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Pari manqué pour Khaled Meshaal

lundi 11 novembre 2013 - 08h:04

As’ad AbuKhalil

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Il serait juste de dire que Khaled Meshaal est l’une des principales victimes des soulèvements arabes.

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Khaled Mechaal, responsable du bureau politique du mouvement Hamas (résistance islamique)

Dès le début, Meshaal est apparu plus arrogant et plus sûr de soi que de coutume. Il avait ses raisons : le parrainage du régime qatari était en pleine offensive et semblait diriger toute la Ligue arabe et la contre-révolution arabe. L’Arabie saoudite était absente de la scène pendant la majeure partie de 2011 et 2012, du moins en apparence.

Deuxièmement, les Frères musulmans sont arrivés au pouvoir en Égypte et en Tunisie, et Meshaal a été accueilli en héros dans ces deux pays.

Troisièmement, la déclaration qui fut attribuée à Meshaal dans [le quotidien] Al-Quds al-Arabi en 2012 - à savoir qu’il était disposé à changer de camp contre l’Iran, à condition de trouver un donateur financier alternatif – semblait avoir envoyé le bon signal : lui et son organisation seraient à vendre au plus offrant.

Quatrièmement, le régime syrien qui avait donné refuge au Hamas semblait vivre ses derniers jours ; chaque semaine amenait de nouvelles déclarations sur la chute prochaine de Bachar.

Cinquièmement, le régime turc était une étoile montante et certains soutenaient que la Turquie était destinée à régner à nouveau sur le monde arabe, pour la première fois depuis la fin de l’Empire ottoman.

Sixièmement, l’Arabie saoudite se montrait disposée à pardonner au Hamas ses péchés anti-israéliens, à condition qu’il abjure sa relation avec le régime iranien.

C’est pourquoi Meshaal mena le Hamas vers son virage le plus important depuis sa fondation. L’homme qui avait dit qu’il renonçait au pouvoir à la direction du mouvement, changea soudainement d’avis. Il esquissa son ballet en signalant sa rupture avec le régime syrien et en exprimant publiquement des désaccords avec le gouvernement iranien à propos de la Syrie.

Tout à coup, l’homme qui n’avait jamais prononcé un seul mot de sympathie en faveur du peuple égyptien pendant les longues années du règne d’Hosni Moubarak (quand son mouvement traitait directement avec le chef de la police secrète, Omar Souleiman, chargé de traiter avec le Hamas, vraisemblablement pour le compte d’Israël), se mit à exprimer de la sympathie à l’égard du peuple syrien. Mais Meshaal n’avait jamais parlé en faveur du peuple syrien opprimé au cours de ses longues années d’alliance avec le régime syrien. Pire encore, son ballet de politique étrangère sur la Syrie était loin d’être aussi éthique et catégorique.

Il ne s’est jamais déclaré clairement et précisément contre le régime syrien, puisque lui-même et d’autres dans le mouvement ne parlaient qu’en termes vagues et ampoulés de « soutenir le peuple syrien ».

Quand Ismail Haniyeh s’est rendu en visite en Égypte et a parlé un langage qui fut interprété comme un soutien à l’opposition syrienne armée, sa formulation n’a jamais dépassé le langage vague de Meshaal. Toutefois, le plus important au sujet de l’euphorie qui a caractérisé la performance de Meshaal, c’est l’allégeance officielle sans précédent du mouvement au sein du vaste corps de l’organisation mère, la Fraternité musulmane.

Ce fut un mauvais calcul du Hamas parce que Meshaal et ses camarades avaient escompté que le règne des Frères était là pour durer, et que la région venait d’entrer dans l’ère des Frères (Ikwan). Ce ne devait pas être le cas, et le changement en Égypte et l’opposition croissante en Tunisie ont coupé l’herbe sous le pied à l’Ikhwan, du Maghreb jusqu’au Golfe, où les pays du CCG - Conseil de coopération du Golfe - (à l’exception des dirigeants du Qatar en plein repli) ont lancé une campagne officielle contre le mouvement Ikhwan et ses partisans dans toute la région.

Néanmoins, la position de M. Meshaal n’avait pas obtenu un consensus au sein de la direction du Hamas. L’aile militaire du mouvement, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, et leurs alliés politiques, comme Mahmoud Zahar, n’approuvaient pas les initiatives politiques prises par Meshaal. Ils ont persisté à laisser entendre que leur alliance avec l’Iran et le « camp de la résistance » prenaient le pas sur les nouvelles alliances du Hamas. Cette aile n’a jamais rompu ses liens avec les anciens alliés, mais l’Iran a été contrainte de mettre fin à son programme d’aide généreuse à destination du Hamas. Le régime iranien a cherché de nouveaux alliés palestiniens , et le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (ou du moins ce qu’il en reste) a commencé à bénéficier d’un soutien militaire et financier iranien, malgré leur idéologie marxiste-léniniste déclarée (dans le passé ?).

Tous les rêves politiques de Meshaal de ses alliés du type de Walid Joumblatt se sont évaporés une fois que le régime Abdel-Fattah al- Sisi ait supprimé dans un coup de force le régime de l’Ikhwan. Pour aggraver les choses, le Qatar a vu un changement de son émir et il s’est placé à présent dans un rôle qui dépend plus du régime saoudien. Le régime syrien (pour une série de raisons et pas seulement - comme le disent de façon simpliste John Kerry et les médias occidentaux - en raison du soutien du Hezbollah et de l’ Iran) a renforcé sa position sur le terrain, et l’opposition armée syrienne est fragmentée comme jamais. Le Hamas s’est donc retrouvé plus isolé.

Au cours des dernières semaines , plusieurs médias partisans du régime syrien ont rapporté que le Hamas plaidait avec impatience pour un retour dans le « camp de la résistance ». Ce sera un renversement humiliant (ou un renversement du renversement). Est-ce que ce virage coûtera à Meshaal son poste ? Verra-t-on encore Haniyeh baisant la main du producteur en chef du discours sectaire au Moyen-Orient ? Ou l’Iran et le Hezbollah vont-ils pardonner à Meshaal « ses péchés » en échange d’un nouveau rôle au Moyen-Orient - un rôle qui ne se limitera pas au front israélo-arabe ?

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* As’ad AbuKhalil est professeur de science politique à l’université d’État de Californie à Stanislaus, et professeur associé à l’université de Californie à Berkeley. Il est également l’auteur du Dictionnaire historique du Liban (1998), Ben Laden, l’islam et la nouvelle ’Guerre contre le terrorisme’ américaine (2002) et La bataille pour l’Arabie saoudite (2004). Il contribue régulièrement à Al-Akhbar.

Du même auteur :

- Les leçons de la guerre d’octobre 73 - 14 octobre 2013
- Le Hezbollah, la Palestine et les divisions confessionnelles au Moyen-Orient - 12 août 2013
- Bombardements sur la Syrie : Israël jette le masque ! - 5 mai 2013
- En mémoire de Ghassan Kanafani - 16 août 2012
- Sauvagerie tolérée : le meurtre de Palestiniens par Israël - 14 mars 2012
- Syrie : qu’en est-il du rapport des observateurs de la Ligue arabe ? - 27 janvier 2012
- Quel processus de paix ? Quelle paix ? - 29 novembre 2010
- Le sommet de la Ligue arabe, c’est du théâtre - 29 mars 2010
- La fin du « tout est permis » ? - 5 novembre 2009
- Les 12 règles pour de bonnes élections dans les pays en voie de développement - 16 juin 2009
- Entretien avec l’Arabe en colère - 27 mai 2007

5 novembre 2013 - al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/blogs/...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert et Claude Zurbach


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