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Beit Sahour : le boycott est historiquement palestinien
samedi 21 décembre 2013 - Ramzy Baroud
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First Intifada

Contrairement au boycott du passé qui fut entièrement palestinien, cette fois il est mondial et Israël ne peut pas isoler ses ennemis en utilisant ses tanks et ses hélicoptères.

Alors que le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) continue de crore, tout comme l’isolement d’Israël, il faut se souvenir que le boycott est une tactique authentiquement collective et palestinienne et qui est plonge ses racines dans l’histoire.

Le débat BDS en tant que tel en est à un niveau tellement avancé qu’il a vraiment dépassé toutes les attentes. Il y a quelques années, beaucoup d’entre nous tentaient de repousser les limites du débat, mais ils se voyaient confrontés à tant de résistance, même de la part de groupes et de mouvements considérés comme progressistes. A présent la situation a changé d’une façon tellement évidente, avec sans arrêt des nouvelles provenant d’entreprises, d’institutions académiques et de gouvernements occidentaux, qui soit se joignent au boycott soit réfléchissent à la possibilité de le faire.

Cependant il faut rappeler que le boycott n’est pas une stratégie étrangère préparée par des acteurs extérieurs, puisqu’en fait il s’enracine dans près d’un siècle de lutte pour les droits et l’autodétermination palestiniens, et donc des années avant la création de l’état d’Israël.

La mobilisation d’avril 1936 en est un exemple très important, lorsque les cinq partis politiques palestiniens se rejoignirent sous la coordination du Haut Comité arabe (AHC), et lancèrent un appel à la grève générale le 8 mai 1936.

Recourant aux outils de la désobéissance civile – par exemple son slogan ’No Taxation without Representation’ — le soulèvement de 1936 voulait envoyer au gouvernement britannique le message que les Palestiniens étaient nationalement unis et capables d’agir comme une société affirmée et pleine d’assurance, selon des modalités qui pourraient bien déranger la matrice du mandat britannique imposé au pays. Jusqu’à ce jour, l’administration britannique en Palestine n’avait pas tenu compte de la revendication palestinienne d’indépendance et faisait peu de cas des doléances incessantes concernant la menace montante du sionisme et de son projet colonial.

La grève générale de 1936

Les six premiers mois du soulèvement, dont les diverses manifestations et les différentes phases s’étendirent sur trois années, furent marqués d’emblée par une grève générale qui était essentiellement un boycott du travail au sein des structures et mécanismes du mandat britannique. Elle dura de mai à octobre 1936. La Palestine était bel et bien à l’arrêt en réponse à l’appel des Comités Nationaux.

En peu d’années, les Palestiniens réussirent à défier les opinions conventionnelles des Britanniques, dont l’étroite et raciste compréhension des Arabes comme des êtres inférieurs, sans ou avec moins de droits (modèle qui leur serait emprunté et largement appliqué par les sionistes, ensuite par les politiques officielles israéliennes), les rendait incapables d’envisager de répondre à un soulèvement légitime autrement que par des mesures coercitives.

A partir des années ’20 et jusqu’à la fin des années ’40, les Palestiniens et leurs dirigeants ont eu recours à différentes formes de résistance, à commencer par la mobilisation politique pour finir avec des tentatives militaires désespérées afin de défendre les villes et villages palestiniens qui tombaient devant la machine militaire sioniste, soutenue ou facilitée par l’empire colonial britannique. Mais au cours de cette période, la société palestinienne avait découvert sa propre force intérieure et collective en utilisant des stratégies se fondant sur le boycott des institutions britanniques et sionistes.

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Une des nombreuses marches de protestation pacifiques dans le village de Bilin (Oren Ziv/ActiveStills)

Ce sentiment grandit rapidement après la Naqba, la grande catastrophe de 1947-48, à travers des actions collectives de masse. Le premier soulèvement palestinien de 1987 fut un premier exemple de la croissance continue de cette conscience politique. Alors qu’on se rappelle l’Intifada en raison de bien des événements, en dépit des politiques israéliennes consistant à briser les os, à blesser et à tuer des jeunes lanceurs de cailloux, certains autres événement sont tout aussi importants et profonds.

Le 19 septembre 1989, une ville palestinienne bien tranquille jouxtant Bethléem devint le théâtre de ce qui semblait être une bataille unilatérale. Des centaines de véhicules militaires israéliens et des milliers de soldats envahirent la petite ville de Beit Sahour. Plusieurs hélicoptères de combat observaient d’en haut la scène effrayante, aidant les nombreux soldats au sol à coordonner leurs mouvements. De l’autre côté, dans la ville naguère tranquille, largement peuplée de Palestiniens chrétiens, les habitants restèrent chez eux. Aucun combattant en uniforme militaire n’attendait l’arrivée des tanks aux coins de rue. Pas de fusils. Pas un semblant de résistance armée. Mais à Beit Sahour, la vraie résistance populaire se préparait. En effet, en 1989 Beit Sahour fut le foyer d’actions collectives et de boycott. Ce fut une guerre sans fusils, comme la plupart des activités menées par les Palestiniens tout au long de l’intifada.

La désobéissance civile

Beit Sahour opta pour la stratégie de la désobéissance civile – refusant de payer les taxes, boycottant l’occupation israélienne et toutes ses institutions - à un niveau tout à fait neuf. Cela rappelait la fameuse grève palestinienne de 1936. Ce jour-là, la mission israélienne à Beit Sahour était de forcer les Palestiniens à acquitter leurs taxes, et des centaines de collecteurs d’impôts prenaient part au raid militaire.

Chose incongrue, les impôts collectés chez les Palestiniens servaient à renforcer l’occupation militaire. Non seulement il y avait taxation mais pas représentation, mais l’argent extorqué aux Palestiniens occupés finançait tout l’appareil militaire qui resserrait la corde autour du cou d’une population assiégée et opprimée. La réponse du gouvernement israélien à cet acte apparemment intolérable fut « la plus grosse expédition taxatoire de l’histoire récente ».

L’histoire de Beit Sahour, cela va de soi, n’a pas commencé le19 septembre mais ce fut le point culminant de deux histoires se chevauchant. La première concerne la première intifada, et la seconde s’inscrit dans le contexte plus large de l’histoire bien enracinée de la résistance du peuple, qui s’étend sur plusieurs générations.

Yitzhak Rabin, à l’époque ministre de la Défense, voulait donner une leçon à Beit Sahour. C’est pourquoi il y eut cette répression militaire excessive et cet effarant déploiement de force. Bien sûr le message était censé faire écho au delà de Beit Sahour et atteindre chaque ville, camp de réfugiés et village des Territoires Occupés, qui étaient tous engagés dans diverses formes de boycott et de désobéissance civile.

Les événement de Beit Sahour furent le microcosme d’un environnement politique bien plus vaste.

Nous assistons une fois de plus à un autre chapitre de cette même histoire. Cette fois elle s’écrit avec l’aide de milliers d’activistes solidaires partout dans le monde. Cette fois le boycott est global et contrairement aux tactiques de Rabin contre Beit Sahour, Israël ne sera pas capable plus longtemps d’isoler ses ennemis au moyen de tanks et d’hélicoptères. Cette fois c’est lui qui se retrouvera isolé sans fusils ni même la moindre balle.

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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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17 décembre 2013 - Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/b...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert