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L’immigration ne joue plus un rôle moteur dans l’Etat hébreu

jeudi 27 décembre 2007 - 10h:02

Caroline Stevan/ Serge Dumont - Le Temps

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L’immigration juive vers l’Etat d’Israël n’a jamais été aussi basse depuis vingt ans. Le point avec un démographe...
"Une partie retournent chez eux, en France, aux Etats-Unis et quelques-uns en Russie. Les autres, nés en Israël, optent pour un pays développé comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie."

Quelque 19 700 juifs se sont installés en Israël en 2007. Selon un rapport publié lundi par le ministère de l’Intégration à Jérusalem, l’immigration a diminué de 6% par rapport à 2006. Pour Sergio Della Pergola, démographe à l’Université de Jérusalem, l’Etat hébreu doit désormais compter sur son taux de natalité pour se développer.

Le Temps : Comment expliquer cette baisse de l’immigration vers Israël ?

Sergio Della Pergola : L’immigration vers Israël est le reflet des conditions de vie des populations juives dans le monde. Les grands réservoirs d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont quasiment épuisés. Les principales communautés juives sont établies aujourd’hui dans des pays occidentaux où les conditions de vie sont favorables.

- D’où viennent ces 19 000 nouveaux migrants ?

- Il y a 6 500 personnes d’ex-URSS, 3 000 des Etats-Unis et du Canada, 2 600 de France ; 3 600 Ethiopiens sont également arrivés cette année, mais leur statut est discuté car ils descendent de juifs convertis. Ils doivent subir un rite de conversion avant de s’établir en Israël.

- Quelle est la part de migrants nonjuifs ?

- Environ 300 000 migrants non juifs sont arrivés depuis les années 1990. Notre loi d’immigration permet des regroupements entre époux, mais aussi avec les enfants et les petits-enfants. Cela représente un nombre conséquent de personnes ; environ 50% des ressortissants d’ex-URSS, par exemple, ne sont pas juifs.

- Combien d’Israéliens quittent le pays chaque année ?

- C’est plus difficile à dire car il n’y a pas de statistiques officielles. Les estimations tournent autour de 15 000. Le bilan net de l’immigration est donc d’environ 5 000 personnes, auxquelles il faut ajouter les 3 000 à 4 000 Israéliens nés à l’étranger qui arrivent chaque année et qui ne sont pas officiellement considérés comme des immigrés. Les départs sont dus au taux de chômage et au coût de la vie qui augmentent. Israël connaît un problème de fuite de cerveaux. Les cadres et les académiciens trouvent de meilleurs emplois à l’étranger.

- L’insécurité joue-t-elle un rôle important ?

- Elle dissuade certains migrants de venir vivre en Israël mais ne fait pas vraiment fuir ceux qui sont déjà là. Le niveau de vie reste le déterminant principal.

- Où vont s’installer les migrants qui quittent Israël ?

- Une partie retournent chez eux, en France, aux Etats-Unis et quelques-uns en Russie. Les autres, nés en Israël, optent pour un pays développé comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie.

- L’immigration vers Israël est-elle toujours aussi motivée par la religion ?

- Israël est un pays normal. Comme ailleurs, on assiste à un phénomène de polarisation important, avec les très laïcs d’un côté et les très pratiquants de l’autre. Cela dit, le choix d’Israël n’est pas automatique ; il y a forcément une donne religieuse, idéologique ou communautaire, même si beaucoup de migrants juifs choisissent plutôt l’Allemagne ou les Etats-Unis. Là encore, les conditions de vie dans le pays d’origine sont primordiales. La montée de l’antisémitisme en France a, ainsi, entraîné de nombreux départs vers Israël.

- Cette diminution de l’immigration vous inquiète-t-elle pour le pays ?

