Les types de la sécurité d’État se comportent de façon impitoyable, exactement comme à l’époque de Moubarak, écrit Robert Fisk.
- Moubarack, extrait des poubelles de l’Histoire, grâce aux militaires putschistes !
Moubarak va être libéré ? Aussi fou que cela puisse paraître, sa liberté serait en parfaite adéquation avec la folle tragédie qui traverse l’Égypte. Tout ce qui avait semblé impossible après la révolution de 2011 - des centaines de personnes massacrées par la sécurité d’État, des cadets de la police abattus par des hommes armés dans le désert, Moubarak sortant de prison - a acquis une sorte de normalité.
Dans les rues du Caire sont maintenant apparues des milliers de grandes photographies en couleur de Barack Obama affublé de la barbe de Ben Laden et d’un signe musulman de prière sur son front. Et à droite d’Obama se trouve le plus beau de tous les généraux, Abdel-Fattah al-Sisi, ministre de la Défense, vice-Premier ministre et chef de l’armée égyptienne.
Donc, il n’y a aucun doute sur qui sont les bons et qui sont les méchants. Trois chaînes de télévision publiques affichent maintenant 24 heures sur 24 une bannière en anglais sur le coin supérieur gauche de l’écran : « l’Égypte combat le terrorisme ». Et il semble que les téléspectateurs ont tendance à le croire. Les meurtres des 25 policiers dans le Sinaï et leurs funérailles militaires cette semaine ont quasiment poussé hors des premières pages des journaux les meurtres des 36 prisonniers transportés dans un fourgon de police par les hommes de la sécurité de l’État dans le delta. Al-Ahram a publié une demi-page de photographies de ces jeunes hommes et une image en couleur de leurs cadavres alignés tels que les tueurs les ont laissés. On pourrait les confondre avec des photos de policiers irakiens abattus ou de victimes de la guerre civile syrienne.
Dans un rapport qui sera publié aujourd’hui, Human Rights Watc dit pouvoir confirmer que 37 églises chrétiennes ont été incendiées à travers l’Égypte. Dans Minya, par exemple, les sympathisants des Frères musulmans ont abandonné leur sit-in après les nouvelles des massacres à la mosquée Rabaa al-Adawiya au Caire il y a maintenant une semaine, et ils ont immédiatement attaqué des postes de police et des institutions chrétiennes. Parmi ces cibles se trouvait une péniche sur le Nil appartenant à des chrétiens, dans laquelle deux hommes - dont un musulman - ont été brûlés vifs. Dans l’ensemble, les ONG étrangères estiment maintenant que 121 hommes ont été abattus sur la place Ramsès le vendredi, et que la police a utilisé une mitrailleuse pour tirer sur la foule, guidée par des caméras de télévision attachées à ses véhicules.
Dans le monde à l’envers qui est celui de l’Égypte à présent, certains coptes en Haute-Égypte ne blâment pas les musulmans pour la destruction de leurs églises, mais le président Obama. Une rumeur très répandue ici est que Obama a un frère musulman, et que c’est une des raisons pour lesquelles les États-Unis ont soi-disant soutenu la Fraternité...
Les journalistes égyptiens que je rencontre dans les rues du Caire se plaignent tous qu’ils ne peuvent plus écrire librement, bien que - pour garder équilibré le livre des accusations - il faut se rappeler que plus d’auteurs ont été poursuivis sous le gouvernement de Mohamed Morsi que dans les 185 dernières années de l’histoire égyptienne.
Parmi les quelques voix journalistiques conservant un minimum de bon sens, il y a Emad Eddin Hussein dans le journal Al-Shorouk. Écrivant à propos des 36 prisonniers assassinés dans le camion de police la semaine dernière, il dit que « les Frères musulmans peuvent avoir commis de nombreux crimes ou avoir lavé le cerveau de nombreux civils, mais cela ne justifie pas leur mort ... Le gouvernement égyptien doit veiller au comportement des policiers, dont certains ont agi de façon très agressive envers les partisans des Frères musulmans au cours des derniers jours ».
C’est un euphémisme. Les types de la sécurité d’État se comportent de façon impitoyable, exactement comme à l’époque de Moubarak, assistés en cela - comme en 2011 - par des hommes de main et d’anciens détenus lancés contre les manifestants avec des club et des barres de fer. Donc, si Moubarak ffinit par émerger des coins reculés de la prison de Tora - où ses ennemis de la Fraternité musulmane se retrouvent à présent - il se sentira comme chez lui dans l’Égypte d’aujourd’hui.
* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.
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21 aout 2013 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar