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Bahrain : une révolution réduite au silence
jeudi 20 février 2014 - David Kode
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Les manifestations au Bahrain ont été brutalement réprimées - Photo : Reuters

Emprisonnée depuis février 2013, Zainab al-Khawaja - militante des droits humains à Bahreïn -devait sortir de prison le 20 février. Mais elle a récemment été condamnée à quatre mois de prison supplémentaires sur une nouvelle accusation de « destruction de la propriété privée ».

Alors que les Bahreïnis marquent le troisième anniversaire du mouvement de protestation pour les réformes, connu sous le nom de la Coalition du 14 février, les violations des droits de l’homme se poursuivent sans relâche dans le pays. Environ 122 Bahreïnis ont depuis le début du mouvement succombé sous les tortures, les infections pulmonaires causées par les gaz lacrymogènes et les tirs à balles réelles utilisées par les forces répressives de Bahreïn.

Jusqu’à présent, 1300 Bahreïnis ont été arrêtés pour leur rôle dans les manifestations, et ceux qui sont encore en détention ont été torturés et privés de l’accès aux soins médicaux. Les hôpitaux ont été militarisés et les médecins et les infirmières sont harcelés s’ils traitent les victimes des manifestations. Des milliers d’ouvriers et d’employés ont été licenciés ou suspendus de leurs fonctions pour avoir participé à des manifestations.

Alors que la communauté internationale - en particulier les pays occidentaux - a été très prolixe pour condamner les atrocités commises contre les manifestants dans certains pays du Moyen-Orient, quand il s’agit de Bahreïn, les appels de l’Ouest à la fin des violations des droits de l’homme ont été plutôt mis en sourdine.

Utilisation de la carte du « terrorisme »

Le Bahreïn est maintenant au bord d’un précipice, tandis que les droits des citoyens sont bafoués sans possibilité de recours devant un système juridique. Le pouvoir judiciaire et la police sont loin d’être indépendants. Ils fonctionnent dans la plus grande impunité et s’attaquent aux citoyens qui osent condamner les atrocités. Les autorités bahreïnies s’assurent que les peines maximales sont appliquées contre des militants et des journalistes, en voulant faire croire que le pays fait de son mieux pour protéger son intégrité territoriale et sa sécurité interne contre les « criminels et les fauteurs de troubles ».

L’année dernière, le 29 septembre, un tribunal de Bahreïn a condamné un groupe de 50 militants politiques et civils sous l’accusation de terrorisme à des peines de prison allant de 5 à 15 ans pour « tentative de déstabilisation du pays », et pour liens présumés avec la « coalition du 14 février ». La condamnation de ces 50 personnes donnent une image épouvantable de la situation à Bahreïn.

La comédie du changement

Bien que les autorités ont fait quelques pas timides pour faciliter les réformes en organisant un dialogue national avec l’opposition politique, l’ensemble du processus est d’avance condamné par la poursuite des arrestations et des détentions de personnalités politiques qui sont pourtant censées prendre part au dialogue .

L’année dernière, le 17 septembre - exemple parmi d’autres - les autorités ont arrêté Khalil al-Marzouk, un chef de file de l’opposition et secrétaire général adjoint du mouvement d’opposition al-Wefaq, et l’a accusé d’incitation à la violence après qu’il ait prononcé un discours devant une foule d’environ 6000 Bahreïnis, au cours duquel il a critiqué le gouvernement.

Novembre 2013 a marqué exactement un an depuis que ministère de l’Intérieur du pays a révoqué la citoyenneté de 31 militants politiques de Bahreïn comme punition pour leurs opinions dissidentes.

Deux poids, deux mesures

L’ironie à propos du bourbier de Bahreïn est que lorsque des atrocités similaires ont été commises en Libye, en Égypte et plus récemment en Syrie, les pays occidentaux avec en tête les États-Unis et le Royaume-Uni, ont fortement critiqué les régimes de ces pays pour avoir utilisé la force brute contre les manifestations pacifiques et empêcher les citoyens d’exprimer leur opinion. Dans le cas de la Libye , l’Occident à même poussé l’OTAN à intervenir militairement. En Syrie, avant que le régime ne fasse des concessions sur ses armes chimiques, les puissances occidentales étaient sur le point de lancer une intervention militaire.

Pourquoi alors y a-t-il un tel manque de réaction de l’Occident à l’égard de ​​Bahreïn et des atrocités commises ? Serait-ce à cause de l’ importance stratégique de ce royaume du Golfe riche en pétrole ?

Le Bahreïn héberge actuellement la cinquième flotte de l’US Navy. Il est une source majeure d’alimentation en pétrole pour les États-Unis et a de forts liens historiques avec le gouvernement britannique. La présence stratégique de la flotte américaine dans la capitale de Bahreïn, Manama, a un effet dissuasif pour les États-Unis qui s’abstiennent donc d’exercer une pression suffisante sur le royaume pour qu’il mette en œuvre les indispensables réformes.

Ce silence pourrait-il également être dû à la volonté des puissances occidentales de ne pas contrarier l’Arabie saoudite et de contrer l’influence iranienne dans la région ? Dans la foulée des premières protestations, les troupes de l’Arabie Saoudite et du Conseil de coopération du Golfe (CCG ) se sont installées dans Bahreïn pour réprimer les manifestations.

Tous les États membres du CCG ont des populations chiites minoritaires. Les autorités de Bahreïn affirment que les manifestations sont motivées par des intérêts sectaires et le désir par la population majoritairement chiite de renverser le régime sunnite.

Le Bahreïn et l’Arabie Saoudite accusent l’Iran d’avoir organisé les manifestations et de tenter de déstabiliser le Bahreïn en appuyant ses frères chiites. Ces accusations reçoivent le soutien des membres du CCG et servent de prétexte au soutien des États-Unis et du Royaume-Uni à l’égard du régime actuel.

Une large mobilisation populaire

En l’absence d’ une action forte des puissances occidentales pour stopper les violations des droits de l’homme à Bahreïn, les citoyens du royaume et de la société civile pnt décidé de contester les autorités par des moyens pacifiques. Le Centre de Bahreïn pour les droits de l’homme (BCHR ) a par exemple lancé une campagne le 23 novembre 2013 pour dénoncer les auteurs de violations flagrantes des droits de l’homme et la culture de l’impunité qui persistent à Bahreïn.

La campagne, qui a été nommée « contre l’impunité à Bahreïn », fournit des informations cruciales au public sur les représentants du gouvernement de Bahreïn qui se sont rendus coupables de violations des droits de l’homme depuis le début de manifestations en faveur des réformes, il y a plus de deux ans. Selon le BCHR, aucun responsable du gouvernement n’a été dénoncé sur la base de suppositions, mais avec des faits établis par des enquêtes.

Après plusieurs tentatives infructueuses, un dialogue national entre le prince Salman bin Hamad al-Khalifa et les dirigeants des cinq principaux partis d’opposition du royaume a eu lieu pour la première fois à la mi-janvier 2014, mais les atrocités continuent et des civils sont toujours torturés pour leur rôle dans les manifestations.

Le temps est compté pour la communauté internationale de faire pression sur les autorités de Bahreïn pour qu’elles cessent ces violations à grande échelle des droits de ses citoyens. De telles violations sont assimilables à des crimes contre l’humanité.

En raison de leur relation de longue date avec le Bahreïn, les États-Unis et la Grande-Bretagne sont les premières tenues de convaincre Manama de cesser de réprimer ses citoyens et de mettre en œuvre les recommandations formulées par la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn.

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13 février 2014 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à : http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib