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Hassan Safadi toujours en grève de la faim après qu’Israël ait violé l’accord avec les prisonniers

vendredi 3 août 2012 - 12h:43

Linah Alsaafin

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Au total, Hassan Safadi a déjà passé 10 ans en détention administrative dans les prisons israéliennes, sans jamais avoir été officiellement condamné ni même inculpé.

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Tenant une photo de son fils en grève de la faim, la mère de Hassan Safadi parle aux journalistes dans Naplouse le 28 juin 2012 - Photo : Ahmad Al-Bazz/ActiveStills

Je suis de retour dans la vieille ville de Naplouse, par l’entrée d’Al-Hanbali. Passée la boucherie qui dans le temps montrait la tête tranchée d’une vache affublée d’une paire de lunettes de soleil, je tourne à droite et les murs sont soudainement couverts de drapeaux de la Palestine, d’affiches pour divers prisonniers, de photographies encadrées de Hassan Safadi et de Farid, son frère martyr, et de guirlandes de fleurs séchées.

Je suis à nouveau dans la maison de Hassan Safadi. Mais en dépit des promesses faites par les Israéliens de le libérer il y a un mois, il n’est pas ici. Il est toujours en prison et il vient de boucler son quarantième jour d’une seconde grève de la faim.

Aujourd’hui, Addameer et Médecins pour les droits de l’homme-section israélienne ont fait connaître leur grave préoccupation pour l’état de santé de Safadi et Samer al-Barq qui sont dans une nouvelle grève de la faim depuis 70 jours, et d’Ayman Sharawna qui vient de dépasser 30 jours.

La dernière fois que je me trouvais dans la maison de Safadi, c’était fin avril, quand il était à son cinquantième jour de grève. Je me souviens de sa mère fatiguée et lasse, de sa voix à peine audible, de l’épuisement qui marquait si profondément son visage. Elle refusait de s’alimenter par solidarité envers son fils, mais sa santé a soudain fortement décliné et elle dû être hospitalisée pendant quelques jours.

Après 71 jours sans nourriture, Hassan avait finalement cessé sa grève le jour qui suivit l’accord signé le 14 mai par le Service pénitentiaire israélien et le comité représentant les prisonniers grévistes de la faim. Selon l’accord, Safadi aurait dû être libéré fin juin.

Une jeunesse perdue en prison sans aucune accusation

Comme je l’écrivais pour Al Akhbar à l’époque, la jeunesse de Hassan jusqu’à aujourd’hui a été constellée de périodes d’incarcération :

Ce n’est pas la première fois qu’Hassan Safadi passe du temps dans les prisons israéliennes. Il a été arrêté une première fois quand il avait à peine 16 ans, en 1994. De 2007 à 2010, il est devenu la plus longue détention administrative dans une prison israélienne, sa détention étant renouvelée six mois après six mois.

Après sa libération, il a été arrêté par l’Autorité palestinienne pendant 48 jours et il a passé les cinq mois suivant à être régulièrement convoqué pour un interrogatoire.

Avant son arrestation par Israël en 2007, il avait déjà passé 43 mois en prison. Au total, Hassan Safadi a déjà passé 10 ans en détention administrative dans les prisons israéliennes, sans jamais avoir été officiellement condamné ni même inculpé.

« Toute la maison bourdonnait d’excitation »

« À 1h du matin, ce jour-là, nous avons reçu un appel téléphonique de Hassan depuis son lit dans l’hôpital de la prison de Ramle, » se rappelle sa mère à propos du jour où son fils a arrêté sa première grève de la faim.
« L’abattoir de Ramle... » murmura Fouad, le frère de Hassan.

