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Traitement médical contre trahison

mercredi 24 octobre 2007 - 06h:09

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

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Négociation du personnel médical du PMRS pour pouvoir passer un barrage des troupes israéliennes d’occupation - Photo : PMRS

Le calme de son maintien ne laisse rien voir de la tragédie personnelle qu’il vit actuellement. Bassam Al-Wahidi, est journaliste, il a 30 ans et il est menacé de se trouver plongé dans une nuit perpétuelle. C’est ce qui arrivera s’il n’est pas opéré de la rétine, ce qui devait être fait ces derniers mois dans un hôpital palestinien de Jérusalem. Al-Wahidi , nouveau journaliste de la station La Voix des travailleurs à Gaza, avait pourtant satisfait à l’ensemble des formalités nécessaires pour se déplacer dans Jérusalem. Mais des officiers des services secrets Israeliens, le Shin Bet, l’ont bloqué sur la partie Nord de la frontière entre Gaza strip et Israël , le Eretz Crossing l’empêchant de circuler jusqu’à ce qu’il accepte de devenir l’agent d’Israel et fournisse des informations sur les activités, les dirigeants et les membres des mouvements de résistance existant à Gaza.

Lorsque Al-Wahidi a été arrêté à Eretz, des officiers du Shin Bet l’ont insulté et bousculé avant de le traduire devant l’un des enquêteurs de l’Agence. Ce dernier, présenté sous le nom de « capitaine » l’a submergé 3 ou 4 heures durant, de questions concernant la résistance palestinienne, exigeant des informations en contrepartie de l’autorisation d’aller à Jérusalem et d’être opéré. L’enquêteur a usé de toutes les carottes et tous les bâtons possibles. Al Wahidi, qui appartient à une famille connue de Gaza, en sympathie active avec la résistance contre l’occupation, a rejeté les propositions de l’enquêteur du Shin Bet et ses tentatives pour faire de lui un espion.

La durée de l’interrogatoire a empêché l’intervention chirurgicale prévue. A six heures du soir, confronté au refus de coopération de Al-Wahidi, l’officier l’a expulsé de son bureau en agitant la menace de l’interdiction de l’intervention et de la cécité qui attendait le journaliste, s’il refusait d’utiliser sa position pour coopérer avec les services secrets. Al-Wahidi qui a raconté son histoire dans Al-Ahram weekly, a déclaré en privé que cet épisode avait renforcé sa conviction qu’il lui fallait, plus que jamais, résister à l’occupation.

Les pressions sadiques que le Shin Bet exerce à l’encontre des Palestiniens atteints de maladies chroniques sont de notoriété publique dans les rues de Gaza. L’histoire commence généralement lorsqu’un patient demande au Département de liaison Israélo - Palestinien une autorisation pour aller de Gaza à la frontière Ouest d’Israël pour subir une opération. Au terme d’efforts épuisants, les patients reçoivent une autorisation et rejoignent Eretz pour se trouver finalement confrontés aux mêmes man ?uvres que Al-Wahidi. Selon les témoignages se rapportant aux pratiques du Shin Bet transmis par les principales organisations de défense des droits de l’homme, et publiés par Weekly, les officiers de l’Agence s’en prennent indifféremment aux jeunes ou aux vieux et n’épargnent pas plus les femmes et les enfants.

Al-Mughni, un professeur de 65 ans, nouveau doyen du collège des Beaux Arts à l’université nationale An-Najah de Naplouse, vit à Al-Shajaiyeh près de la ville de Gaza. Il souffre d’un cancer de la gorge, diagnostiqué 2 ans auparavant. Reçu en urgence dans un hôpital israëlien, qui a mis en place un protocole de soins il devait recevoir un traitement radiologique régulier destiné à empêcher une rechute. Un mois auparavant, Al-Mughni alors qu’il se rendait en Israël s’est trouvé à sa grande surprise, arrêté par des membres du Shin Bet et emmené dans un local où il a été interrogé de façon insistante par un des officiers présents qui lui a clairement annoncé qu’il ne serait autorisé à rejoindre l’hôpital israélien où lui sont dispensés les soins que son état nécessite, que lorsqu’il se serait décidé à coopérer avec le Shin Bet et à donner des informations sur la résistance.

Al-Mughni s’est trouvé d’autant plus choqué que le Shin Bet n’avait pris en considération ni son statut ni son âge. Il a rejeté les demandes de l’Agence et est retourné à Gaza en redoutant une rechute. De la même façon, un cancer a été diagnostiqué chez une femme de 34 ans, qui a refusé de décliner son identité. L’opération programmée dans un hôpital d’Israël a été annulée après l’arrestation de cette femme par un enquêteur du Shin Bet qui l’attendait à Eretz et a tenté d’exercer des pressions à son encontre. Depuis, son état de santé a empiré.

