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Attentats à Beyrouth

mardi 14 janvier 2014 - 15h:16

As’ad AbuKhalil

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Beaucoup de monde pousse à une guerre tous azimuts au Liban.

Le débordement du conflit syrien au Liban va dans le sens des intérêts israéliens et saoudiens en risquant d’entraîner le Hezbollah dans un conflit de longue durée qui peut facilement épuiser ses ressources et même l’empêcher de se concentrer sur la confrontation avec Israël.

Hassan Nasrallah est probablement la seule personne dans le parti du Hezbollah qui est capable de retenir la base en colère. Les politiques et les pratiques des groupes et des organisations soutenus et financés par l’Arabie saoudite, ont pour objectif de pousser le Hezbollah à bout. Nasrallah, selon ses propres calculs, exerce une extrême retenue en dépit des provocations quotidiennes de tous les politiciens du mouvement du 14 Mars. L’Arabie saoudite et Israël - les vieux alliés - savent que le régime syrien restera enlisé dans un conflit qui va encore durer - un conflit dont ce régime porte non seulement la responsabilité à cause de sa brutalité, mais aussi en raison de la répression qui a suivi les premiers signes de la révolte populaire en Syrie, même si les groupes armés étaient actifs très tôt. Israël et l’Arabie saoudite voulaient voir l’Iran et le Hezbollah enlisés soit dans le conflit, soit dans les négociations, dans le cas de l’Iran en contrecarrant ses capacités militaires nucléaires.

Mais l’Arabie saoudite et Israël ne sont pas les seules parties voulant une confrontation générale au Liban. Le régime syrien, semble-t-il, serait intéressé à soulager un peu la pression sur son dos et à détourner une partie des forces des groupes armés de Syrie au Liban. Une confrontation tous azimuts au Liban conduirait également à une intervention militaire beaucoup plus lourde par le Hezbollah et ses alliés au Liban et en Syrie. Mais le régime syrien est plus faible que le parti en face : en effet, l’Arabie saoudite a un contrôle beaucoup plus fort sur ​​ses clients du mouvement du 14 Mars que la Syrie n’a de contrôle sur le Hezbollah (et l’influence du régime syrien sur le Hezbollah a diminué après le retrait de ses troupes du Liban).

Il y a eu deux attentats en l’espace d’une semaine au Liban. Le premier visait l’aide de Saad Hariri, Mohammed Shatah. Alors que Shatah était peu connu au Liban et au-delà, il était assez influent dans la gestion des politiques étrangères du 14 Mars et de ses relations avec les gouvernements occidentaux. Au cours de la guerre de juillet 2006, Shatah - de ce que j’ai appris de Nabih Berri - avait essentiellement mené les négociations au nom du 14 Mars, et il avait été perçu par le Hezbollah et Amal comme l’élément le plus extrémiste de cette équipe. L’attentat contre Shatah était-il lié à des événements récents au Liban ou à autre chose ? Personne ne le sait et l’État libanais ne peut jamais révéler les véritables conclusions de ses enquêtes .

L’assassinat de Shatah peut signaler un changement sur la voie vers un conflit armé entre les factions libanaises. Ceci risque de se produire, compte tenu des effets cumulés des attentats, des assassinats et des menaces verbales. Quant à l’attentat de Haret Hreik, il ne nécessite aucune enquête pour savoir que les coupables ont voulu pousser à la confrontation sectaire. Les Brigades Abdullah Azzam ou l’État islamique d’Irak et de Syrie (ISIS ) ne cachent pas leur programme et déclarent publiquement ce que la coalition de la famille Hariri dit que derrière des portes closes : qu’il s’agit d’une guerre contre les infidèles chiites et que l’intervention militaire libanaise en Syrie devrait se limiter à soutenir les groupes armés syriens.

Le Liban peut ne pas exploser, contrairement à 1975. Les États-Unis et de l’UE se soucient des répercussions d’une guerre totale au Liban. Toute éruption de la guerre civile à grande échelle au Liban permettrait au Hezbollah d’exercer un contrôle complet dans de nombreuses régions du Liban, et ceci rendrait l’armée libanaise encore plus obsolète qu’elle ne l’est déjà. En outre, une confrontation générale au Liban saperait définitivement le pouvoir de la Direction générale du renseignement, pour laquelle les États-Unis et l’Arabie saoudite ont dépensé des millions afin de soutenir l’opposition au Hezbollah .

Le glissement vers la guerre civile est moins évident qu’en 1975 : les Libanais (ou une certaine génération d’entre eux) ont connu la guerre et l’expérience a calmé les rêves bellicistes. Pourtant, une jeune génération de Libanais, en particulier ceux qui sont dominés par le sectarisme, souhaite la guerre et fait pression sur les dirigeants des deux camps dans ce sens. Ces jeunes libanais auront peut-être ce qu’ils souhaitent, avec la bénédiction de la famille royale saoudienne.

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* As’ad AbuKhalil est professeur de science politique à l’université d’État de Californie à Stanislaus, et professeur associé à l’université de Californie à Berkeley. Il est également l’auteur du Dictionnaire historique du Liban (1998), Ben Laden, l’islam et la nouvelle ’Guerre contre le terrorisme’ américaine (2002) et La bataille pour l’Arabie saoudite (2004). Il contribue régulièrement à Al-Akhbar.

Du même auteur :

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7 janvier 2013 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/blogs/...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar


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