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L’immigration juive remise en cause

mercredi 12 septembre 2007 - 06h:33

Anshel Pfeffer - Ha’aretz

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Huit Israéliens soupçonnés d’activités néonazies ont été arrêtés ces derniers jours en Israël. Agés de 16 à 21 ans, ces jeunes sont tous issus de familles immigrées de pays de l’ex-Union soviétique. Pour plusieurs députés, il est nécessaire de changer la loi du retour afin d’empêcher de tels éléments d’en bénéficier.

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Un des suspects arrêtés par la police israélienne (AFP)

La fièvre qui s’est emparée des médias et de l’opinion publique à la suite de l’arrestation d’une bande de présumés néonazis à Petah Tikva [près de Tel-Aviv], a ouvert une polémique sur la loi du retour. Dimanche 9 septembre, plusieurs membres de la Knesset, tous bords politiques confondus, s’interrogeaient sur l’opportunité d’amender la loi afin d’empêcher l’entrée de néo-nazis en territoire israélien.

Actuellement, la loi permet à toute personne considérée comme juive par la halakha, la loi religieuse, d’immigrer en Israël avec sa famille, y compris les petits-enfants [la législation israélienne stipule que tout individu pouvant se prévaloir de racines juives au niveau des deux générations précédentes peut demander la citoyenneté israélienne]. Une des propositions formulées permettrait d’interdire l’entrée de candidats à l’immigration n’ayant pas de lien personnel avec le judaïsme.

Zevulun Orlev, député membre du Parti religieux national (NRP), prône depuis longtemps le vote d’une loi permettant de révoquer la citoyenneté israélienne de militants néonazis et de les expulser. Il voudrait également supprimer la clause de la loi sur le retour, qui autorise les petits-enfants de juifs à immigrer en Israël et à obtenir la citoyenneté alors même que la halakha ne les considère pas comme juifs. "Avec les petits-enfants, nous avons affaire à la deuxième génération de non-juifs, souligne-t-il. Ces personnes ne sont pas proches du judaïsme. Cela affaiblit la caractéristique juive de notre Etat."

Colette Avital, députée travailliste, est favorable à la révocation de la citoyenneté en cas d’activité néonazie, mais elle ne soutient pas la modification des critères de naturalisation. Son collègue à la Knesset Yossi Beilin, issu du parti de gauche Meretz-Yahad, est farouchement opposé à un changement de la loi. "Israël doit ouvrir ses portes bien au-delà de la définition de la halakha", a-t-il déclaré. "Il n’y aucune raison d’empêcher les enfants, les petits-enfants et même les arrière-petits-enfants [de juifs] d’immigrer en Israël. Récemment, nous avons eu des demandes de la part d’arrière-petits-enfants."

Les propositions d’amendement soulèvent également une vague de contestation de l’autre côté du spectre politique. "Si nous excluons les petits-enfants, cela nuira à des milliers de personnes qui ont grandi dans des familles juives, entretiennent un lien fort avec le judaïsme et ont été victimes de l’antisémitisme", martèle Zeev Elkin, député issu du parti centriste Kadima. Selon lui, il suffirait de modifier les politiques d’incitation à l’immigration de l’Agence juive pour tenir à l’écart les migrants "indésirables", non-juifs ou peu attachés au judaïsme. Elkin, ancien consultant auprès de la direction de l’Agence juive, indique que celle-ci concentre ses efforts sur les provinces reculées de l’ex-URSS, où vivent des populations démunies. Les juifs habitant dans les grandes villes avec de meilleures conditions économiques sont plus difficiles à persuader, souligne-t-il.

Anshel Pfeffer, Ha’aretz via le Courrier international, le 10 septembre 2007
Article original en anglais : Suspected neo-Nazis remanded ; indictments expected Monday


Un électorat russe contre tout compromis en Israël

Courtisés par la droite comme par la gauche durant la campagne pour les législatives, les Israéliens russophones réclament des solutions bien tranchées. A la russe, constate, Ha’aretz.

En janvier 2003, on annonçait officiellement le décès du "vote russe" [le parti russe de Nathan Sharansky s’était effondré lors de ces élections, et s’est fondu par la suite dans le Likoud]. Pourtant, trois ans plus tard, les 650 000 électeurs russophones détiennent toujours la clé des élections. Ils sont, en conséquence, courtisés par les principaux partis. Le certificat de décès délivré en 2003 n’était pas faux, mais il était mal formulé. Si le "secteur russe" a cessé d’exister, la communauté russe, elle, continue de se définir comme telle.

Contrairement aux "secteurs", qui se caractérisent par une identité liée aux profils et aux besoins socioéconomiques (secteur arabe, secteur ultraorthodoxe, etc.), les communautés sont, elles, caractérisées par une identité basée sur les aspirations et sur les projections. Avec le temps, les problèmes sociaux et économiques des Russes ont en effet fini par ressembler à ceux du reste de la société. Mais, pour ce qui est de leur profil culturel et de leurs ambitions, les Russes forment bel et bien toujours une communauté à part entière. Dans un contexte israélien, où tout est question de politique identitaire, cette appartenance communautaire a un poids déterminant.

