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Poutine se fera un plaisir de laisser Obama suer sang et eau, tout seul, en Syrie

lundi 9 septembre 2013 - 07h:02

Robert Fisk

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Il y a plus d’un récit qui peut servir d’avertissement pour les dirigeants arabes - et nos arrogants dirigeants occidentaux - sur les relations qu’entretient Moscou avec le Moyen-Orient, écrit Robert Fisk.

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Poutine... Un os qui reste en travers de la gorge pour Obama (à d.)

Il y a à peine quelques années, un président russe tenait une réunion tard dans la nuit avec son représentant spécial et lui demandait de voler au plus vite pour rencontrer un dictateur arabe, afin de lui communiquer un avertissement personnel sur une attaque américaine imminente. Si l’autocrate arabe démissionnait volontairement de son poste de président et permettait la tenue d’élections démocratiques, disait encore le message secret du Président russe, il pourrait rester dans son pays et garder son poste dans son parti. Le dictateur était Saddam , la réunion se passait en février 2003 et l’envoyé du président russe était Yevgeny Primakov.

Et le président était Vladimir Poutine. Peut-être que ce petit récit devait être dans le dossier de Barack Obama à Saint-Pétersbourg. C’est Primakov lui-même, ancien chef du Service de renseignement extérieur russe, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre, qui a révélé l’initiative secrète de Poutine dans son livre malheureusement passé inaperçu (à l’Ouest, au moins), la Russie et les Arabes [Russia and the Arabs : Behind the Scenes in the Middle East from the Cold War to the Present], qui contient beaucoup plus d’un récit à valeur d’avertissement pour les dirigeants arabes - et nos arrogants dirigeant occidentaux - sur les relations qu’entretient Moscou avec le Moyen-Orient, et pas moins que celles de Poutine. Ce dernier avait demandé à Primakov de communiquer son avertissement, directement et en premier lieu, seulement à Saddam, et pas à son ministre des Affaires étrangères Tarek Aziz. Poutine voulait que la proposition faite à Saddam « le soit de façon aussi dramatique que possible ». Cela pouvait être, selon le président russe, la dernière chance de Saddam d’éviter une attaque américaine.

Le dictateur irakien a réagi par un flot d’ accusations contre la Russie : qu’elle essayait de le tromper encore une fois, tout comme elle l’avait fait quand il lui avait été dit dit que si [Saddam] retirait ses troupes du Koweït en 1990, l’Amérique n’attaquerait pas l’Irak. Primakov lui a répondu qu’il a attendu trop longtemps pour mettre en scène son retrait. Saddam n’a alors rien répliqué. Il a juste tapoté Primakov sur l’épaule alors qu’il quittait la salle. Tariq Aziz lui a alors crié, assez fort pour que Saddam puisse l’entendre : « Dans dix ans à partir de maintenant, nous allons voir qui avait raison : notre Président bien-aimé ou Primakov ». Eh bien, nous connaissons la réponse à cette question.

Maintenant, je suppose qu’il est possible que Barack Obama aimerait bien que Poutine envoie son ministre des Affaires étrangères en personne, Sergueï Lavrov, à Damas avec un message similaire pour Bachar al -Assad. Après tout, la raison de Poutine pour raconter à Saddam qu’il pouvait rester dans son rôle dans le parti [baas] était d’ éviter une instabilité post-régime en Irak . Le problème en Syrie est que l’instabilité a commencé en 2011 et s’est depuis transformée en l’une des plus laides des guerres civiles de la région.

Mais Poutine ne va pas sans son côté progressiste. C’est lui , après tout, qui a parlé de l’installation de moyens d’enrichir l’uranium sur le sol des puissances nucléaires reconnues comme pays qui disposent d’installations nucléaires mais ne veulent pas d’armes nucléaires - ce qui était l’une des initiatives de Poutine sur la crise iranienne (l’Iran et son programme nucléaire étant une des véritables cibles de l’attaque possible de l’Amérique sur la Syrie).

Il y a encore une autre facette dans Poutine. Au Caire, plusieurs hommes politiques égyptiens l’appellent al thaaleb [ le Renard] - et vous pouvez presque imaginer Poutine dans la neige, la queue touffue et les moustaches piquantes, ses yeux étroits et un peu inquiétants sortant de sa figure étroite. Il ne s’embarrasse pas avec des politiciens musulmans dont il se méfie. Il a remplacé un dictateur en Tchétchénie avec un autre encore plus méchant, et la Russie n’a pas hésité à laisser l’impitoyable Mohammed Najibullah prendre la relève en Afghanistan lorsque son armée en est sortie. Pourquoi l’Occident soutient des rebelles, demanda-t-il il n’y a pas si longtemps, qui mangent leurs ennemis ? Il faisait allusion à la vidéo effrayante d’un combattant islamiste qui apparemment mangeait le foie d’un soldat syrien sommairement abattu.

Mais Poutine n’a jamais été lui-même dégoûté par l’utilisation d’une violence extrême. Le comportement scandaleux de son armée en Tchétchénie a été peu différent de celui de l’armée de Saddam Hussein dans la répression des rebelles irakiens en 1991, ou de celui du régime syrien contre ses propres rebelles. Et les Russes n’ont-ils pas utilisé, il n’y a pas si longtemps, leur propre type de gaz pour se frayer un chemin dans un théâtre de Moscou lorsque des rebelles tchétchènes s’en étaient emparé ? Si le régime syrien a utilisé du gaz sarin le mois dernier - et Poutine dit toujours qu’il a vu aucune preuve convaincante - est-ce que cela doit vraiment choquer le président russe ?

Curieusement, les réseaux de télévision occidentaux sont tombés dans le panneau à Saint-Pétersbourg, en se demandant si Obama pouvait « réduire l’écart » entre lui et Poutine. Je ne suis pas du tout sûr que Poutine veuille réduire un tel écart. Il sait que « les lignes rouges » du président américain, les « options sur la table » - et tous les autres clichés utilisés par Obama lorsqu’il parle de lancer les Américains dans une nouvelle guerre contre les Arabes - lui ont donné une carte maîtresse. Il sait que la guerre contre la Syrie vise en fait l’Iran. Et il était parfaitement capable de recevoir le turbulent ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad à Moscou. Son visage peu affable affiché à côté de celui d’Obama lors du sommet de Fermanagh vous en dit des tonnes sur ses véritables sentiments à l’égard du Punisher en chef américain. Après tout , c’était le rôle qu’il avait lui-même adopté en Tchétchénie.

Et s’il regarde au sud du Kremlin, il peut voir la Tchétchénie à l’horizon et - à seulement 800 miles plus loin - la Syrie elle-même où Assad se bat contre des forces rebelles qui comprennent des Tchétchènes. Il peut évidemment souligner que Barack Obama envisage de se battre du même côté que al- Qaïda - ce qui est tout à fait exact. Mais est -ce qu’il va vraiment se mettre dans la file derrière la dernière croisade de l’Amérique ? Je soupçonne plutôt - car il s’agit d’un expert autodidacte sur la lutte contre le « terrorisme » islamiste - qu’il pourrait laisser Obama suer tout seul.

On demandera à celui-ci, sans doute, ce que l’Amérique prétend atteindre avec 60 jours d’attaques « limitées ». Et ce qui se passera quand ce sera fini et qu’Assad sera toujours à Damas et que les gaz auront été utilisés une fois de plus ?

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* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.

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5 septembre 2013 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar


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