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2014 verra l’échec de l’Autorité de Ramallah et une montée en puissance de la campagne BDS

mercredi 8 janvier 2014 - 16h:22

Ramzy Baroud

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2013 a été une année où la mauvaise plaisanterie du soi-disant processus de paix a pu se poursuivre, menant les Palestiniens vers une nouvelle série de promesses futiles et aussitôt rompues.

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Photo : Dreamstime

En attendant, le projet colonial israélien en Cisjordanie et à Jérusalem Est s’est poursuivi, inchangé. Mais ce n’était pas une année faite que de malheurs, car la campagne mondiale de boycott (BDS) s’est développée comme jamais auparavant, débordant l’inconstante direction Palestinienne et ses plates-formes politiques réduites à la portion congrue.

Mahmoud Abbas, l’ex-président de l’Autorité Palestinienne (AP), est un chef qui ne connait guère de réussites, pour dire le moins. Mais un jugement beaucoup plus dur peut indiscutablement être prononcé. Quand il a carrément rejeté le boycott d’Israël lors d’une interview à l’occasion des obsèques de Nelson Mandela, l’icône de l’Afrique du Sud, beaucoup de Palestiniens ont qualifié ses propos de pure trahison. « Nous ne demandons à personne de boycotter Israël en tant que tel. Nous avons des relations avec Israël, nous disposons d’une reconnaissance mutuelle avec Israël, » a-t-il dit.

L’ironie est qu’un mouvement international de boycott avait été une autre facette de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Pour qu’Abbas rejette le boycott, dans le contexte palestinien, du pays même qui est responsable de l’occupation militaire, d’innombrables crimes de guerre, du blocus de Gaza, de tant de violations des lois internationales, du Mur d’Apartheid pour ne citer que ces faits... tout en assistant à l’enterrement de Mandela, est bien la preuve qu’Abbas n’a aucune crédibilité, que ce soit morale ou politique.

Pourtant, à peine deux semaines après la déclaration d’Abbas, son négociateur en chef, Saeb Erekat, menaçait une fois de plus de faire déférer Israël devant la Cour Pénale Internationale (CPI) s’il appliquait un nouveau plan d’expansion coloniale dans Jérusalem Est et en Cisjordanie sous occupation.

Erekat est tout naturellement en colère puisque le gouvernement d’extrême-droite de Benjamin Netanyahu prévoit de faire construire 1400 unités d’habitations supplémentaires pour les colons dans plusieurs colonies, dont 600 dans Ramat Shlomo qui est situé en Cisjordanie mais aussi illégalement annexé dans Jérusalem Est sous occupation. Huit cents autres maisons seront construites à travers la Cisjordanie occupée dans différentes colonies qu’Israël prévoit de conserver dans le cadre de n’importe quel éventuel accord.

« Nous condamnons vigoureusement cette initiative et la considérons comme dommageable pour le processus de paix », a déclaré Erekat. Il a qualifié la décision de Netanyahu de « crime de guerre ». Mais les officiels de l’AP ont utilisé l’expression « crimes de guerre » à tant d’occasions et menacé de recourir à l’a CPI tant de fois... Des menaces qui, naturellement, n’ont été jamais mises à exécution.

Il n’y a cependant aucune initiative sérieuse venant de la direction palestinienne pour exiger des mesures punitives contre Israël, sauf une mesure peu enthousiasmante prise en novembre 2012, quand la Palestine a exigé la reconnaissance internationale de la part des Nations Unies, devenant ainsi un pays tiers. Face à l’entêtement israélien et au ressentiment grandissant parmi les Palestiniens à l’égard d’Abbas, de la corruption et des échecs de son Autorité, le chef palestinien n’a eu aucune option à portée de la main, si ce n’est chercher désespérément ce qui pourrait être présenté comme une « victoire » par quelques excités dans les territoires occupés. Abbas était rentré chez lui en étant salué comme héros de la libération par ses loyalistes dans Ramallah... Un feu de paille aussitôt éteint.

