Les manifestants prennent les rues de Kafr Kanna en Israël, pour protester contre le meurtre par la police d’un jeune palestinien de 22 ans.
- Les jeunes manifestants ont fait brûler des pneus et jeté des pierres, mais ils ont été repoussés par des forces de police lourdement armées - Photo : EPA
Un hélicoptère de la police fait des cercles au-dessus de la foule, et le vent amène une odeur nauséabonde après que les forces de police israéliennes aient déversé de l’eau putride (shunk water) sur des manifestants à l’entrée de ce village palestinien de Galilée au nord d’Israël.
Les jeunes ont incendié des pneus et jeté des pierres, mais ils ont été repoussés de plusieurs centaines de mètres par les policiers.
À un moment où les affrontements entre Palestiniens et forces israéliennes d’occupation sont de plus fréquentes et violentes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupée, des manifestants se sont répandus dans les rues de Kafr Kanna ce samedi après-midi. Ils se sont affrontés à une escouade anti-émeute lourdement armée, alors qu’ils protestaient contre le meurtre par la police d’un jeune du village dans la premières heures de la même journée.
« Chaque fois qu’il ya des tensions à Jérusalem, cela s’étend vers le nord »,a déclaré à al-Jazeera Najwan Berekdar, âgé de 32 ans, un militant basé à Nazareth et qui manifestait à Kafr Kanna.
« Les forces israéliennes sont devenues de plus en plus violente contre les Palestiniens dans [l’Israël d’aujourd’hui] au cours des dernières années. Ils tiennent à nous faire comprendre que nous sommes avant tout des Palestiniens, en dépit de notre citoyenneté israélienne. »
Les policiers de la ville voisine de Nazareth auraient été appelés dans le village pour arrêter un homme soupçonné d’avoir lancé une grenade incapacitante au cours d’une dispute familiale. Kheir al-Dein Hamdan, âgé de 22 ans et un cousin de l’homme recherché, s’en est pris à la voiture de police, avec un couteau selon les affirmations de la police.
La police prétend qu’un coup de semonce a été tiré, mais des images d’une caméra de vidéosurveillance contredisent totalement cette affirmation. La caméra montre en effet les officiers sortant de la voiture de patrouille, et tirant à bout portant sur le jeune homme, à hauteur de la poitrine, sans aucun coup de semonce.
« S’il était dangereux, ils pouvaient [tirer] sur lui à la jambe ou au bras, puis l’appréhender », a déclaré Berekdar. « Les policiers étaient dans une voiture et [Hamdan] ne posait pas de menace pour eux. La question n’est pas qu’il ait été dangereux ... Ce dont il est question pour Israël, c’est de trouver de nouveaux moyens pour terroriser les Palestiniens dans ce pays, alors qu’ils sont déjà systématiquement marginalisés. »
On estime que 1,7 million de Palestiniens portent la nationalité israélienne et vivent dans les villes et villages à travers le pays. Selon centre juridique Adalah, un groupe de défense des droits de l’homme basé à Haïfa, les Palestiniens d’Israël [Palestine de 1948] font face à plus de 50 lois discriminatoires visant à museler leur expression politique et à limiter leur accès aux ressources publiques.
Plusieurs centaines de manifestants de Kafr Kanna, dont beaucoup sont liés au mouvement islamique, ont défilé à travers les rues étroites de la ville pour pleurer la mort de Hamdan.
Ils se sont confrontés avec les forces de police lourdement armées et ont crié des slogans. « Avec nos âmes et notre sang, nous te vengerons, ô martyr, » criaient-ils. « Comme une seule nation, nous allons combattre les sionistes », criaient d’autres manifestants.
Le Comité Arabe de Surveillance a appelé à une grève générale pour le dimanche et a appelé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à limoger Yitzhak Aharonovitch, le ministre de la Sécurité publique.
Les dirigeants israéliens se sont engagés à répondre violemment aux manifestations. Netanyahou a déclaré qu’Israël « prendra des mesures contre les lanceurs de pierres, ceux qui bloquent les artères de circulation et ceux qui appellent à la création d’un État palestinien à la place de l’État d’Israël ».
Netanyahu a également menacé de « demander au ministre de l’Intérieur de considérer la suppression de la citoyenneté pour ceux qui appellent à la destruction de l’État d’Israël ».
Appel direct aux meurtres
De l’aile la plus extrémiste du gouvernement, le ministre de l’Economie Naftali Bennett, chef d’un mouvement de colons, a défendu la conduite de l’officier de police dans un message sur Facebook.
« Voilà ce que nous devrions attendre de la police, » écrit-il, qualifiant Hamdan de « terroriste arabe frénétique » et affirmant que les Israéliens devraient soutenir la police afin d’éviter que « les Israéliens soient tués avec des couteaux, des feux d’artifice, et écrasés par des voitures ».
Jamal Zahalka, dirigeant du parti politique Balad et député à la Knesset, a expliqué que « le meurtre de sang-froid » de Hamdan a agi comme un « catalyseur » de la colère suscitée par la situation à Jérusalem et les politiques discriminatoires à l’égard des Palestiniens en Israël.
« Il y a eu 48 citoyens palestiniens d’Israël assassinés par la police depuis le massacre d’octobre 2000, lorsque 13 manifestants non armés ont été abattus », a déclaré à Al Jazeera, ajoutant que les enquêtes officielles suite aux plaintes contre la police produisent rarement des résultats.
Un rapport d’Adalah daté de septembre 2014 conclut que le service interne de la police chargé des enquêtes (Mahash), présente toujours une « mauvaise qualité de travail, la création d’une culture d’impunité et un manque de responsabilité ».
Des 11 282 plaintes sur les mauvais comportements de la police déposées entre 2011 et 2013, selon Adalah, 93% ont finalement été « closes par Mahash, avec ou sans enquête » et seulement 2,7% ont abouti à l’inculpation des agents.
Le samedi soir, plus de 100 manifestants palestiniens se sont rassemblés dans une zone touristique de premier plan dans la rue Ben Gurion à Haïfa, une ville côtière en Israël, pour protester contre l’assassinat de Hamdan et en solidarité avec les Palestiniens de Jérusalem où les tensions ne font que monter. Le dimanche, de grandes manifestations ont été programmées à Haïfa, Tel-Aviv et Beer-Sheva, ainsi que sur les campus universitaires à travers le pays.
« Aujourd’hui, nous envoyons un message au gouvernement israélien que nous ne resterons pas silencieux », a déclaré Zahalka. « Ce fut un crime contre les Palestiniens, et nous répondons avec un jour de colère et de grève. Kheir Hamdan a été tué de sang-froid, et nous ne sommes pas prêt à accepter tranquillement la mort d’un des nôtres. »
9 novembre 2014 - al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/news/middl...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib