Cet homicide généralisé n’a été que vaguement et objectivement rapporté par la plupart des médias occupés par d’autres questions. En réalité, ils [médias] ne font qu’afficher leur indignation et appeler à la conjugaison d’efforts pour que cessent immédiatement les violations des droits de l’homme.
« Un hélicoptère Birman a ouvert le feu sur trois embarcations contenant environ 50 Musulmans Rohingya qui tentaient de fuir les violences sectaires que connait l’ouest Birman. L’attaque semble avoir tué tous ceux qui étaient à bord. » a rapporté Radio Free Europe, le 12 juillet dernier.
Mais quelles sont les raisons qui pousseraient des gens simples à courir de pareils risques mortels ? Les réfugiés voulaient tout simplement échapper aux mains de la majorité ethnique des Bouddhistes de Rakhine qui leur réservent le triste sort d’une mort immédiate, ou l’arrestation et la torture. Tout cela se passe sous le regard approbateur du gouvernement de Myanmar.
Quant à la couverture médiatique, il est important d’expliquer que l’intérêt relativement faible des médias par rapport aux « affrontements ethniques » au Myanmar n’est en aucun cas une indication sur l’ampleur de l’histoire et des faits. L’escalade de la violence est survenue suite au viol et à la mort d’une jeune femme Rhakine le 28 mai dernier et qui aurait été commis par trois hommes appartenant à la communauté des Rohingyas.
L’incident a marqué le début d’un rare mouvement collectif qui a uni plusieurs secteurs de la société au Myanmar, y compris le gouvernement, les forces de sécurité et les prétendus militants et groupes pro-démocratie.
Ainsi, la première chose de faite a été de battre à mort dix Musulmans innocents. Les victimes qui avaient été descendues d’un bus et attaquées par une foule de 300 individus bouddhistes de Rhakine n’étaient pas des Rohingyas, rapporte le Bangkok Post dans son édition du 22 juin. En effet, les Musulmans au Myanmar n’appartiennent pas tous au groupe ethnique des Rohingyas. Certains d’entre eux sont des descendants d’immigrants indous, d’autres sont d’ascendance chinoise et il y a même une catégorie aux origines arabes et persanes.
Et ces Musulmans du Myanmar ne représentent que 4% d’une population estimée à 60 millions.
Peu importe les chiffres lorsqu’on assiste à une vague généralisée de violence et d’abus alors que les auteurs, appartenant à différentes catégories sociales, ne risquent rien pour leurs actions et sont même soutenus par leurs gouvernements. Dans cette optique, et citant des groupes des droits de l’homme, Reuters a indiqué, en date du 4 juillet que « Les Rohingyas ...sont en proie aux pires formes de discrimination que le monde connaît. »
Pour sa part, l’organisation Equal Rights Trust, basée à Londres, a souligné que les récentes violences ne sont pas des affrontements ethniques seulement, mais qu’en réalité, le gouvernement y est activement impliqué. « Depuis le 16 juin, la population des Rohingya au nord de l’Etat de Rakhine est confrontée à des actes de violence et différents abus perpétrés par une armée très active qui procède à des assassinats et à des arrestations à grande échelle des hommes et des garçons. »
Les groupes et les individus pro-démocrates du Myanmar qui ont longuement été loués et félicités par les gouvernements occidentaux pour s’être opposés à la junte militaire du pays, sont les mêmes qui participent à la guerre contre les minorités. A ce titre, Hanna Hindstorm avait rapporté dans les colonnes du Sydney Morning Herald (dans son édition du 8 juillet), le tweet d’un des groupes pro-démocratie déclarant « les soi-disant Rohingyas sont des menteurs. » Un autre utilisateur des médias sociaux a déclaré : « Il faut tuer tous les kalar. » Kalar est un terme utilisé pour insulter la population à la peau foncée, issue du sous-continent indien.
D’un point de vue politique, le Myanmar a une mauvaise réputation. Juste après son indépendance de la Grande-Bretagne en 1948, le pays a été ravagé par une guerre civile prolongée. Aussi, l’ère coloniale a été extrêmement dévastatrice car toutes les grandes puissances s’étaient servies du pays comme champ de bataille. La population, qui n’était en rien responsable des évènements en cours, fut massacrée.
Et comme les puissances étrangères avaient à l’époque divisé le pays en fonction de leurs propres intérêts, une guerre civile imminente était presque inévitable et prévisible. Cette guerre a soi-disant pris fin lorsque la junte militaire a pris le pouvoir en 1962, pour y rester jusqu’en 2011. Mais de nombreux problèmes latents n’ont pas été réglés.
Pour les médias occidentaux, le Myanmar est défini par la quête pour la démocratie menée par une poignée d’ « individus emblématiques », comme le leader de l’opposition Aung San Suu Kyi. En effet, les élections tenues l’an dernier ont vu l’accession au pouvoir d’un gouvernement civil. Ainsi, nous avons été amenés à croire qu’un heureux dénouement était en train de se faire. « En date du 9 juillet, la dirigeante de l’opposition en Birmanie, Aung San Suu Kyi, a réussi à faire ses débuts historiques dans le parlement, marquant ainsi une nouvelle phase dans une lutte longue d’un quart de siècle durant laquelle, elle s’est battue pour que sa patrie vive dans la démocratie et abolisse la domination de l’armée. » pouvait-on lire dans le British Telegraph.
Mais au-delà des simples « préoccupations » sur la violence à caractère ethnique, Aung San Suu Kyi veille à rester à l’écart - comme si le massacre « des Indiens de son pays à la peau sombre » n’était pas aussi urgent que d’obtenir une représentation parlementaire de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie en Birmanie (Myanmar).
Le Secrétaire général de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu a appelé « la Dame » pour qu’elle fasse quelque chose, n’importe quoi... « En tant que lauréate du prix Nobel de la paix, nous sommes confiants que la première étape de votre voyage en vue d’assurer la paix dans le monde partira de votre propre porte et que vous jouerez un rôle positif pour mettre un terme à la violence qui a frappé l’État d’Arakan, » écrivait-il. Toutefois, « la Ligue nationale de Aung San Suu Kyi pour la démocratie continue de bien éviter ce problème brûlant », selon la revue Foreign Policy.
Les violentes attaques contre les minorités birmanes sont arrivés à un moment intéressant pour les États-Unis et la Grande-Bretagne. Leur campagne pro-démocratie a été tout de suite mise en veilleuse lorsque la junte a accepté d’appliquer des réformes semi-démocratiques. Désireux de contester la quasi-exclusive influence de la Chine sur l’économie du Myanmar, les entreprises occidentales ont sauté dans le pays, comme si l’un des régimes les plus oppressifs du monde était soudainement devenu une oasis pour la démocratie.
« La ruée vers l’or vers la Birmanie a commencé », écrit Alex Spillius dans le journal britannique The Guardian. Elle a été inauguré par la levée récente par le président américain Barak Obama de l’interdiction des investissements américain dans le pays. La Grande-Bretagne lui a immédiatement emboîté le pas, tandis qu’une représentation commerciales du Royaume-Uni a été ouverte précipitamment à Rangoon le 11 juillet. « Son objectif est de tisser des liens avec l’un des derniers marchés inexploités en Asie - un pays béni par de vastes ressources d’hydrocarbures, des minéraux, des pierres précieuses et du bois, pour ne pas mentionner une force de travail bon marché - qui, grâce à des années d’isolement et de sanctions est un territoire vierge pour les investisseurs étrangers. »
Depuis que la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a fait son « historique » visite au Myanmar en décembre 2011, un thème récurrent des médias a été « les richesses du Myanmar » et « la course pour le Myanmar ». Peu d’autres sujets sont abordés et certainement pas les droits des minorités.
Récemment, la Clinton a tenu une réunion avec le président du Myanmar, sein Thein, qui est maintenant le symbole d’une autre success story pour la diplomatie américaine. À l’ordre du jour des préoccupations des États-Unis se trouvent « le manque de transparence dans l’environnement d’investissement au Myanmar et le rôle des militaires dans l’économie » (CNN, 12 juillet). Thein Sein, cependant, est coupable de péchés beaucoup plus graves, car il produit un discours politique dangereux qui pourrait conduire à plus de meurtres, voire à un génocide. Le président « réformiste » a expliqué aux Nations Unies que « les camps de réfugiés ou la déportation étaient la solution pour près d’un million de musulmans Rohingyas », selon ABC Australia. Il a proposé d’envoyer les Rohingyas au loin « si un pays tiers souhaite les recevoir. »
Les Rohingyas subissent actuellement une des périodes les plus violentes de leur histoire, et leur souffrance est l’un des problèmes les plus urgents de la planète. Pourtant, leur sort est étrangement absent des priorités régionales et internationales, ou est estompé par les vertiges provoqués par « les importantes ressources d’hydrocarbures, de minéraux, de pierres précieuses et de bois », de leur pays.
Pendant ce temps, les Rohingyas sans patrie et sans défense continuent de souffrir et de mourir. Ceux qui ont la chance d’arriver au Bangladesh sont refoulés. Mis à part quelques journalistes courageux - qui ne gobent pas les promesses du pays pour la « démocratie » et autres fariboles - la majorité des journalistes préfèrent tout simplement regarder ailleurs. Cette attitude tragique doit changer immédiatement si jamais la question des droits de l’homme a pour eux la moindre importance.
*Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com
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16 juillet 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.presstv.ir/detail/2012/0...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha & Naguib