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Patience et résistance

mercredi 5 décembre 2012 - 07h:53

Abdel Bari Atwan

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Il était merveilleux de voir les scènes de liesse dans les rues de Cisjordanie et de Gaza après le vote de jeudi à l’Assemblée Générale des Nations Unies, pour faire de la Palestine un État avec statut d’observateur’. Pour une fois, le peuple palestinien était uni dans la joie plutôt que dans la peine.

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Novembre 2012 - De jeunes Palestiniens font le signe de la victoire pendant une manifestation à côté de la barrière de sécurité séparant Gaza de l’État sioniste, à l’est de Khan Younès, au sud de la Bande de Gaza - Photo : AFP/Said Khatib

Qu’une très large majorité d’États membres - 138 sur 193 - ait soutenu la requête palestinienne et reconnu officiellement la Palestine comme nation, était un succès diplomatique pour Mahmoud Abbas, l’ex-président de l’Autorité nationale palestinienne [AP]. Mais ne soyons pas trop enthousiastes, car ceci est seulement la première étape d’un chemin encore très long pour imposer les pleins droits du peuple palestinien victime de dépossession.

Neuf pays, dont les États-Unis, Israël et le Canada, ont voté contre la reconnaissance de la Palestine tandis que la Grande-Bretagne et l’Allemagne étaient parmi les 41 États qui se sont abstenus. Il est regrettable que ces pays puissants et influents n’aient pas voté pour la justice et les droits de l’homme, préférant s’aligner avec l’oppression israélienne, le vol de la terre,le renforcement de la colonisation, le mur d’apartheid, le siège imposé aux habitants de Gaza et l’assassinat de leurs enfants.

La Grande-Bretagne a fait la proposition de voter pour la Palestine à condition que les Palestiniens acceptent de ne pas s’emparer de quelques-uns des privilèges que son nouveau statut lui confère, dont l’accès à la Cour Pénale Internationale. Les États-Unis et la Grande-Bretagne disent craindre qu’Israël ne soit déféré devant l’ICC pour crimes de guerre, tout en affirmant dans le même temps qu’Israël n’a jamais commis aucun crime de guerre. Une vue tout à fait biaisée de la justice internationale que ces mêmes pays sont censées faire respecter.

Gagner le statut d’État observateur,n’implique naturellement pas que l’État de Palestine existe réellement. Nous n’en sommes pas plus proches que lorsque l’OLP a obtenu la première fois en 1974 le statut d’observateur aux Nations Unies comme entité représentative du « peuple de Palestine ».

Les États-Unis et la Grande-Bretagne sont tous les deux des membres permanents du Conseil de sécurité, détenant le droit de veto. Le Conseil de sécurité doit approuver toute proposition pour une pleine adhésion aux Nations Unies. En septembre dernier, Abbas avait sollicité la pleine adhésion - ce qui serait la prochaine étape logique pour les Palestiniens - mais le soufflet était vite retombé après que États-Unis aient menacé d’user de leur droit de veto.

Israël a déjà exprimé sa colère face à la décision de jeudi, en annonçant la construction de 3000 unités d’habitations supplémentaires dans les colonies juives en Cisjordanie, et en annonçant également la poursuite de son programme d’apartheid et de bantustanisation, dans le style de l’ex-Afrique du sud, afin de détruire dans l’œuf tout État palestinien.

Les représailles au niveau financier ont rapidement suivi. Quand la Palestine est devenue l’année dernière un membre à part entière de l’UNESCO, les États-Unis ont retenu presque un quart de leur aide annuelle de 200 millions de dollars à l’AP. Le Canada contribue au même budget pour 300 millions de dollars sur cinq ans, et il menace de ne pas les renouveler. Quant à Israël, il perçoit les taxes douanières [en lieu et place des Palestiniens] pour un montant de 1 milliard de dollars annuels qu’il peut à tout moment refuser de reverser. Il a déjà laissé entendre qu’il déduira 160 millions de dollars qui selon lui, sont dus par l’AP en factures impayées d’électricité.

Mais je ne veux pas dire que ce vote historique est sans avantages. Le niveau de soutien obtenu à l’Assemblée Générale montre la position de la forte majorité de la communauté internationale à l’égard de la Palestine. Cet élan peut être une arme dans la lutte pour la justice et la terre. Le projet de résolution a souligné « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans un État de Palestine, sur les territoires palestiniens occupé depuis 1967 ».

En conséquence, les colonies Israéliennes, toutes illégales au regard du droit international, ne doivent plus être mentionnées dans les médias et les documents diplomatiques en tant que « territoires contestés » mais comme « territoires occupés ». La résolution traite également des questions au cœur de la cause palestinienne : les réfugiés, Jérusalem occupé, les colonies, les frontières, la sécurité et l’eau.

Le droit nouvellement acquis de faire comparaître Israël devant l’ICC doit être immédiatement exploité par les Palestiniens, avec l’utilisation de toutes les preuves à leur disposition, particulièrement celles contenues dans le rapport Goldstone sur le conflit à Gaza del’hiver 2008-09 dans lequel nombre de crimes de guerre et violations des droits de l’Homme ont été recensés. Israël peut également être jugé responsable à l’ICC pour sa colonisation qui est clairement une infraction au droit international.

Un autre résultat positif du vote de jeudi à l’ONU pourrait être l’espoir d’une relance del’unité nationale. palestinienne. L’agression sur Gaza qui a précédé, et qui a vu au moins 160 Palestiniens assassinés, a ramené le Hamas sur le devant de la scène. Le mouvement du Hamas avait refusé de soutenir la demande d’une plein adhésion à l’ONU l’année dernière, mais cette fois autour, son responsable Khalid Mesha’al a surpris le chef de Fatah ainsi que les commentateurs, quand il a personnellement téléphoné à Abbas pour exprimer l’appui de son mouvement… quoique à la condition ô combien raisonnable que cela ne signifierait aucune concession sur les droits fondamentaux des Palestiniens.

L’OLP reste le représentant internationalement reconnu du peuple personnes à l’ONU. Le Hamas et le Fatah doivent travailler ensemble dans ce cadre, en réactivant l’organisation et en l’exploitant pour la réconciliation nationale et pour présenter un front uni, au niveau international et dans toutes les futures négociations avec Israël.

Par le biais de l’OLP, toutes les factions peuvent adopter une approche consensuelle sur un éventuel processus de paix, qui ne pourrait être repris qu’à la condition qu’Israël gèle ses activités de colonisation et mette en application toutes les résolutions de l’ONU concernant la Palestine, particulièrement la Résolution 194 qui garantit le droit des Palestiniens réfugiés de retourner dans leurs maisons et leurs terres.

Le vote aux Nations Unies sanctionne des décennies de patience et de résistance de la part des Palestiniens, depuis que l’ONU - à la même date fatidique du 29 novembre - a elle-même voté en 1947 en faveur d’une division de la Palestine entre États juif et arabe.

En conclusion, la Palestine est, d’un point de vue de politique générale, sur une trajectoire ascendante.

Quant à Israël, il sera à présent placé sous une observation internationale renforcée en raison du vote à l’Assemblée générale des Nations Unies, et s’il persiste à violer les droits de l’Homme, à pratiquer le racisme, la purification ethnique et à mépriser le droit international, il se retrouvera relégué au statut d’État paria, avec très peu d’amis.

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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1e décembre 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.bariatwan.com/english/?p=412
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar


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