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Nouvelle réalité et vieux dilemme

samedi 9 février 2008 - 06h:23

A. Howeidy, K. Amayreh, S. Assir

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Abbas, qui se montre bien tolérant à l’égard d’Olmert qui tue d’innocents civils palestiniens, devrait faire preuve d’un peu de tolérance envers le Hamas.

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Des soldats égyptiens travaillent à la fermeture d’un tronçon de la frontière entre Rafah, dans le sud de la Bande de Gaza, et l’Egypte. Le nombre de Palestiniens passant en Egypte a baissé à mesure que les forces de sécurité ont essayé de réparer les barrières que des militants avaient fait sauter il y a neuf jours. (photo : AFP)

La frontière entre l’Egypte et Gaza est lentement, mais sûrement refermée par les autorités égyptiennes avec l’assentiment, réticent il est vrai, du Hamas, maître effectif à Gaza.

Après le déferlement irrésistible de près de 700 000 personnes - sur le million et demi d’habitants que compte Gaza - sur la ville frontière de Rafah et son voisin immédiat, Arish, le calme est revenu. Les officiels égyptiens prévoient que toute la frontière sera à nouveau fermée dans les 48 à 72 heures.

Toutefois, ce qui ne sera sans doute pas remis en place est le bouclage israélien de Gaza, qui n’a guère soulevé de protestations dans le monde. Les responsables américains et israéliens ont exigé que l’Egypte referme simplement ses frontières et abandonne Gaza à son sort, mais les officiels égyptiens rétorquent qu’il est pratiquement impossible de maintenir le blocage du poste frontière comme le voudraient les règles internationales régissant le passage de Rafah. Ces règles stipulent la présence obligatoire d’observateurs et de gardes-frontière de l’Union européenne et de l’Autorité palestinienne lesquels ont quitté Gaza lors de la prise de contrôle par le Hamas en juin dernier.

« Israéliens et Américains peuvent dire tout ce qu’ils veulent. Ils savent que l’Egypte doit veiller à ses intérêts » a dit un officiel égyptien qui a demandé l’anonymat. Et, a-t-il expliqué, l’Egypte n’a certainement pas intérêt à oublier que la fermeture du passage de Rafah, ajoutée à la poursuite du blocus israélien de Gaza, aboutirait à une nouvelle irruption.

« Ce n’est qu’une question de temps avant que les Palestiniens ne refassent irruption à Rafah. Nous redoutons beaucoup ce scénario. Nous préférerions obtenir sans délai un mécanisme internationalement agréé pour le fonctionnement du passage de Rafah » a ajouté l’officiel.

Pour que l’Egypte puisse administrer rapidement et légalement ses frontières, il lui faut soit l’assentiment du Hamas afin de rétablir l’accord sur les frontières suspendu en raison de la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, soit un nouvel accord que les deux parties accepteraient et qui aurait l’aval d’Israël et de la communauté internationale. L’une et l’autre solution nécessiteraient toutefois un accord entre le Hamas et le Fatah, si ce n’est une totale réconciliation.

« Je demande à tous les Palestiniens, à toutes les factions, de prendre prioritairement en compte les souffrances du peuple palestinien » a dit le Président Hosni Mubarak au début de la semaine avant de convoquer une réunion de réconciliation entre le Hamas et le Fatah qui se tiendra au Caire.

Ce n’est pas la première fois que Mubarak lance aux Palestiniens un appel à la réconciliation. Ces derniers mois, l’Egypte a essayé de façon sporadique de colmater les nombreuses brèches dans les rangs palestiniens, mais sans succès.

Pourtant, cette fois-ci, Mubarak a lancé son appel à une réconciliation entre Palestiniens avec plus de fermeté. « Avant, l’Egypte voulait réparer les différends entre Palestiniens pour assurer l’unité palestinienne lors des négociations entre Palestiniens et Israël. A présent, elle veut bien davantage. Elle veut que les affaires et les divergences palestiniennes restent contenues dans les territoires palestiniens et ne débordent pas dans les territoires égyptiens comme nous l’avons vu la semaine dernière » a précisé l’officiel égyptien.

L’appel à l’unité palestinienne lancé par Mubarak a été ouvertement et indirectement critiqué par les officiels états-uniens et israéliens qui n’ont pas caché leur désir d’isoler et d’ostraciser le Hamas. Mubarak a toutefois été fermement soutenu par la Ligue arabe et mollement par les Européens.

