La bataille des ventres vides : au nom de Thaer Halahleh
samedi 12 mai 2012 - 07h:36
Linah Alsaafin - Al-Akhbar
Le lundi 7 mai, la Cour suprême israélienne a rejeté les appels pour la libération de Thaer Halahleh et Bilal Thiab, qui sont emprisonnés par Israël sans inculpation ni jugement. Les hommes en sont à plus de 70 jours de grève de la faim.
Le père de Thaer est venu à Ramallah, depuis Hébron, et il est assis sous la tente de solidarité des prisonniers sur la Place de l’Horloge, avec une photo de son fils pendu à son cou. Sa fille Fathiya s’est assise à ses côtés, montrant une lourde inquiétude sur la dramatique situation de son frère.
La famille Halahleh a appris le rejet de l’appel devant la cour israélienne par les médias, avant que l’avocat Jamal Khatib ait eu le temps de les informer correctement. Shireen, l’épouse de Thaer a fait une dépression nerveuse et a dû être emmenée immédiatement à l’hôpital. La maison familiale a été remplie de visiteurs une fois que les nouvelles ont été connues, mais il y avait une décision générale de ne pas dire la vérité à la mère de Thaer à cause de sa santé fragile. « Nous sommes ici pour attendre la sortie de Thaer », était ce qu’on lui disait.
« La décision du tribunal était prévisible », a déclaré le père de Thaer. « C’était prévu de la part de l’occupation [israélienne]. Ils ont d’abord donné l’information aux médias pour que nous l’apprenions sans y être préparés, ce qui prouve tout simplement combien cette occupation mauvaise est déterminée à nous faire souffrir. »
La première fois que Thaer, âgé aujourd’hui de 33 ans, a été arrêté par l’armée d’occupation israélienne était juste avant sa dernière année au lycée. Il est resté détenu pendant trois mois sous le régime de la détention administrative, sans avoir été accusé de quoi que ce soit. En 1999, il fut de nouveau arrêté et condamné pour deux ans pour appartenance au groupe du Djihad islamique. En raison de ses fréquentes arrestations et du temps passé en prison, Thaer a seulement réussi à terminer une année à l’Université d’Hébron. Plus tard, il a ouvert un magasin de meubles d’occasion.
Selon Fathiya, Thaer a passé un total de dix ans dans les prisons israéliennes, la majorité en détention administrative. Il a été arrêté deux semaines après son mariage, et détenu pendant un an et demi. Cinq mois après sa libération, Thaer a été arrêté à nouveau, alors que sa femme était sur le point d’accoucher.
Le 14 juin 2010, juste après minuit, environ 30 soldats de l’occupation israélienne ont encerclé la maison de la famille Halaleh avant de l’investir avec trois chiens policiers. Les enfants ont été réveillés et ont été terrifiés par les chiens policiers que les soldats tenaient tout près d’eux. Le commandant militaire israélien d’Hébron était présent et a dit que tant qu’il restera commandant des forces militaires d’occupation dans Hébron, Thaer restera en prison.
Thaer a immédiatement reçu un ordre de six mois de détention administrative, qui a ensuite été renouvelé à plusieurs reprises.
Un mois plus tard, le 19 juillet, Thaer est devenu le père d’une petite fille, Lamar, mais il n’a pu la voir que plusieurs mois plus tard le 9 octobre, jour où une première visite de sa famille a été autorisée depuis sa dernière arrestation. Lamar a près de 2 ans maintenant, et elle ne connait son père que par des photos. Elle va dormir avec une photo de son père caché sous sa joue. Elle est convaincue qu’il y a un mariage tous les jours en raison de la tente de solidarité mise en place devant la maison familiale dans le village de Hébron Kharaas. Sa mère Shireen fond en larmes quand Lamar insiste pour porter une nouvelle robe chaque jour.
Shaher, le frère aîné de Thaer, a été condamné à une peine de dix-sept ans dans une prison israélienne, et il a fait dix ans et deux mois à ce jour. Lorsque Thaer a été arrêté en 2010, il a été transféré de la prison d’Ofer à Ramallah, puis de la prison d’Eshel à Bir Sabe’, puis à la prison dans le Naqab, où se trouve Shaher. Il leur a été absolument interdit de se voir l’un l’autre par le Service pénitentiaire israélien (IPS), même pour un court moment.
Récemment, l’IPS a voulu faire pression sur Shaher pour que Thaer mette fin à sa grève de la faim, et en réponse Shaher a commencé sa propre grève de la faim le 16 avril, en solidarité avec son frère. Thaer a été placé en isolement à de nombreuses reprises pour avoir conduit la prière du vendredi, ce que l’IPS considère comme « une incitation », et pour ses grèves de solidarité avec Khader Adnan et Hana Shalabi.
« Depuis son enfance, Thaer a toujours été attaché à la cause palestinienne », a rappelé son père. « Quand il était en cinquième année, il a écrit un grand essai sur son amour de la Palestine. Cela provient de ce que notre famille a toujours vécu sous l’occupation. »
Thaer signifie en arabe « rebelle ». Son grand-père a été emprisonné par Israël après la guerre de 1967, et le père de Thaer a également été arrêté à plusieurs reprises.
« J’ai été arrêté pendant la première Intifada et j’ai été emprisonné à l’époque où les prisonniers Bassam Samouri et Asad Shawa sont morts après une grève de la faim en 1988 », a déclaré le père de Thaer. « J’ai été arrêté à nouveau au cours de la deuxième Intifada et emprisonné pendant deux ans en détention administrative. »
Thaer est très proche de son père. « Je ne peux pas trouver les mots justes pour décrire mes sentiments à propos de mon fils ... C’est lui qui me ressemble le plus, à la fois par le physique et la personnalité. Il aime à donner aux gens, c’est une personne unique. Il est comme une chandelle pour ceux qui l’entourent. Il aime la vie, et il l’a dit clairement dans son audience devant le tribunal le 3 mai. »
En fait, les mots exacts de Thaer étaient : « Je suis un homme qui aime la vie, et je veux vivre dans la dignité. Aucun être humain ne peut accepter d’être en prison, même pour une heure, sans aucune charge ni raison. »
Le père de Thaer dit à présent : « Je demande à tous les détenus, en particulier les détenus administratifs, de participer à cette grève de la faim de masse qui est dans son 21e jour, non seulement pour mon fils, mais pour les sept autres grévistes de la faim qui sont entrés dans leur troisième mois sans nourriture. »
« Les Nations Unies ne se soucient pas des prisonniers palestiniens ou de la Palestine. L’ONU est un échec. Ils sont faibles et permettre à Israël d’agir en totale impunité, » ajoute-t-il.
« Mon fils Thaer a un caractère très fort et il est inflexible », poursuit son père. « Je m’attendais à ce qu’il continue sa grève de la faim même après avoir passé le cap de 70 jours. Je connais mon fils. Il a juré de poursuivre sa grève de la faim jusqu’à la liberté ou le martyre. Je dis à l’occupation, si vous tuez Thaer ou Bilal, un million de Thaer et Bilal se lèveront ! » Il s’interrompt. « Nous avons l’habitude d’écrire de la poésie, » avoue-t-il. « Je répète toujours ce verset dans mon esprit. »
Si notre amour pour la Palestine est un crime
Que le monde soit témoin du fait que nous sommes des criminels
Nous ferons que la roche comprenne si le peuple ne le fait pas
Et si le peuple se soulève, alors nous serons victorieux !
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Traduction : Info-Palestine.net - Naguib