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Le « printemps arabe » sert-il la cause palestinienne ?

lundi 9 juillet 2012 - 06h:50

Ramzy Baroud

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« Est-ce que le printemps arabe a servi la cause de la Palestine ? C’est une question qui m’a été posée à plusieurs reprises, de diverses manières, au cours des 18 derniers mois. Beaucoup de débats dans les médias ont été articulés autour de cette question, bien que la réponse est loin d’être un simple « oui » ou « non ».

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Des Palestiniens manifestent à Gaza en soutien à la révolution égyptienne - Photo : Via Press TV

En premier lieu, pourquoi devrait-elle être posée ? N’y a-t-il pas toujours eu un lien très fort du monde arabe avec la lutte palestinienne, quelle que soit la forme de gouvernement dans ces pays ? Au moins sur le plan rhétorique,le lien du monde arabe avec la Palestine est resté fort à chaque moment historique important.

Il est vrai que la distance entre les discours et la réalité est aussi ancienne que le conflit israélo-arabe. Mais la séparation relativement faible entre les mots et les actions s’est surtout renforcée après la terrible défaite des armées arabes dans la guerre de 1967, laquelle a cimenté les liens américano-israéliens comme jamais auparavant.

La guerre a mis fin au débat sur l’action palestinienne indépendante. Elle a déplacé l’attention vers la Cisjordanie et Gaza et a permis au parti dominant, le Fatah, de fortifier sa position à la lumière de la défaite arabe et de la division qui a suivi.

La division a été mise en évidence de la manière la plus frappante en août 1967 au sommet de Khartoum au Soudan, où les dirigeants arabes se sont affrontés sur les priorités et les définitions. Si des gains territoriaux d’Israël redéfinissaient le statu quo ? Si les Arabes devaient se concentrer sur le retour à la situation d’avant 1948 ou d’avant 1967 ?

L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) insistait sur le fait que la défaite de 1967 ne devait pas compromettre la globalité de la lutte. Elle soulignait aussi que la Palestine - toute la Palestine - était encore la question la plus pressante. Mais les messages du président égyptien Jamal Abdel Nasser semblaient, pour une fois, embrouillés, mais il continua à plaider comme il l’avait toujours fait en faveur d’une confrontation militaire avec Israël. La Syrie, pour sa part, n’assistait pas au sommet.

La réponse internationale à la guerre ne promettait guère. Le Conseil de sécurité des Nations unies adopta la résolution 242 le 22 novembre 1967, reflétant la volonté des États-Unis de rentabiliser le nouveau rapport de force (le retrait israélien « des territoires occupés » en échange de la normalisation avec Israël). Le nouveau langage dans la période post-1967 a immédiatement alarmé les Palestiniens, qui avaient compris que tout futur règlement politique était de nature à ignorer la situation qui existait avant la guerre, et ne ferait que tenter de remédier aux griefs du moment.

Puis, les limites du conflit furent modifiées en permanence. Pour certains, la Palestine et le conflit devinrent une charge plutôt qu’une responsabilité partagée. La solidarité avec les Palestiniens, telle qu’affichée par les officiel arabes, devint un rituel politique - essentiel pour être crédible si l’on parle de cause arabe, mais sans substance ni actes concrets.

Les dirigeants palestiniens actuels - puisqu’il y a plusieurs organisations qui prétendent représenter les Palestiniens « où qu’ils soient » - ont également appris à pratiquer et gérer la manipulation par les gouvernements arabes de la question palestinienne. Ils l’ont souvent fait en désespoir de cause, car ils ont un urgent besoin de soutien, entre autre financier.

Au fil du temps, il devint clair que la solidarité arabe officielle avec la Palestine était dans l’essentiel des cas une farce. La solidarité dont ils parlent est soit tout à fait inexistante, soit grossièrement déformée. Les communautés palestiniennes dans les divers pays arabes sont traités au mieux avec suspicion. Ceux qui n’avaient de cesse de demander publiquement la libération de Jérusalem n’étaient pas même capables de traiter les réfugiés palestiniens avec respect. Ils refusèrent l’entrée aux Palestiniens apatrides et refusèrent de leur accorder permis de travail et de résidence permanente.

Assurément, beaucoup de Palestiniens apprirent à faire la différencie entre les peuples arabes et les gouvernements arabes. Ces derniers dominent leurs peuples, sans aucun mandat, et il serait insensé de s’attendre à ce que des institutions arabes officielles mènent n’importe quelle action de fond pour mettre fin à l’assujettissement des Palestiniens.

C’était ainsi jusqu’à ce que plusieurs pays arabes se révoltent. Plus authentique et populaire fut la révolte, plus représentatif en fut le résultat. Une augmentation soudaine du sentiment populaire de solidarité avec la Palestine a remplacé en Tunisie les tentatives timides mais réelles de l’ancien régime tunisien de normaliser les relations avec Israël.

Dans les calculs israéliens, les peuples arabes sont révocables. Ils n’ont pas de réalité. Mais aujourd’hui, Israël est contraint de remettre en cause cette vieille approche. Ses craintes de voir le nouveau président égyptien, Muhammad Morsi, résilier ou tout au moins revoir le traité de paix de Camp David - signé entre l’Égypte et Israël en 1979, dans le but d’extraire l’Égypte d’un conflit qui reste essentiellement « arabe » - sont fondées. Mais Morsi n’est pas celui dont on a vraiment peur, pas plus que les Frères musulmans. L’agitation vient du fait qu’une Égypte démocratique est peu susceptible de s’extraire de son contexte arabe ou de rouler en tandem avec les États-Unis/Israël pour appliquer encore davantage de pression sur les Palestiniens et les isoler.

Israël et ses alliés ont peur d’une véritable démocratie égyptienne.

Avec les changements notables qui peuvent redéfinir la position de la Palestine dans les priorités du monde arabe, on ne peut pas ignorer le fait que plusieurs pays arabes continuent de normaliser leurs relations avec Israël, ne tenant aucun compte d’un changement politique et social dans la région. Ils le font comme si des acteurs cachés souhaitaient équilibrer les pertes possibles en Tunisie et en Égypte, avec des gains en d’autres endroits.
Les Palestiniens à Gaza, comme ailleurs, continuent de parler de la solidarité arabe avec passion, mais aussi avec une évidente amertume. Ils ont toujours prié pour que leurs frères viennent à leur rescousse. La génération plus âgée parle de la bravoure et des sacrifices de beaucoup d’Arabes qui ont combattu aux côtés des Palestiniens. Mais les attentes des nouvelles générations ont aussi changé. Les Palestiniens veulent simplement une solidarité réelle. Ce qu’ils veulent, c’est que les communautés palestiniennes soient traitées avec respect et que soit mis fin à toute normalisation arabe avec Israël.

*Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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3 juillet 2012 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/view_...
Traduction : Info-Palestine.net - Naguib


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