- 41% de la population juive mondiale vit aujourd’hui en Israël, avec un taux de croissance de 0,5% par an. A ce rythme-là, plus de la moitié des juifs de la planète vivront ici d’ici à vingt ans. Le taux de natalité israélien - 2,7 enfants par femme - est très élevé pour un pays développé. La diaspora en revanche est une population vieillissante dans laquelle les décès excèdent les naissances. L’immigration a longtemps joué un rôle moteur dans le développement du pays. La natalité compte davantage aujourd’hui.

Israël tente de convaincre les émigrés israéliens de rentrer au pays

Face à la baisse de l’immigration, le gouvernement est prêt à établir un système de conversion au judaïsme moins pesant.

Serge Dumont, Tel-Aviv
Jeudi 27 décembre 2007

« On n’est jamais aussi bien qu’à la maison. » Depuis le début du mois, ces encarts payés par le ministère de l’Intégration s’affichent dans tous les médias de l’Etat hébreu diffusés à l’étranger. Ils visent à convaincre les 600 000 Israéliens partis tenter leur chance en Europe et en Amérique du Nord de revenir au pays. Primes spéciales, exemptions d’impôts : tout est bon afin de séduire les éventuels candidats au retour.

Désireux de redonner du souffle à la alya (la « montée » des juifs vers Israël), le gouvernement d’Ehoud Olmert multiplie en effet les mesures destinées à appâter les immigrants potentiels. Dans ce cadre, l’Agence juive (financée par Israël et par l’Organisation sioniste mondiale) a perdu son monopole sur l’organisation de l’immigration au profit de structures moins bureaucratiques telles que « Nefesh be nefesh » (« d’esprit à esprit ») pour les Anglo-Saxons et la Fondation Leavi pour les francophones.

Russes non juifs

Mais le gouvernement israélien tente également de retenir les olim (immigrants) désireux de retourner dans leur pays d’origine. En effet, entre 1990 et 2005, 230 000 Israéliens se sont installés à l’étranger et 25% de ces yordim (ceux qui descendent) étaient originaires de l’ex-URSS. Pour la plupart des non-juifs ou des personnes se considérant juives mais non reconnues comme telles par les autorités religieuses.

Selon l’entourage du Premier ministre, Ehoud Olmert tentera de tarir ce flux en établissant un système de conversion au judaïsme beaucoup moins pesant que celui actuellement dirigé par le rabbinat orthodoxe. Trois cent mille personnes pourraient ainsi se convertir en quelques mois et rester en Israël sans risquer l’expulsion.

Faute de grandes vagues d’immigration semblables à celles des années 1990, Israël recherche ses nouveaux citoyens jusque dans les zones les plus reculées. Venus des confins de l’Inde, les Bneï Menashé (des juifs asiatiques se présentant comme les descendants d’une tribu biblique perdue) ont ainsi commencé à émigrer par centaines. Certains se sont d’ailleurs établis dans les colonies de Cisjordanie. Mais des études sont également en cours sur la « judéité » de tribus d’Afrique du Sud et du Zimbabwe pratiquant des rites juifs depuis longtemps. En outre, des rabbins se penchent sur le cas des dizaines de milliers de descendants de juifs forcés de se convertir au christianisme durant l’Inquisition en Espagne et au Portugal. Ceux-là aussi pourraient constituer un bon vivier.

Le jour de Noël, l’Etat hébreu a en tout cas accueilli en fanfare 40 juifs iraniens qui venaient d’émigrer clandestinement en passant par un pays tiers. L’Agence juive maintenait, semble-t-il, un lien avec eux grâce à un site internet sécurisé. Avant la chute du shah (1979), 100 000 juifs vivaient en Iran, mais ils ne sont plus que 23 000 aujourd’hui. Tenteront-ils l’aventure de la alya ? Soixante-trois l’ont fait en 2006 et plus de 200 en 2007. Pour les y aider, des organisations évangéliques et néo-conservatrices américaines, qui ont financé l’opération de l’Agence juive, offrent en tout cas 100 000 dollars à tous ceux qui débarquent à Tel-Aviv dans l’espoir d’un avenir meilleur.


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27 décembre 2007 - Le Temps


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