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Adieu le Fatah ?

dimanche 9 août 2009 - 08h:02

Amira Howeidy

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Une seule question plane sur la première Conférence générale par le Fatah depuis 20 ans. A quoi doit-il encore servir ? Il n’y a pas de réponse facile, écrit Amira Howeidy.

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Le temps des épigones - Sous l’oeil inquisiteur mais impuissant d’Arafat, Abbas liquide-t-il ce qu’il restait du Fatah comme organisation de la résistance palestinienne ? - Photo : AP

Il y a près de cinq décennies, le Fatah est devenu une icône de la résistance armée contre l’occupation israélienne. Sous la direction de Yasser Arafat, le mouvement qui a lancé sa première opération militaire en Janvier 1965, a grandi jusqu’à contrôler l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), « seul représentant légitime du peuple palestinien » comme en avaient décidé les chefs d’Etats arabes en 1974 au sommet de Rabat.

Trente-cinq ans et plusieurs accords de paix » après, la charte de l’OLP a été modifiée afin de reconnaître le droit d’Israël à exister et renoncer au « terrorisme » (c’est-à-dire à la résistance), lorsque Yasser Arafat, en sa qualité à la fois de chef du Fatah et de l’OLP, et de président, a approuvé le véritable labyrinthe qu’étaient les Accords d’Oslo entre Israël et les Palestiniens et censés aboutir à un « accord de paix ».

En est résulté l’Autorité palestinienne (AP), mise en place en 1994 et également dirigé par Arafat, mandatée pour représenter l’OLP dans les « négociations de paix » et « contrôler » - pour le compte des Israéliens - certaines zones dans les territoires occupés de Cisjordanie et Gaza. L’AP était aussi chargée de désarmer la résistance. Dans le même temps les négociations se sont poursuivies de même que la construction des illégales colonies israéliennes dans les territoires contrôlés par l’AP.

Pas tout à fait à l’aise dans sa volte-face, Arafat a commencé à traîner des pieds en ce qui concernait les concessions palestiniennes. Pour cette raison, en 2002, il a été de fait placé sous séquestration à domicile par Israël jusqu’à sa mort en 2004. Presque inévitablement, des rumeurs selon lesquelles il a été empoisonné ont commencé à circuler, pointant du doigt certains de ses collaborateurs. Aucune enquête n’a eu lieu.

Son successeur, Mahmoud Abbas (Abu Mazen), a repris la présidence de l’Autorité palestinienne et la direction du Fatah. Et c’est Abbas qui est la prétendue star du Fatah pour les quatre jours de sa sixième Conférence générale, la première depuis 20 ans.

Tout comme des questions ont commencé à être posées sur l’après-Oslo et la pertinence de l’OLP, le rôle du Fatah est remis en question aujourd’hui.

À la mi-Juillet, un des membres fondateurs du Fatah et commandant en second du mouvement, Farouk Kaddumi, a accusé Abbas et Mohamed Dahlan, l’ancien chef de la sécurité à Gaza, d’avoir comploté avec Israël pour empoisonner Arafat. Les accusations de Kaddumi ont été rejetées par Abbas qui a néanmoins promis de mettre en place une commission d’enquête pour étudier les allégations. Le calendrier choisi pour la bombe lancée par Kaddumi, quelques semaines seulement avant la conférence prévue du Fatah, était clairement destiné à contrecarrer la réunion devant se tenir dans la partie occupée de Bethléem.

De nombreux hauts responsables du Fatah ont été empêchés par Israël d’entrer dans les territoires occupés pour participer aux travaux de la conférence. Pendant ce temps, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a interdit à quelques 350 délégués du Fatah d’aller à Bethléem en annonçant qu’ils pourraient s’y rendre si les forces de sécurité d’Abbas libéraient plus de 800 membres du Hamas détenus dans les prisons de Cisjordanie.

Le porte-parole du Hamas accuse l’Autorité palestinienne de torturer ses prisonniers, dont certains sont morts en cours de garde à vue.

Cet étrange contexte ne pourrait guère être plus différent du contexte unitaire qui prévalait dans les années 1960. Rien d’étonnant donc à ce que les médias arabes aient consacré tant d’espace pour statuer sur la fin du Fatah. Les préparatifs du sixième congrès ressemblaient a rien de plus qu’une longue messe de requiem.

Abdel-Bari Atwan, rédacteur du journal Al-Qods Al-Arabi basé à Londres, a écrit que le congrès marquait la fin définitive du « vieux Fatah », une organisation qui durant 40 ans « a conduit avec honneur la lutte des Palestiniens ». Il note que « c’est la première fois dans l’histoire qu’un mouvement de libération nationale se réunit en congrès sous les canons de l’occupant et avec sa bénédiction ».

Alors que « le Fatah historique » conservait ses objectifs, écrit un des premiers analystes palestiniens, Bilal Al-Hassan, dans un commentaire publié sur le site Internet Aljazeera.net, le Fatah d’aujourd’hui « a de nouveaux et différents objectifs », dont l’un est « la fin ... de la résistance palestinienne à l’occupation ».

Le Fatah de l’après-Arafat, concocté à Bethléem aujourd’hui, soutient-il, cherche à créer un cadre qui permettra de convertir le mouvement en un parti de pouvoir dans l’administration et dans l’économie « et non [en parti] de libération nationale ».

Afin d’assurer cette nouvelle entreprise, il lui faut un nouveau dispositif de sécurité en place et une complète absence de combattants de la liberté. D’où la « parfaite » coopération, selon Al-Hassan, entre l’Autorité palestinienne et l’administration américaine par l’intermédiaire du coordonnateur le lieutenant-général Keith Dayton.

Un troisième objectif de ce congrès, selon Al-Hassan, est de liquider de leurs postes les fonctionnaires affiliés aux institutions de la résistance palestinienne et de les remplacer par des employés apolitiques. Le changement, souligne-t-il, est déjà facilité par une nouvelle loi sur la promotion de la retraite anticipée. « Et pour finir, une ordonnance [sortira] qui acceptera ce qu’Israël offre aux Palestiniens, indépendamment de leurs droits légitimes et de leurs revendications. »

On est bien loin des origines du Fatah.

« Cette conférence liquidera ce qui restait du Fatah », estime Abdel-Qader Yassin, un analyste palestinien basé au Caire. « Il est complètement impossible qu’un congrès organisé sous occupation adopte des résolutions soutenant la lutte armée et de la libération de la Palestine. »

La conférence verra l’élection de nouveaux membres dans les organes directeurs - au conseil « révolutionnaire » (composé de 100 participants), et au comité central de 21 membres - de nombreux participants à ces instances ayant été tués ou étant simplement décédés au cours des 20 années qui séparent la cinquième conférence générale du Fatah à Tunis de la sixième qui a lieu aujourd’hui à Bethléem.

Yassine estime que le chef de file du Fatah, Abbas, a opté pour la tenue de la conférence à Bethléem car il savait qu’Israël interdirait la présence de dirigeants du Fatah en exil opposés à sa politique.

Techniquement, le Fatah et l’OLP sont des entités distinctes, bien que la direction de Yasser Arafat ait toujours pris des mesures pour rendre floue la séparation.

Salman Abu Sitta, membre du Conseil National Palestinien (CNP), l’organe législatif suprême de l’OLP, insiste sur le fait que tandis « qu’il est vrai que le Fatah a joué un rôle majeur dans la croissance de l’OLP, l’OLP et le PNC ne sont pas une seule et même entité ».

Si le Fatah finit de se décolorer à la suite des divisions et des dissensions, l’OLP et plus important encore le PNC doivent être préservés car, dit Abou Sitta, « il est le seul représentant légitime du peuple palestinien ».

Du même auteur :

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- « Le crime des crimes » - 1° février 2009
- Nouvelle réalité et vieux dilemme - 9 février 2008
- Définir qui est l’ennemi - 26 avril 2007

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9 août 2009 - Al-Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/959...
Traduction : Claude Zurbach


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