Yasser Arafat doit se retourner dans sa tombe
mardi 27 novembre 2007 - 06h:23
Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
Le Fatah a instrumentalisé les cérémonies de commémoration de la mort de l’ancien président Yasser Arafat dans sa campagne contre le Hamas.
- Exposition sur la vie de Yasser Arafat - Gaza - 25 novembre 2007 - Photo : AP/Hatem Moussa
Après avoir organisé une bruyante manifestation, les jeunes avaient quitté le Parc du Soldat Inconnu, juste à côté de l’immeuble du Conseil Législatif Palestinien dans la ville de Gaza.
Ils avaient réclamé la réconciliation nationale entre le Fatah et le Hamas, mais une telle exigence semble encore plus irréaliste après les événements sanglants qui ont eu lieu dans Gaza lors de la commémoration du troisième anniversaire de la mort du président palestinien Yasser Arafat. Les désaccords entre les partisans du Fatah et les membres de la police palestinienne ont fait sept morts et des dizaienes de blessés. Ces désaccords ont ramené toutes les questions à la case départ, explique Khalil Ziyad, un étudiant à l’université, âgé de 22 ans et militant dans un des groupes de la jeunesse qui revendiquent la réconciliation. « Ces malheureux événements ont prouvé que nous devons faire encore de plus grands efforts et mobiliser plus de monde pour défendre cette conciliation. »
Un certain nombre de responsables du Hamas qui ont demandé à ?Al Weekly’ de conserver leur anonymat, ont déclaré que les affrontements auraient pu être évités par les chefs de la police, qui « n’ont pas su remplir leurs fonctions ».
Avec un sentiment évident de frustration, les chefs du Hamas ont tenu à souligner que le gouvernement d’Ismail Haniyeh avait été mis dans la position voulue par le gouvernement de Salam Fayyad, comme incapable de maintenir la sécurité. Pour traiter cette crise, Haniyeh, le premier ministre du gouvernement démissionné [par Mahmoud Abbas], a très rapidement annoncé sa décision de libérer tout ceux qui avaient été arrêtés, excepté ceux dont il est prouvé qu’ils étaient impliqués dans des actes de violence. Il a également annoncé la formation d’un comité d’enquête « impartial et avec pouvoir de décision ». Dans un discours aux Palestiniens, Haniyeh a indiqué qu’il n’avait pas éliminé la possibilité que la police ait été responsable des sanglants événements, mais il a également souligné le rôle que le gouvernement de Ramallah avait joué en incitant à la violence.
Particulièrement décevant pour le gouvernement de Haniyeh et la direction du Hamas était le fait que le gouvernement [de Gaza] avait fait de grands efforts pour que la commémoration de la mort d’Arafat soit une réussite. Ce gouvernement s’est bien rendu compte que n’importe quelle tentative de compliquer l’organisation de l’événement aurait nui à sa légitimité aux yeux d’une grande partie du public palestinien qui considère Arafat comme « le chef et le symbole de la lutte nationale palestinienne ». Haniyeh a décrit les initiatives que son gouvernement avait prises pour faciliter la commémoration, y compris la suspension des cours de sorte que les étudiants puissent être présents. Le ministère de l’éducation avait également envoyé des instructions pour que les deux premières classes du jour soient consacrées à des discussions avec les étudiants sur le personnage de Yasser Arafat.
Pourtant les éclaircissements de Haniyeh n’ont eu aucun poids aux yeux du président palestinien Mahmoud Abbas qui s’est comporté comme s’il avait attendu sur des charbons ardents les évènements qui se sont produits afin d’immédiatement les exploiter et les retourner contre le Hamas. Il a invité le public palestinien à mettre à bas le gouvernement du Hamas, se référant aux nombre important de participants à la commémoration, estimés à 200 000 personnes, comme s’il s’agissait d’un soutien évident au Fatah. Abbas a cru que la réussite du Fatah à mobiliser une telle foule signifiait qu’il pouvait provoquer l’effondrement du gouvernement de Haniyeh par une gigantesque mobilisation populaire.
Pourtant selon les responsables même du Fatah dans la bande de Gaza, la lecture d’Abbas des événements était entièrement fausse. Hazem Abu Shanab, porte-parole du Fatah dans le territoire, a mis en avant qu’une des raisons de l’intérêt massif pour la commémoration était que celle-ci soulignait le refus que des concessions soient faites sur les « constantes » palestiniennes à la veille de la réunion d’Annapolis. « La commémoration n’était pas été dirigée contre le Hamas. Au contraire, elle a souligné la nécessité de s’en tenir aux constantes pour lesquelles Arafat a été assassiné, » a-t-il déclaré à ?Al Weekly’. Abu Shanab a insisté sur le fait qu’en dépit de ce qui s’est produit, le Hamas était un mouvement nationaliste avec un rôle important dans la lutte nationale palestinienne, et que le premier adversaire du Fatah doit être l’occupant. Il a ensuite souligné que tandis que son mouvement proteste contre les actions des forces de sécurité du gouvernement de Haniyeh, il condamne également les actions des agences de sécurité d’Abbas en Cisjordanie.
Que les partisans du Fatah n’aient pas organisé une manifestation publique pour protester contre ce qui avait eu lieu est une preuve supplémentaire de l’erreur d’Abbas concernant la forte participation publique à la commémoration et sur l’appui au Fatah que cela serait supposét représenter. Personne ne conteste parmi les observateurs dans la bande de Gaza que le Fatah fait face ici à deux principaux problèmes. D’une part, il souffre d’un vide dans sa direction puisque la plupart de ses responsables les plus en avant se sont sauvés au moment où le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza. D’autre part, il y a un fort sentiment d’amertume parmi les militants du Fatah sur la façon dont le premier ministre Salam Fayyad [du gouvernement de Cisjordanie] les a traités, particulièrement après sa décision de limoger des milliers d’agents de sécurité du Fatah dans la bande de Gaza.
Le président Abbas ne s’est cependant pas arrêté à son appel à renverser le Hamas ; il a de surcroît rejeté tous les efforts de conciliation, demandant à Rouhi Fatouh, son envoyé personnel à Damas, d’annuler une réunion prévue avec le dirigeant du Hamas, Khaled Meshaal. En même temps, les agents de sécurité dépendant d’Abu Mazen ont exploité les événements de Gaza pour faire monter d’un cran leur campagne repressive contre les partisans du Hamas en Cisjordanie. Ces agents continuent à arrêter des militants du Hamas dans toute la Cisjordanie et le PCHR (Palestinien Centre for Human Rights) a confirmé que les personnes arrêtées étaient soumises systématiquement et cruellement à la torture. Un grand nombre de ceux qui ont été arrêtés ont été amenés ensuite à l’hôpital en raison de leur état de santé suite aux tortures.
Mais ce qui est vraiment terrible, c’est que la campagne d’Abbas contre les partisans du Hamas est coordonnée avec l’armée israélienne d’occupation. Dans Naplouse, par exemple, une ville que le gouvernement de Fayyad a annoncé comme étant la première en Cisjordanie où un plan de sécurité serait mis en application, ce travail est réellement coordonné entre l’armée d’occupation et les agences de sécurité d’Abbas. La nuit, les unités spéciales de l’armée israéliennes lancent des campagnes d’arrestations contre des militants des mouvements palestiniens de résistance, dont des militants du Hamas. Et le jour, la même mission est menée à bien par les agents palestiniens de sécurité. Haniyeh explique que ces campagnes contre les militants du Hamas visent à mettre à jour la structure d’organisation du mouvement en Cisjordanie afin de pouvoir la détruire.
Abu Mazen a exploité les événements de Gaza pour multiplier les opérations contre le Hamas et pour interdire totalement l’activité politique et social de ce mouvement. Il a également annulé des réunions avec des responsables du Hamas en Cisjordanie, ce qui dans son idée aurait favorisé une scission dans le Hamas.
Le gouvernement de Fayyad n’a pas cesséde frapper le Hamas. Plutôt, il a envoyé des ordres pour que l’on frappe tous les mouvements de résistance, une attitude qui n’a fait que multiplier les critiques des politiques d’Abbas et de son gouvernement. Le ministre de l’intérieur du gouvernement de Fayyad, Abdel Razaq Al-Yehia a déclaré que son gouvernement avait pris l’engagement devant Israël de dissoudre tous les bras armés des mouvements de résistance sans exception, en tant qu’élément de son engagement vis-à-vis de la « feuille de route ».
Khaled Al-Batsch, un des premiers dirigeants du mouvement du Jihad islamique, a indiqué que ce que font les agences de sécurité d’Abu Mazen en Cisjordanie n’a aucune relation avec la prise de contrôle du Hamas dans la bande de Gaza, mais qu’il s’agit plutôt d’un plan pour liquider la résistance palestinienne en entier. « Abu Mazen perdra sa légitimité comme président s’il collabore avec l’occupant et conspire contre la résistance, » a-t-il encore dit à ?Al Weekly’.
Pourtant en dépit des signes montrant que les événements de Gaza ont signé l’arrêt de mort des actuels tentatives de réconciliation, certains croient toujours qu’il n’y a aucune échappatoire à ce dialogue. Yehia Daabsa, député représentant le bloc parlementaire du Hamas, est un de ceux-là. « Il y a deux choix possibles devant Abu Mazen à la suite de la conférence d’Annapolis qui se terminera par un échec complet, » a-t-il déclaré à ?Al Weekly ?. « Il peut remettre sa démission et prendre du recul, ou il peut revenir à la table des négociations pour en finir avec la division dans l’arène palestinienne. »
Que les espoirs d’Al-Daabsa soient comblés ou pas, une chose est sûre : les Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza vivent dans un état de déception terrible. Alors que les Palestiniens arrivent à survivre à un siège qui les étranglent, à des conditions économiques désastreuses et à de constantes opérations de l’armée israélienne, il est très pénible pour eux de supporter la peine causée par cette lutte interne.
Du même auteur :
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22 novembre 2007 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/872...
Traduction : Claude Zurbach