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Abbas et la liquidation de la cause palestinienne

mardi 10 septembre 2013 - 06h:44

Ramzy Baroud

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Supposons que plusieurs véhicules blindés appartenant à une branche de l’Autorité palestinienne (AP) aient attaqué un village à la frontière israélienne à la veille d’un nouveau cycle de négociations de paix. On imagine l’ex-président de l’AP Mahmoud Abbas défendre les meurtres, affirmant que l’attaque a été faite pour la protection et la sécurité de la population palestinienne. La délégation israélienne reprendrait-elle alors les pourparlers au milieu de poignées de main et de sourires ?

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Abbas se voit bien Président d’un bantoustan appelé "Etat de Palestine", reproduction miniature d’une autocratie comme il y en a tant au Moyen-Orient, pendant que se poursuivra le business as usual avec l’occupant israélien - Photo : lematin.ma

La réponse est un non évident. Pourtant, la délégation palestinienne est retournée dare-dare à des pourparlers de paix récemment remis en selle, après que les forces israéliennes aient envahi un camp de réfugiés au nord de Jérusalem , le 26 août, assassinant trois personnes. Ce n’était pas la première attaque israélienne meurtrière à avoir lieu pendant « les pourparlers de paix », et ce ne sera probablement pas la dernière .

Certes, la Palestine est un pays occupé, et sa direction est en bien plus faible position que son homologue israélien, mais si les négociations existent dans des circonstances aussi humiliantes, Abbas et son négociateur en chef Saeb Erekat peuvent-ils raisonnablement s’attendre à un résultat équitable dans ces pourparlers ?

Bien sûr que non. Pourtant, Abbas continue à multiplier les concessions, dans un esprit qui défit la logique et l’histoire de la diplomatie. Après avoir bénévolement offert l’an dernier de mettre fin aux revendications sur la Palestine historique lors d’une entrevue à la télévision israélienne - ce qui a été à juste titre considéré comme un abandon pur et simple du droit au retour pour les Palestiniens expulsés de leurs terres en 1947/1948 - il a récidivé.

« Les Palestiniens abandonneront leurs revendications historiques sur les terres qui sont maintenant dans l’état d’Israël, en cas d’ un accord de paix global » a-t-il déclaré à un groupe de parlementaires israéliens, tel que cela a été rapporté par le journal The Guardian daté du 23 août.

Abbas, qui ne sert à rien sinon à remplir pour le compte des États-Unis, le rôle du « modéré » de service à la tête de l’Autorité palestinienne, n’a aucune vision par lui-même. Il est plutôt un concentré d’idées générales sur la paix, la justice et le droit international. Il est prêt à liquider les droits de son peuple, pourtant reconnus internationalement, tout en s’attendant à un accord « juste » qui ouvrirait la voie à « une fin du conflit ».

Il ne semble même pas saisir pleinement le sens du calendrier imposé dans les négociations : « Nous voulions que les réunions ... aient lieu tous les jours ou tous les deux jours, et non une fois par semaine ou tous les 10 jours, comme les Israéliens le veulent. Je ne sais pas pourquoi ils ne veulent pas. Nous n’avons pas beaucoup de temps. »

Bien que son mandat en tant que président de l’Autorité palestinienne ait expiré, et que son autorité ne dispose d’aucune légitimité démocratique, il n’hésite pas à faire des concessions au nom de son peuple. « Vous avez un engagement de la part du peuple palestinien et aussi de sa direction, que si un accord juste nous est proposé, nous signerons alors un accord de paix qui mettra fin au conflit et à toute exigence du côté palestinien dans le futur. »

Les déclarations d’Abbas sont devenues tellement étranges que peu de commentateurs politiques - à part ceux qui travaillent pour des médias appartenant à, ou en partie financé par, ou ne pouvant fonctionner que sous les auspices de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie - prennent la peine de déchiffrer ses propos.

Le processus de paix en cours, qui est bien dans le style des accords d d’Oslo de 1993, est mort depuis longtemps quant à ses chances de parvenir à une paix juste ou non. Israël a fait clairement comprendre qu’aucun accord de paix n’était dans ses objectifs.

Rien qu’en août dernier, le gouvernement israélien a lancé des appels d’offres pour 3000 autres unités d’habitation dans des colonies juives. Abbas lui-même en est conscient : « Je ne peux pas dire que je suis optimiste, mais j’espère seulement que nous ne sommes pas en train de perdre notre temps. »

Cela dit, et bien que les raisons affichées pour trouver une juste solution au conflit n’ont strictement aucune valeur, Oslo n’est pas mort en tant que culture. Cet aspect de Oslo est au contraire bien vivant. Il reste la principale raison de la faillite politique palestinienne et de la division de la société palestinienne.

Aussi décourageant que cela puisse paraître, l’héritage de ces accords a beaucoup de partisans qui bénéficient, à des degrés divers, de ses avantages et de ses privilèges. Il a polarisé les Palestiniens autour des lignes fractionnelles et géographiques, et contrairement à d’autres tentatives d’Israël pour affaiblir la détermination palestinienne, cette escroquerie a connu un succès sans précédent.

L’histoire est chargée d’ expériences israéliennes voulant détruire le projet national palestinien de l’intérieur, mais ayant échoué. En 1976 , le gouvernement israélien alors dirigé par Yitzhak Rabin, avait organisé des élections locales en Cisjordanie et à Gaza. C’était un coup classique à la Rabin visant à priver l’OLP et les dirigeants nationalistes de toute représentativité dans les territoires occupés .

Israël avait alors constitué groupe alternatif de « dirigeants » palestiniens, qui consistait principalement en chefs traditionnels de clans, une petite oligarchie égoïste qui dans l’Histoire s’était toujours accommodée de l’occupation étrangère. Israël était presque certain que ses alliés allaient remporter largement les élections locales, mais le calcul était totalement faux.

L’erreur de calcul d’Israël en 1976 a été un réveil brutal pour ses deux chefs militaires et politiques, dont les plans se sont retrouvés officiellement invalidés quand les résultats sont sortis des urnes. Les candidats nationalistes ont remporté une écrasante majorité, remportant 148 des 191 mairies et conseils municipaux . La tentative de créer une première version d’Abbas et de son AP était un échec complet.

Mais Israël ne devait jamais renoncer à mettre en avant des dirigeants palestiniens « maison » comme alternative aux Palestiniens élus ou aux représentants internationalement reconnus de la lutte palestinienne. En 1978, le dirigeant israélien Menahem Begin mit en place les Ligues de village, donnant à leurs membres des pouvoirs relativement larges, y compris celui d’approuver ou refuser des projets de développement dans les territoires occupés .

Il leur donna des armes et également une protection militaire israélienne. Mais cela aussi fut voué à l’échec. « Les membres des ligues [ ont été ] largement considérés comme des collaborateurs par leurs concitoyens citadins et villageois (et en 1983) Israël avait commencé à reconnaître le caractère artificiel des Ligues de village et a reconnu l’échec des efforts visant à créer des institutions politiques capables de mobiliser le soutien palestinien à l’occupation », écrivent Ann Mosely Lesch et Mark Tessler dans Israel, Egypt and the Palestinians : From Camp David to Intifada.

Dans une version remaniée des Ligues de village et de leurs clans, l’Autorité d’Abbas réussit trop bien. Les Palestiniens ont à faire face à la réalité incontournable que leur leadership a complètement capitulé et que son mutisme est une confirmation de cette défaite.

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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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4 septembre 2013 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib


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