« Nous avions déjà entendu les nouvelles qui disaient que la grève de la faim était finie, et je pleurais et priais pour que Hassan arrête sa grève et mange quelque chose, » a-t-elle poursuivi. « Il n’était pas certain que la grève collective de la faim soit finie, et je ne voulais pas manger en craignant que Mahmoud Sarsak et Akram Rikhawi refusent toujours la nourriture. Mais dans l’après-midi, l’avocat Jawad Boulos réussit à lui faire boire du thé. Mon bonheur était indescriptible ! »

Najiyeh, la s ?ur de Hassan a ululé longtemps et fort dans le téléphone quand son frère les a informés qu’il avait finalement mangé quelque chose. Les célébrations dans Naplouse allèrent jusqu’au Square des Martyrs au coeur de la ville et elle durèrent longtemps. Hassan avait triomphé de ses geôliers. Selon l’accord, sa détention administrative n’allait pas être renouvelée et il était alors prévu qu’il soit libéré le 29 juin 2012. Le comité des grévistes de la faim assura à sa mère qu’elle verrait son fils à la maison ce jour-là.

« J’ai étalé des feuilles fraîches sur son lit, » raconte la mère de Hassan. « J’ai préparé de nouveaux vêtements pour qu’il les porte à son retour à la maison. J’étais si heureuse. Je voulais aussi l’emmener à la maison de sa fiancée et préparer le mariage. Toute la maison bourdonnait d’excitation. »

Israël rompt l’accord

Un jour, vers la mi-juin, la mère de Hassan était assise seule dans la maison, écoutant la radio. Comme elle changeait de station, elle entendit Issa Qaraqe, le ministre des prisonniers de l’AP à Ramallah, terminer la phrase « ... avec le renouvellement de la détention administrative du prisonnier Hassan pour une autre période de six mois... » avant que les publicités ne prennent le relais.

Elle se mit à tourner tout autour de la maison comme un animal en cage, se sentant abasourdie. « Issa Qaraqe n’a pas dit ’Hassan Safadi’, il a juste dit Hassan. Je n’arrêtais pas de penser, ’pas mon Hassan, pas mon fils’. Pourrait-il en être ainsi ? Le communiqué de Thaer Halahleh le 5 juin nous avait donné encore plus d’espoir et l’assurance que Hassan serait libéré le 29. Je n’arrêtais pas de penser ’Hassan, Hassan, quel Hassan ?’ Je suis presque devenue folle. »

Plus tard ce même jour, Fouad marchait dans la maison avec la marque d’une très grande colère dans les yeux. Pour sa mère, ce fut la confirmation que la détention de Hassan était renouvelée.

« Je veux mon fils »

« Ce fut un choc qui m’a paralysée, » raconte la mère. « Je ne pouvais pas penser, manger ni même bouger. Quand j’ai enfin réussi à reprendre mes sens, je voulais courir à l’extérieur dans les rues et crier. » Sa voix enfla. « Bidee Ibni ! Je veux mon fils ! Je n’aime pas les communiqués de presse ou des déclarations des officiels ! Je ne pas lire ni écrire ! Pensent-ils que c’est un jeu, un jeu d’enfants ? Que pense donc l’Égypte ? Nous avons eu des garanties du médiateur égyptien qui a fait pression sur les grévistes de la faim pour qu’ils arrêtent, assurant que nos fils seraient libérés ! »

Farid, âgé de quatre ans, le fils de Najiyeh et appelé ainsi en honneur de son oncle martyr, se promenait avec un tee-shirt sur lequel est imprimé le visage de son oncle. Le maillot lui descendait au-dessous de ses genoux et il semblait qu’il l’avait porté pendant plusieurs jours. Il grimpa sur les genoux de Fouad et colla ses boucles blondes collées contre la poitrine de celui-ci, ignorant tout le monde dans la pièce.

« Des protestations doivent être organisées en face de l’ambassade d’Egypte, » dit Fouad. Fouad est quelqu’un qui se calme rapidement et son attitude en générale prudente se reflète dans sa posture silencieuse, mais toujours en alerte. Il ne mâche cependant pas ses mots en parlant des officiels de l’AP de Ramallah.

« Fouad, sois prudent, la fenêtre est ouverte, » avertit sa mère.

Il hausse les épaules. Il était à deux doigts de s’en prendre physiquement à Fares Abu Hasan, l’avocat qui était censé assurer le suivi du cas de Hassan.

