant sa grève de la faim, » rapporte l’agence Ma’an News.

Gilad Erdan, ministre de l’intérieur d’Israël qui a fait campagne pour que le projet de loi soit adopté, a qualifié la pratique de grève de la faim que choisissent les prisonniers de « nouvelle forme d’attentats suicides. »

Cette action a été motivée par le cas très médiatisé de Khader Adnan, dont la grève de la faim de 55 jours avait été couronnée de succès et conduit à sa libération le mois dernier. Khader Adnan avait refusé de se nourrir pour protester contre sa détention sans inculpation ni jugement ; une pratique connue sous le nom de détention administrative.

D’après Addameer, un groupe basé à Ramallah et qui contrôle les détentions et arrestations effectuées par Israël, 401 Palestiniens sont actuellement placés en détention administrative. La nouvelle loi permettra à Israël de nourrir de force les prisonniers condamnés comme les détenus administratifs.

Torture

Les groupes de défense des droits de l’homme et les associations médicales ont vivement critiqué cette législation. Sarah Saadoun, chercheur à Human Rights Watch, a déclaré que la loi « accorde à l’état davantage de liberté et une plus grande marge de manœuvre pour nourrir de force les prisonniers grévistes de la faim, dont la plupart sont détenus pour une durée indéterminée, sans jugement. »

Israël « tente de réduire au silence la voix de leurs protestations contre les conditions de détention auxquelles ils sont soumis, plutôt que de garantir leur bien-être, » a-t-elle confié à The Electronic intifada.

Et d’ajouter : « Lorsqu’un Etat nourrit de force des prisonniers sains d’esprit qui ont pris la décision de refuser la nourriture – que ce soient les Etats-Unis envers les prisonniers de Guantanamo ou Israël avec les Palestiniens en Cisjordanie – il viole leur droit à l’autonomie corporelle et les soumet à des procédures qui sont inhumaines et dégradantes, considérées parfois comme des actes de torture. »
Lorsqu’au mois de juin dernier le projet de loi a d’abord été proposé à la Knesset, l’Association Médicale Mondiale (AMM) avait, dans une lettre ouverte adressée au premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, décrié et dénoncé la pratique de nourrir de force les prisonniers. Elle cite : « Nourrir de force est un acte violent, très douloureux et s’oppose fermement au principe de l’autonomie individuelle. »

L’AMM poursuit dans sa lettre : « C’est un traitement dégradant, inhumain, relevant de la torture. Pire encore, il peut s’avérer dangereux et est la méthode la plus inappropriée pour sauver des vies. »

L’Association Médicale Israélienne (AMI), a de son côté protesté contre cette loi. Dr Leonid Eidelman, président de l’AMI, a déclaré que cette loi met « les médecins qui traitent les prisonniers dans des situations impossibles et difficiles. »

Cité par le journal de droite Jerusalem Post, Eidelman a souligné : « Croire qu’avec une loi pareille nous pouvons empêcher la détérioration de l’état de santé des grévistes de la faim n’est qu’un leurre. Le résultat est tout à fait contraire. Nous nous opposons à cette loi qui place les médecins, individuellement ou collectivement, en première ligne où ils devront gérer une situation qui n’est pas de leur ressort et qui est en violation parfaite de leurs responsabilités professionnelles et déontologiques. »

Mesures de désobéissance

En procédant à des arrestations régulières, Israël étouffe la société civile palestinienne en ciblant ses militants, intellectuels et leaders politiques les plus influents. D’après les statistiques d’Addameer, pas moins de 5750 Palestiniens, dont 164 enfants et 25 femmes, sont enfermés derrière les barreaux des prisons Israéliennes.

Et selon le quotidien israélien Haaretz, se basant sur un document militaire ayant fait l’objet d’une fuite en 2011, les tribunaux militaires israéliens dans la Cisjordanie occupée ont un taux de condamnation de plus de 99%.

De nombreux Palestiniens prisonniers enfermés dans les cellules israéliennes observent actuellement une grève de la faim. Parmi eux, Mohamed Allan et Uday Steiti, en détention administrative sans procès, sont à leur 36ème jour de grève de la faim. Les prisonniers Abdallah Abu Jaber et Moussa Safon ont également refusé de se nourrir pendant plus d’une semaine.

L’été dernier, environ 125 prisonniers Palestiniens ont jeûné durant 63 jours ; une grève considérée comme « la plus longue grève de la faim collective dans l’histoire de la Palestine, » avait rapporté Ma’an à l’époque.

Et pourtant, la grève de la faim n’est qu’une méthode qui s’inscrit dans une longue liste de différentes mesures adoptées par les prisonniers Palestiniens afin de riposter et lutter contre les détentions arbitraires d’Israël ainsi que les conditions épouvantables dans lesquelles ils sont cloîtrés.

Les Palestiniens dans la prison israélienne de Nafha utilisent plusieurs tactiques pour amener les autorités pénitentiaires israéliennes à accepter leurs revendications qui incluent, entre autres, la prédisposition de l’administration pénitentiaire à rencontrer les représentants élus des prisonniers, la fin des mesures punitives à l’encontre des prisonniers, la fin de l’isolement cellulaire et la fin des raids nocturnes dans leurs cellules.

Les « mesures de désobéissance des prisonniers comprennent aussi la fermeture des blocs cellulaires, le refus du temps de la sortie dans la cour et le refus d’adresser la parole à l’administration de la prison jusqu’à ce que leurs exigences soient satisfaites, » rapporte Addameer. Les prisonniers ont également incendié plusieurs cellules en réponses aux raids effectués par les gardiens des prisons israéliennes.

Patrick O. Strickland est un journaliste et grand reporter américain indépendant spécialiste des questions de justice sociale et des droits humains au Moyen-Orient et spécialement en Palestine. Il écrit pour de nombreux médias notamment al-Jazira, Alternet, VICE News, Deutsche Welle, Syria Deeply, AlterNet, The Electronic Intifada, GlobalPost, Middle East Eye, Truthout, In These Times, Al-Monitor, Electronic intifada, Socalist Worker etc ...
Son compte Twitter : @P_Strickland_

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31 juillet 2015 – Electronic Intifada – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
https://electronicintifada.net/blog...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha