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Gaza paye pour un crime commis par d’autres !

mardi 14 août 2012 - 06h:20

Amira Howeidy

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Le responsable du bureau politique du Hamas, Moussa Abu Marzouk, a déclaré à Amira Howeidy qu’il soupçonnait Israël d’avoir infiltré le groupe terroriste qui a tué 16 gardes-frontières égyptiens à Rafah.

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La traversée de la frontière reste pour les Palestiniens une affaire complètement aléatoire, jamais assurée comme un droit élémentaire, mais soumise au bon vouloir de l’armée égyptienne - Photo : Getty

Après le meurtre de 16 gardes-frontières égyptiens au point de passage frontalier d’Al-Masoura à Rafah, le responsable du bureau politique du Hamas, Moussa Abu Marzouk - installé au Caire depuis que la direction du Hamas en exil a quitté son siège à Damas - se retrouve lui-même dans l’ ?il du cyclone.

Bien qu’aucun élément n’ait été donné pour identifier les auteurs de l’attaque - dont plusieurs ont été tués dans des frappes aériennes israéliennes - les médias égyptiens n’ont pas tardé à imputer le massacre à des Palestiniens de la bande de Gaza et, par extension, au Hamas.

Un communiqué publié par le Conseil suprême des Forces armées (SCAF), le lundi qui suivit l’attaque, pointait du doigt une implication palestinienne, affirmant que l’assaut avait été accompagné de tirs de mortier par « des éléments de Gaza » dans la zone autour du passage frontalier de Karam Abu Salem contrôlé par les Israéliens.

« Comment cela serait-il possible ? » demande Abou Marzouk, très mécontent. « Ils ne sont pas au même endroit. »

Al-Masoura et Karam Abu Salem, fait-il remarquer, sont à cinq kilomètres de distance.

La déclaration de l’armée, dit-il, contenait des « inexactitudes ».

« Je suis en mesure d’affirmer qu’il n’y avait pas d’éléments venus de la bande de Gaza et impliqués dans cet attentat terroriste. »

Selon Abou Marzouk, une enquête approfondie par les agents de sécurité du Hamas dans la bande de Gaza sur la circulation transfrontalière, avant et le jour même de l’agression, n’a rien révélé qui permette d’étayer l’affirmation du SCAF.

Le dossier palestinien a longtemps été traité par les services égyptiens du renseignement, dont le nouveau chef Murad Mowafi, semble être plus populaire que son prédécesseur, du moins aux yeux du Hamas.

Abou Marzouk déclare aussi que le Hamas a transmis sa position sur l’agression aux responsables du renseignement. « Je pense qu’ils sont compétents, qu’ils disposent d’informations suffisantes et sont pleinement conscients de ce qui se passe. »

La possibilité d’une infiltration israélienne dans le groupe qui a effectué l’attaque ne peut être écartée, insiste Abou Marzouk. Le fait que le chef du bureau politique du Hamas soit si catégorique sur ce point, suggère que les services égyptiens du renseignement ont probablement eux-mêmes retenu cette possibilité.

Les responsables militaires ont déclaré que l’attaque s’est produite alors que les gardes-frontières étaient sur le point de rompre leur jeûne du Ramadan. Trente cinq hommes armés ont attaqué le poste frontière, tuant 16 soldats avant de voler deux véhicules blindés. Un des véhicules s’est enlisé dans les dunes de sable tandis que le second est parti à l’assaut vers la frontière avec Israël. L’armée israélienne a déclaré avoir frappé les assaillants avec les forces aériennes. Il est difficile de savoir combien d’hommes armés ont été tués, ou le cas échéant combien ont réussi à s’échapper.

Abou Marzouk trouve plusieurs similitudes entre la dernière attaque et celle du 17 août 2011, lorsque six gardes-frontières égyptiens ont été tués par des tirs israéliens près de Taba.

Les deux attaques ont eu lieu dans le mois de Ramadan. Lors de l’incident de l’an dernier, les forces israéliennes d’occupation s’étaient lancées à la poursuite d’un groupe qui s’était infiltré dans le sud d’Israël et avait tué huit Israéliens. Israël poursuivait neuf militants, dit Abou Marzouk. Comme les assaillants de cette semaine, leurs visages étaient masqués, et ils ne portait aucune pièce d’identité. Leurs corps ont été remis aux autorités égyptiennes, mais jusqu’à présent leurs identités restent un mystère.

« La différence cette fois-ci », affirme Abou Marzouk, « tient à la probabilité que l’attaque d’Al-Masoura ait été manipulée par Israël. »

« Tout d’abord les assaillants ciblent des gardes-frontières égyptiens, puis ils se dirigent en Israël pour découvrir qu’ils sont très, très exposée à la force aérienne israélienne qui les tue instantanément tous. Puis vous voyez Israël se vanter de sa victoire sur un groupe terroriste. »

« Au lieu d’arrêter les militants, ou au moins de tenter de le faire, Israël a choisi de les tuer, ce qui rend toute identification extrêmement difficile. L’armée d’occupation israélienne a bombardé et complètement détruit le véhicule conduits par les assaillants, laissant très peu d’éléments aux enquêteurs égyptiens voulant retrouver son origine. »

L’opération israélienne, dit Abou Marzouk, était tout sauf impulsive.

« Les auteurs pourraient être des extrémistes islamistes, mais la possibilité que certains d’entre eux soient des agents infiltrés par Israël demeure forte. » Alors que Tel-Aviv projette une image de professionnalisme et d’efficacité dans le renseignement, soulignant à plusieurs reprises qu’il avait émis des avertissements d’une attaque terroriste imminente dans la région, « il atteint ses objectifs en ce qui concerne l’Égypte ».

Le passage frontière de Rafah a été fermé immédiatement après l’opération.

« Le public égyptien est mal renseigné sur la situation à Gaza et le résultat final est la punition collective de la population de Gaza », qui vit sous blocus israélien depuis 2007. Abou Marzouk affirme qu’il y a « des milliers » de Palestiniens bloqués dans les aéroports, y compris 1200 pèlerins à Djeddah, qui ne peuvent pas retourner à Gaza à la suite de la fermeture.

Mais qui sont ces groupes militants « islamistes », « djihadistes », « extrémistes » « salafistes » qui ont été mis en avant depuis l’attaque ?

Abou Marzouk met en garde de ne pas prendre ces rapports trop au sérieux. Global Jihad, le Conseil de la Choura des Moudjahidins et les Soldats de l’Islam pourraient simplement être un seul et même groupe, dit-il. « Il faut quatre ou cinq personnes pour former ce genre de groupe. Ils se donnent un nom, pour ensuite en changer. »

Depuis sa prise de contrôle de Gaza en 2007, le Hamas a été confronté à un certain nombre d’incidents dans lesquels des groupes islamistes radicaux ont enlevé des étrangers. Il a réussi à libérer un journaliste de la BBC détenu par l’Armée de l’Islam en 2008, mais l’année dernière, il a échoué à obtenir la libération d’un militant italien. Vittorio Arrigoni a été assassiné l’an dernier, prétendument suite à l’arrestation par le Hamas d’un religieux musulman radical.

Mais de tels incidents, dit Abou Marzouk, restent exceptionnels. Les groupes salafistes violents représentent peu de chose « et comportent probablement guère plus que quelques individus ».

« Gaza n’est pas la source de cet extrémisme. Celui-ci est exporté vers la bande de Gaza, et le Sinaï n’est qu’un passage. »

Ce n’est pas la version des médias égyptiens.

Leur couverture a fourni peu d’éléments d’information, et elle a mis l’accent sur un sentiment anti-palestinien qui était une caractéristique de l’ère Moubarak. Il n’y a eu aucune discussion sérieuse sur l’échec des forces armées égyptiennes et des agences de renseignement pour prévenir une telle attaque dans une zone de sécurité sensible.

Abou Marzouk met en garde contre la « désinformation » dans les articles sur l’attaque. Une des théories les plus répandues à ce jour est que la décision du président Mohamed Morsi « d’ouvrir » le poste frontière de Rafah aurait permis un accès aisé vers l’Égypte à des extrémistes.

« Permettez-moi d’être clair », dit Abou Marzouk. « La politique concernant la frontière de Rafah n’a pas changé depuis l’éviction de Moubarak. » La seule évolution positive est que plus de Palestiniens sont autorisés à traverser chaque jour, « quand le passage est ouvert ». De 350 à 450 par jour, le nombre a augmenté à environ 1000.

« Ceci est le cas depuis que le SCAF a pris le pouvoir dans le sillage de la révolution, bien avant que Morsi n’ait remporté les élections. »

Le nombre de Palestiniens autorisés à traverser a augmenté, mais tout le reste demeure identique. La frontière s’ouvre de façon irrégulière et la nourriture, le matériel médical et les fournitures de base ne sont pas autorisés à passer, mais sont détournés, selon la demande d’Israël, vers la frontière de Karam Abou Salem qu’Israël contrôle.

Bien que le passage de Rafah ait été peu affecté par la disparition de Moubarak, les relations du Caire avec le Hamas et d’autres organisations de la résistance se sont considérablement améliorées. Abou Marzouk vit maintenant au Caire avec sa famille, ce qui aurait été inconcevable avant l’élection de Morsi. Et Ismail Haniyeh, Premier ministre issu du Hamas et longtemps ignoré par Moubarak, s’est vu dérouler le tapis rouge au Caire il y a juste deux semaines.

Si Abou Marzouk a raison et si Israël a été impliqué dans l’attaque, quel genre de message Tel-Aviv envoie-t-il ?

« Ce n’est pas seulement un message. C’est une tentative de saboter tout ce qui s’est passé de positif : les tentatives d’allégement du blocus de Gaza et la façon dont l’Égypte va gérer le dossier palestinien à l’avenir. Il y a le Sinaï, l’avenir de l’accord de paix israélo-égyptien. Israël veut maintenir le statu quo d’avant la révolution. Leur implication possible dans l’attaque de Rafah doit être comprise dans ce contexte. »

De la même auteure :

- Mavi Marmara, et après - 25 juin 2010
- Adieu le Fatah ? - 9 août 2009
- Israël fait obstacle à l’enquête des Nations-Unies à Gaza - 16 juin 2009
- « Le crime des crimes » - 1° février 2009
- Nouvelle réalité et vieux dilemme - 9 février 2008
- Définir qui est l’ennemi - 26 avril 2007

9 août 2012 - Al-Ahram - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2012/111...
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach


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