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Les 24 ans du Hamas : quelle politique de résistance dans un Moyen-Orient en plein changement ?

lundi 26 décembre 2011 - 06h:12

Ramzy Baroud

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Depuis que le Hamas est sorti vainqueur des élections législatives palestiniennes de 2006, une myriade de sondages d’opinion ont affirmé que sa popularité dans les territoires occupés subissait un déclin progressif.

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Rassemblement du mouvement Hamas à Gaza

Cependant, il y a peu indications selon quoi le Hamas en tant que mouvement populaire quittera de sitôt le paysage politique palestinien. Les tractations en cours au Caire entre le Hamas et le Fatah, impliquant à certains moment le chef de l’Autorité nationale palestinienne, Mahmoud Abbas lui-même, montrent bien que la marque du Hamas est susceptible dans un proche avenir de se faire sentir dans les institutions politiques telles que l’Organisation Libération de la Palestine (OLP).

Dans les quelques semaines qui ont suivi le dernier cycle de négociations entre Abbas et le dirigeant du Hamas, Khalid Mesha’al, au Caire, le Hamas s’est surpassé dans les cérémonies de commémoration de l’anniversaire de sa création. Le rassemblement de Gaza le 14 décembre a été l’occasion pour les dirigeants du Hamas de détailler les réalisations de leur mouvement au cours des derniers 24 ans, allant jusqu’à indiquer le nombre de roquettes tirées sur Israël depuis 2000 (l’année où débute la seconde Intifada), en représailles aux nombreuses attaques et incursions israéliennes.

Ces récits était destinés à accréditer l’idée que la branche armée du Hamas - une petite force armée de roquettes artisanales et d’armes légères obtenues en contrebande - était un opposant sérieux à l’armée israélienne.

Mais personne n’imaginait parmi les 350 000 Gazaouis rassemblés ce jour-là que le mouvement Hamas à lui seul pouvait à lui seul pouvait battre l’armée israélienne. Ce que le Hamas a incarné depuis sa création en décembre 1987, est l’idée que la résistance est effectivement encore une option.

« Nous affirmons que la résistance armée est notre option stratégique et le seul moyen de libérer notre terre, de la mer jusqu’au fleuve (Jourdain) », a déclaré Esmail Haniyeh, le Premier ministre du Hamas. « Si Dieu le veut, le Hamas conduira le peuple ... au soulèvement jusqu’à ce que nous libérions la Palestine, toute la Palestine ». Haniyeh a également affirmé que le Hamas « ne reconnaîtra pas Israël » (Associated Press, 14 décembre).

La simple énumération de ces objectifs vise à bien rappeler que le programme du mouvement reste fidèle à ses objectifs initiaux, déclarés il y a 24 ans. Depuis lors, le Hamas a changé à la fois en popularité et en ressources politiques. Il s’est avéré être très adaptatif et très résistant à toutes les pressions imaginables, y compris les assassinats par les Israéliens de plusieurs générations de ses dirigeants fondateurs, politiques et militaires.

L’échange récent de prisonniers, qui a vu la libération de 1027 prisonniers palestiniens en échange d’un soldat israélien, est un témoignage de la capacité du Hamas de prétendre à des succès durement gagnés des circonstances particulièrement difficiles.

Cependant, le mouvement, qui a réussi à survivre à successives guerres d’Israël et à un blocus économique, est confronté aujourd’hui à l’un de ses plus grands défis : parler d’unité avec le Fatah, qui a toujours dominé l’OLP. C’est un très grand défi parce que la direction du Fatah n’a pas encore véritablement abandonné sa vieille mentalité politique soucieuse de répéter les erreurs politiques liées aux pratiques d’exclusivité politique, de domination sur les autres factions de l’OLP, de favoritisme, et liées à sa capacité à co-exister avec l’occupation israélienne.

Le Hamas, bien sûr, s’est rendu coupable d’un certain nombre d’erreurs similaires à celles du Fatah. Mais il a cependant réussi à se présenter comme le rempart de la mouqawama (résistance) dans l’imaginaire d’un large segment de la population palestinienne.

Depuis 2006, le Hamas a également été tenté de se familiariser avec les ficelles de la politique internationale, tout en usant toujours de son emphase sur la résistance armée. La sensibilisation du Hamas à la politique n’a été ni un succès retentissant ni un échec total.

Entre temps, la tentative d’Israël de détruire le Hamas lors de son offensive Cast lead de l’hiver 2008-09 a été un incroyable désastre militaire. Toute puissance militaire a évidemment ses limites, et vouloir supprimer des mouvements populaires en faisant usage d’armes illégales comme le phosphore blanc, contre des civils est simplement une idée absurde (pour ne pas dire un crime de guerre selon n’importe quelle lecture un peu sérieuse du droit international).

Israël n’a probablement rien appris de ses terribles aventures militaires, mais le Hamas par contre continue de tirer des leçons de l’adversité. Il s’applique à trouver des solutions pour contourner le blocus israélien et pour canaliser l’argent provenant de divers pays arabes et destiné à la reconstruction de Gaza.

Mais combien de temps le Hamas pourra-t-il rester attaché à la résistance armée, maintenir un cessez le feu officieux avec Israël, vouloir répliquer aux incursions israéliennes et aux frappes aériennes, poursuivre des pourparlers pour l’unité et la réconciliation avec le Fatah, reconstruire Gaza assiégée et vouloir sortir de son isolement politique, tout en restant dans le même temps lié à son ancienne charte ?

Il y a beaucoup d’interprétations possibles de la position du Hamas dans le paysage politique en plein changement au Moyen-Orient. Certains commentateurs affirment que le mouvement souffre d’une crise politique due à la révolte et à la guerre civile en cours en Syrie. D’autres prédisent une ascension régionale du Hamas grâce au bouleversement politique actuel en Egypte et à la montée en puissance du mouvement des Frères musulmans.

Dans tous les cas, le Hamas va probablement trouver des moyens de s’adapter et de survivre - sinon de prospérer - dans tous les scénarios possibles. Le défi cependant, est de maintenir un équilibre qui permette l’incorporation du Hamas dans l’OLP - ce qui pourrait rapprocher la fin de son isolement politique et permettre à ses dirigeants de s’adresser à des millions de Palestiniens en tant qu’avant-garde de la résistance palestinienne.

Les difficultés à maintien les deux positions sont déjà plus apparentes. Mesha’al déclaré à l’AFP récemment que « chaque peuple a le droit de lutter contre l’occupation de toutes les façons, avec des armes ou autrement. Mais pour l’instant, nous voulons coopérer avec la résistance populaire ... Nous croyons en la résistance armée, mais la résistance populaire est un programme qui est commun à toutes les factions » (Time online, 27 novembre). Cette logique est en soi une évolution considérable par rapport au manuel classique du Hamas sur la résistance, et n’est pas exactement conforme au récent discours de Haniyeh à Gaza.

Le Hamas parviendra-t-il à garder un pied dans le camp de M. Abbas, et un autre dans son programme politique basé sur la résistance ? Même pour un mouvement aussi puissant et ingénieux que le Hamas, une telle contradiction peut s’avérer trop difficile à résoudre.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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20 décembre 2011 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/view_...
Traduction : Claude Zurbach


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