Pour leur part, les officiels du Hamas se sont empressés de répondre favorablement à l’appel lancé par Mubarak pour un dialogue entre Palestiniens, et cela à plusieurs reprises. C’est le Président palestinien, Mahmoud Abbas qui a repoussé, presque brutalement, l’initiative égyptienne.

Après une réunion d’une heure avec le Président Mubarak au Caire, Abbas a annoncé mercredi aux journalistes qu’il n’y avait aucun progrès au niveau d’une réconciliation nationale. Il s’est montré plutôt inexplicablement arrogant et ferme dans son rejet des efforts égyptiens l’incitant à cesser d’exiger que le Hamas « rende Gaza » avant d’entreprendre tout dialogue de réconciliation.

En fait, Abbas ne s’est pas privé de critiquer durement le Hamas et a ouvertement monté l’Egypte contre la faction militante islamique palestinienne dont les dirigeants devaient arriver au Caire mercredi soir pour des entretiens avec des officiels égyptiens. Ces entretiens allaient traiter des solutions possibles pour le règlement du siège israélien, du dialogue entre Palestiniens, de la recherche d’un nouveau moyen de gérer le passage de Rafah ainsi que des rapports incontournables entre Gaza et l’Egypte.

Les officiels égyptiens ont été avertis par Abbas : il n’avait « nullement l’intention » de rencontrer les dirigeants du Hamas venus de Gaza, pas plus que Khaled Meshall, le dirigeant vivant à Damas, qui débarquait de la capitale syrienne ce jour-là. Ces officiels se rendaient bien compte du ressentiment d’Abbas envers le Hamas et n’étaient pas sans le comprendre. Toutefois, s’empressaient-ils d’ajouter, Abbas doit apprendre à s’accommoder du Hamas puisqu’il n’arrive pas à l’affaiblir. Le moins qu’Abbas puisse faire, disaient-ils, c’est de parler directement ou indirectement avec ses rivaux politiques islamiques sur la manière de traiter des problèmes quotidiens, le passage de Rafah se situant en tête de liste.

Le Caire craint vivement qu’en l’absence de coordination entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, le problème de Gaza ne retombe sur l’Egypte, de façon directe ou indirecte.

Le gouvernement du Premier ministre palestinien Ismail Haniyeh aurait proposé des arrangements pour le terminal frontalier de Rafah qui comporteraient des avantages économiques pour l’Egypte ; ce serait un palliatif pour empêcher l’effondrement de l’économie gazaouite sous la pression du siège décrété par Israël. « Nous voulons rompre les liens économiques de Gaza avec Israël et les faire reprendre par l’Egypte » a dit Haniyeh à Al-Ahram Weekly. « Nous ne craignons pas de rompre nos liens économiques avec Israël car ces liens ont provoqué l’effondrement économique de Gaza pendant le siège ».

Une telle proposition n’est pas sans précédent historique. L’Egypte a assumé le contrôle administratif de Gaza de 1948 à 1956 et de 1957 à 1967. Elle montre aussi que le Hamas est disposé à accepter le patronage de l’Egypte pour arriver à surnager malgré les pressions conjuguées d’Israël, des Etats-Unis et d’Abbas.

« Il est évident que l’occupant israélien veut que l’Egypte assume le fardeau de Gaza » a dit le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, au Weekly, ce qui rend crédibles les arguments selon lesquels la séparation entre Gaza et la Cisjordanie fait partie des objectifs stratégiques d’Israël visant à rendre impossible la création d’un Etat palestinien qui soit viable.

« Il faut savoir que la demande palestinienne d’un arrangement permanent avec l’Egypte ne mettrait en aucune manière fin aux responsabilités israéliennes à l’égard de Gaza, à savoir, la fin de l’occupation ».

« Nous ne tomberons pas dans ce piège » a dit une source égyptienne. Il a ajouté que l’Egypte ne peut pas faire face aux risques économiques, administratifs et sécuritaires que Gaza représente sans parler des complications juridiques nationales et internationales si Israël était libéré de ses responsabilités de puissance occupante ; il faut ajouter à cela le fardeau que constituerait pour l’Egypte le contrôle d’une population et de territoires étrangers. « Les Palestiniens doivent arriver à coordonner leurs actions entre eux » a ajouté l’officiel.

La coordination ressemble toutefois davantage à l’imposition d’un fait accompli. Selon le Ministre des affaires étrangères de l’Autorité Palestinienne [AP], Riyadh Maliki : « Le Hamas sera informé de cet accord et devra accepter la présence de la garde présidentielle palestinienne à la frontière. Telle est la position égyptienne qui nous a été transmise par le Ministre des affaires étrangères, Ahmed Abul-Gheit, et le chef des services de renseignements généraux, Omar Suleiman ».