Mais en théorie, la reconnaissance internationale signifiait également que l’AP acceptait d’apposer sa signature au Statut de Rome de la Cour Internationale de Justice, ce qui permettrait finalement de traîner Israël devant le Tribunal Pénal. D’autres mesures pratiques pourraient avoir été également prises, la Palestine pouvant adhérer à des dizaines d’organismes internationaux et obliger Israël à rendre compte de ses crimes permanents devant toutes les instances possibles. Rien de cela n’a eu lieu, à la consternation des Palestiniens et de ceux qui défendent leur cause.

Ce qui s’est produit, c’est qu’en juillet dernier Abbas et ses négociateurs ont été entraînés dans un autre cycle de négociations inutiles et sans aucune condition préalable. Et tandis qu’ils étaient supposés négocier, le gouvernement israélien accéléraient les constructions dans les colonies en Cisjordanie et renforçait le blocus sur Gaza. C’était tristement risible de voir le 13 novembre dernier toute l’équipe de négociation palestinienne démissionner en signe de protestation.

Mais puisque « l’homme en charge » - selon un haut responsable de l’administration des États-Unis, cité par CNN - est Saeb Erekat, cette démission n’a guère de sens. « Nous avons toujours vu Saeb Erakat menacer de démissionner parce qu’il n’était pas satisfait de la façon dont les pourparlers se déroulent, mais ... il a toujours fini par revenir sur sa décision et poursuivre les négociations. »

C’est un spectacle embarrassant, vraiment, et l’Autorité palestinienne ne semble pas s’en apercevoir, ou peut-être s’en fiche-t-elle. Au lieu de s’adresser à La Haye avec une totale détermination et placer pour une fois Israël sur la défensive, Erekat continue à utiliser la même vieille tactique éculée - exploitée par Abbas lui-même dans le passé - en proférant des menaces vides de sens dont les Israéliens et Américains ne semblent même pas s’apercevoir.

Il est évident que l’Autorité palestinienne est dans une position beaucoup plus faible que celle d’Israël. Ce dernier, en plus de sa force militaire et d’une domination totale sur tous les aspects de la vie des Palestiniens, est inconditionnellement soutenu par l’administration américaine. Alors que l’administration Obama a décidé avec beaucoup de précaution d’un plan d’action en ce qui concerne l’Iran qui n’est pas compatible avec les souhaits du lobby sioniste à Washington et de ses inconditionnels au Congrès, elle reste soumise aux volontés du même lobby concernant la Palestine.

Le Secrétaire d’État américain John Kerry a prouvé encore une fois que ce ne sont pas des individus mais des politiques bien établies qui contrôlent les agissements des États-Unis au Moyen-Orient. Sa dernière proposition, fondée sur le travail de 160 responsables américains, y compris le général John Allen, retraité de l’US Marine Corps, est allé aussi loin que Netanyahu pouvait l’espérer pour assurer « la sécurité » d’Israël, même si un État palestinien doit être mis en place. Selon le quotidien israélien de droite Jerusalem Post, « les idées » de Kerry inclues dans la proposition comprennent le contrôle israélien sur les frontières de la Palestine avec la Jordanie et une présence militaire israélienne continue dans la vallée du Jourdain.

Les Américains se plient en quatre comme jamais pour Israël : le lobby a encore la main haute dans l’élaboration de la politique étrangère des États-Unis en ce qui concerne Israël et la Palestine, et l’Autorité palestinienne se révèle être aussi souple qu’Israël et les États-Unis l’exigent. De façon décevante, les quelques éléments qui pourraient renforcer la position des dirigeants palestiniens, comme le soutien à la campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et le recours à des organismes internationaux comme la CPI, sont soit complètement mis de côté, soit simplement cités dans des menaces creuses.

Il n’existe aucune indication que l’Autorité palestinienne puisse changer de cap en 2014. Le triste héritage d’Oslo va perdurer, ainsi que les projets coloniaux israéliens, la plaisanterie du processus de paix sous patronage américain et tout le reste. Mais ce qui va par contre changer, c’est que le mouvement BDS ira de l’avant, avec ou sans Abbas et Erekat dont les prétentions à diriger les Palestiniens sont simplement sans hors des réalités.

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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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2 janvier 2014 – The Palestine Chronicle – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/2...
Traduction : Info-Palestine.eu – Claude Zurbach


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