« L’attitude de l’avocat à l’égard de ma mère quand elle lui a demandé plus de nouvelles était insultant pour dire le moins. Je suis allé à sa maison et j’ai constaté qu’il s’était enfui à Amman, en Jordanie pour deux semaines. » Il regarda sa mère avant d’ajouter : « Cela vaut mieux pour lui. »

Safadi entame une nouvelle grève de la faim

Hassan a immédiatement relancé sa grève de la faim dès qu’il apprit le renouvellement de sa détention. Il était dans la prison de Hadarim à ce moment-là, et il a rapidement été placé en isolement une fois que le Service pénitentiaire d’Israël a été informé de sa nouvelle grève de la faim. Il a été transféré à l’hôpital de la prison de Ramleh, le mardi 10 juillet, où il est depuis en isolement.

Ce soir, Hassan Safadi, âgé de 33 ans, est entré dans son 41e jour de sa nouvelle grève de la faim, et il reste toujours en isolement. Selon le dernier examen par les médecins indépendants de PHR-Israël, il souffre de problèmes rénaux, de troubles de la vision, d’une faiblesse extrême, d’une perte de poids sévère, de maux de tête, de vertiges, et il a d’extrêmes difficulté à rester debout.

« Nous étions à cent pour cent sûr que Hassan allait être libéré, » dit sa mère. « Je continue d’espérer qu’il sera libéré. »

Lettre de Hassan à sa famille

Ci-dessous la lettre envoyée par Hassan à sa famille quand il était sur ​​son 22e jour de sa seconde grève de la faim.

D’abord, je tiens à vous remercier, chère et merveilleuse mère, pour votre lettre dont chaque mot a pénétré mon c ?ur et m’a plongé dans le bonheur, l’amour et la tendresse. Je suis béni d’avoir une mère comme vous. S’il vous plaît, remerciez tous ceux qui se tiennent solidaires et prient pour moi.

Ce qui a augmenté mon bonheur et mon contentement, c’est de lire que vous vous levez la tête fièrement à cause de moi ... J’espère que votre moral sera toujours aussi élevé, ô ma mère bien-aimée. En ce qui concerne l’attente de ma libération, souvenez-vous, ma mère, que nous sommes croyants.

Nous attendons la miséricorde de Dieu avec patience ... Le Prophète Muhammad a rapporté les paroles de Dieu, « je suis comme mon esclave pense ... » Quand vous pensez à ma libération, pensez positivement et si Dieu le veut, Il ne vous abandonnera pas et Il ne décevra pas vos attentes.

Grâce à Dieu, j’ai une mère comme vous, une croyante patiente qui prie pour moi avec son c ?ur, et je vous remercie chère mère pour la belle chanson que vous avez écrite et qui a réchauffé ma poitrine alors que j’en lisais les paroles ..

Félicitations à Nelli [la s ?ur de Hassan] pour ses jumeaux ... Je prie Dieu, pour qu’ils se dédient aux musulmans et à l’Islam et pour qu’ils reçoivent la meilleure éducation, et pour que leur vie soit meilleure que la nôtre.

Saluez Abu-Jamal et remerciez-le pour ses efforts, et saluez aussi Ayah et Amir et dites-leur qu’ils me manquent. Dites à tous ceux qui se sont souciés de moi que je les salue et que je prie pour eux.

Comme elle est belle la dernière ligne dans votre lettre ! « Dieu est avec vous, puisse-t-il vous protéger et prendre soin de vous ... Je vous laisse, confiante, entre ses mains. »

S’il vous plaît, ma mère, priez pour moi en particulier dans le mois de Ramadan, en vous servant toujours de ces mêmes mots.

Votre fils

* Linah Alsaafin, diplômée de l’université de Birzeit en Cisjordanie est née à Cardiff au pays de Galles et a été élevée en Angleterre, aux USA et en Palestine. Jeune palestinienne de 21 ans, à la fois de Gaza et de Cisjordanie, elle est active dans la résistance populaire non armée et blogueuse pour The Electronic Intifada.
Son site est : http://lifeonbirzeitcampus.blogspot.fr/

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30 juillet 2012 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach


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