Bien sûr, le Hamas n’est pas totalement opposé au déploiement du personnel de sécurité de l’AP aux points de passage. Le mouvement voudrait toutefois que ceci se fasse dans le cadre d’un train de mesures permettant au Hamas de participer à un contrôle élémentaire au point de passage. Le Hamas aimerait aussi que le retour des gardes de l’AP s’inscrive dans un processus plus large de réconciliation entre Palestiniens.

Pour sa part, Abbas ne semble pas suffisamment indépendant que pour s’accorder avec le Hamas, puisqu’une telle réconciliation, même si elle était tacite, incommoderait voire aliénerait ses commanditaires et ses partisans politiques, spécialement en Occident. Selon les assistants d’Abbas, l’initiative donnerait à Israël le prétexte pour se désengager des entretiens de paix avec les Palestiniens en dépit de la mauvaise foi qui entache ces entretiens, à preuve le résultat lamentable des nombreuses réunions à haut niveau entre Abbas et le Premier ministre israélien Ehud Olmert.

A la dernière de ces réunions tenue au début de la semaine, le dirigeant palestinien n’a pas obtenu qu’Israël assouplisse si peu que ce soit le siège rigoureux imposé à Gaza. Abbas sait très bien que la poursuite du blocus est la meilleure chance qui lui reste pour affaiblir le Hamas.

Certains diplomates arabes critiquent le fait qu’Abbas est devenu obsédé par sa volonté de faire sortir le Hamas de Gaza et par son incapacité à y arriver. Ils disent que le dirigeant palestinien, qui s’est montré bien tolérant à l’égard du dirigeant israélien qui tue d’innocents civils palestiniens, doit faire preuve d’un peu de tolérance envers son rival politique. Aux yeux de ces diplomates, les actions actuelles d’Abbas aboutissent seulement à mettre en veilleuse la lutte et les négociations palestino-israéliennes et l’impliquent exagérément dans une querelle inter palestinienne.

A Damas, la semaine dernière, la plupart des factions politiques palestiniennes, y compris le Hamas et même des membres du Fatah dirigé par Abbas, ont lancé une mise en garde dans le sens qu’il fallait se garder de remplacer la cause de l’indépendance palestinienne par l’appel à la lutte pour le pouvoir lancé par Abbas.

Selon Talal Naji, un des principaux organisateurs de la conférence, la réunion avait pour but de « faire face » aux dangers qui menacent la cause palestinienne à savoir : le transfert des Palestiniens hors des territoires occupés, l’expansion des colonies israéliennes, les accords de règlement USA-Israël et le « projet impérial ».

Les actuelles négociations secrètes entre l’AP et Israël se concentreraient sur la mise au point de concessions significatives de la part du côté palestinien, notamment le renoncement au droit au retour des réfugiés. « Nous, ici présents, ne sommes pas l’opposition palestinienne » a dit Meshall, dirigeant politique du Hamas. « Nous sommes partie intégrante de la légitimité palestinienne et du mouvement national ». Il a ajouté que le Hamas est attaché à un dialogue « inconditionnel » avec Abbas sous patronage arabe.

Selon Moussa Abu Marzouk, chef adjoint du bureau politique du Hamas, « cette conférence est un message à tous les Palestiniens, y compris à Abbas, disant que notre cause est très claire et que le but de libérer notre terre n’a pas changé ». Cette libération se produira par la résistance directe et sous les auspices de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a-t-il dit au Weekly.

Selon Meshaal « personne ne peut monopoliser la cause palestinienne, que ce soit le Hamas à Gaza ou Abbas en Cisjordanie ».

Le problème ne devrait pas se centrer sur le Hamas ou le Fatah. C’est ce que disaient beaucoup de Palestiniens à Rafah et à Arish cette semaine alors qu’ils se précipitaient pour faire leurs achats de biens essentiels avant la fermeture des frontières. « Ils devraient se soucier de nous. Nous souffrons. Nous endurons l’humiliation de l’occupation et les querelles entre les frères », a dit Randa, une Palestinienne qui rentrait à Gaza via Rafah.

Dina Ezzat au Caire et à Rafah.

Amira Howeidy à Damas

Khaled Amayreh à Jérusalem

Serene Assir à Gaza

31 janvier 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/882...
Traduction de l’anglais : amg


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