Raji Al-Sourani, directeur du centre palestinien pour les droits de l’homme a raconté au Weekly comment son centre avait eu à prendre connaissance de cas où des officiers du Shin Bet avaient tenté de piéger des enfants suivis dans des services hospitaliers pour en faire des informateurs. Selon Al-Sourani, ces « pratiques criminelles », s’exercent également à l’encontre de détenus palestiniens dont les mauvaises conditions de santé sont exploitées par le Shin Bet. S’ils veulent bénéficier d’un traitement médical ils doivent espionner leurs co-détenus.

Al-Sourani dénonce ces pratiques comme des atteintes caractérisées aux lois internationales de protection du droit des personnes malades à recevoir des soins. Ce sont des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité ».

Le centre dirigé par Al-Sourani a réussi à lancer des procédures visant des généraux de l’armée et des cadres des services secrets Israéliens en Angleterre et en Amérique sur la base d’accusations de crimes de guerre à l’encontre de Palestiniens. Il insiste sur les difficultés à mener des poursuites légales contre des cadres du Shin Bet et plus généralement contre Israël concernant les pressions exercées contre les Palestiniens atteints de maladies. Les procédures prévoient la présence de témoins pouvant se présenter devant une cour de justice. Les victimes de pressions refusent le plus souvent de dévoiler leur identité et de témoigner parce qu’elles espère qu’Israël leur permettra d’accéder au traitement médical nécessaire. Ils craignent qu’une plainte à l’encontre d’Israël ne diminue leur chance de recevoir les autorisations qui leur ouvriront les portes d’un hôpital.

D’après une information émanant des services de sécurité palestiniens publiée dans Weekly, si une majorité de Palestiniens soumis aux pressions du Shin Bet rejettent ces tentatives de les transformer en informateurs, un petit nombre de patients ont cédé pour sauver leur vie. Selon la même source certains d’entre eux sont venus ensuite raconter leur mésaventure aux services secrets palestiniens et ont donné la nature des informations qu’ils avaient fournies à l’Agence israélienne.

Certaines organisations israéliennes de défense des droits de l’homme exercent une surveillance constante sur les pressions du Shin Bet sur les Palestiniens atteints de maladies. « Récemment nous avons relevé un nombre croissant de cas de patients palestiniens, principalement habitant Gaza, dont l’accès à des traitements médicaux en dehors de leur zone de résidence, dépendait de leur collaboration avec le Shin Bet » dit Ron Yaroun, porte paroles de la branche israélienne des Médecins défenseurs des Droits de l’Homme. « Je suis en relation avec un groupe de personnes qui sont sans défense et se sentent menacées. Ils sont pris au piège. D’un côté ils sont angoissés par leur état de santé et en même temps ils ne sont pas décidés à coopérer avec Israël et à donner des informations sur le thème de la sécurité pour sauver leur vie.

Comme Danny Valak, président des Médecins pour les Droits de l’Homme, il estime que les actes du Shin Bet menés avec l’aval du gouvernement israelien contreviennent aux règles éthiques de la médecine et à l’ensemble des principes moraux existants. La morale n’autorise pas tous les moyens utilisés au nom de la sécurité. De même que la torture, sont prohibées les pressions contre des patients pour exploiter leur maladie en vue de les transformer en informateurs. Pour moi, le respect des principes majeurs de la morale conditionne la sécurité d’un état à long terme. Les Etats qui passent outre s’affaiblissent progressivement ».

Des officiers retraités du Shin Bet ont reconnu qu’ils avaient reçu des instructions strictes pour exercer sur des patients Palestiniens un niveau élevé de pressions en vue de les forcer à devenir des informateurs pour les israéliens. Avner, un cadre récemment nommé du Shin Bet a reconnu dans une interview donnée au journal israélien Maariv publié vendredi dernier, que les officiers chargés de recruter des agents reçoivent l’ordre d’exploiter les fragilités humaines et de recourir à tous les moyens quel qu’en soit le niveau de cruauté, en vue de recruter un maximum d’informateurs palestiniens. Comme le Mossad, le Shin Bet ne rend de comptes qu’au Premier Ministre. Le Premier Ministre approuve toutes les opérations qu’il se charge de superviser personnellement.

Seuls ceux qui vivent les souffrances entraînées par une maladie chronique et pour qui les minutes qui passent équivalent à des heures lorsque la mort est au bout, ceux à qui est dénié le droit élémentaire de recevoir un traitement parce qu’ils refusent de devenir des informateurs et de coopérer avec leur ennemi contre leur peuple, seuls ceux-là peuvent comprendre la profondeur et la légitimité du mépris que les Palestiniens nourrissent dans leur c ?ur contre Israël. Le silence du monde contre le crime d’Etat dont ils sont victimes, ajoute à l’amertume de ces malades, de leur famille et de ceux qui sont témoins de cette situation.

Du même auteur :

- Troisième Intifada
- Jouer lâchement avec les mots
- Après la défaite américaine en Irak

11 octobre 2007 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg:80/2007/...
Traduction : Anne Ramaré


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