La preuve de l’existence d’une communauté russe dotée de valeurs et de normes spécifiques peut se trouver dans les réactions des Russophones face à deux événements survenus ces deux derniers mois. Durant les premières semaines de la campagne électorale, il était de bon ton d’affirmer que les élections se joueraient essentiellement sur le terrain social et économique. Pourtant, la plupart des Russophones interrogés déclaraient que l’enjeu principal des élections était sécuritaire et diplomatique, contrairement à ce que répondaient les autres Israéliens. Autre preuve de la persistance d’une communauté russe, la réaction à la victoire du Hamas [dans les Territoires palestiniens]. Malgré les convictions très droitières de la majorité des Russophones, leurs réactions, tant dans la rue que dans leurs médias, ont été beaucoup plus mesurées que chez les autres Israéliens. Tout simplement parce que, pour une majorité de Russes, il n’y a pas de différence entre le Fatah et le Hamas.

C’est une des raisons pour lesquelles la campagne d’intimidation et de peur menée par Nétanyahou [concernant le Hamas] n’a eu que peu de prise sur les Russes. Si tous les Arabes sont les mêmes, il n’y a pas de raison de s’inquiéter de la victoire d’un parti arabe sur un autre. C’est d’ailleurs ce qui permet à Avigdor Lieberman [leader russophone du parti d’extrême droite Israël Beiteinou], dans ses spots électoraux réalisés en langue russe, de railler le slogan de Bibi "Fort face au Hamas". "Ce serait un excellent slogan pour une campagne électorale palestinienne, mais elle a déjà eu lieu... Qu’est-ce que ça vient faire dans une campagne israélienne ?"

Le succès rencontré par Lieberman montre bien qu’existe toujours ce sentiment de communauté. Si Lieberman se présentait avec le même programme, mais sans son accent russe, il serait moins populaire. Mais, à l’inverse, s’il n’était pas "russe", davantage d’Israéliens de vieille souche soutiendraient son plan d’échange de territoires et de populations, un plan tout droit issu des cercles militaires israéliens. Mais Lieberman, malgré ses efforts, est toujours perçu comme un dirigeant communautaire, pas national. Aux yeux des Russophones, il est "l’un des nôtres" - un fait qui crée un écran entre lui et le c ?ur de l’israélianité. Pour les médias russophones, il n’est pas assez russe ; pour les médias israéliens, il l’est trop.

Les élections de 2003 montrent qu’Ariel Sharon avait parfaitement pris la mesure des tendances lourdes au sein des immigrants de l’ex-URSS. Mais la création de Kadima a compliqué son projet de fidéliser le vote russe à la façon dont Begin était parvenu à fidéliser le vote oriental, vers la fin des années 1970. Les candidats de Kadima essaient de s’attirer les bonnes grâces de la communauté, de façon souvent primaire. Ehoud Olmert rappelle que ses parents sont originaires de la ville de Samra [est de la Russie], tandis qu’Amir Peretz [Juif marocain] n’hésite pas à souligner qu’une partie de sa famille est partie en Russie pour fuir les persécutions espagnoles !

Mais les Russophones se moquent de ces gesticulations. Ce qu’ils veulent, ce n’est pas un nouveau "parti russe", mais des élus qui les représentent. Et, d’abord, pour trouver des solutions israéliennes à leurs problèmes spécifiques dans les domaines de l’enseignement, de l’emploi et des rapports entre Etat et religion. Parce qu’ils sont installés depuis maintenant quinze ans, ce n’est plus l’intégration que revendiquent ces électeurs, mais la participation aux affaires israéliennes, voire un rôle dirigeant à l’échelle nationale.

Comment voteront-ils le 28 mars ? Tout dépendra de leur profil socioéconomique. Les électeurs de Lieberman sont plutôt âgés et appartiennent aux classes populaires. Et 40 % d’électeurs russes se disent toujours indécis. Au sein de la communauté russe, le slogan clé de la campagne électorale sera donc : "Pitronot" [Des solutions]. Contrairement aux Israéliens de vieille souche, qui ont dû apprendre à élaborer de vagues compromis, les électeurs russes exigent des engagements fermes et des "solutions" tranchées. Et, depuis la disparition de Sharon, ce désir de "solutions" n’est pas moins fort que celui d’un "dirigeant fort".

Lily Galili, Ha’aretz, via le Courrier international, le 23 mars 2006


Les Russes à la recherche d’un homme fort

Marginalisés économiquement et souvent dans l’obligation de prouver leur judéité, les Juifs russes vivent à part.

Anastasia, 18 ans, se tient au beau milieu de la “Petite Ukraine”, un quartier de Netanya [ville côtière du centre d’Israël] et ouvre de grands yeux bleus ébahis : “Pourquoi donc voulez-vous que je vous dise pour qui je vais voter, alors que ce pays n’est même pas fichu de m’accorder la nationalité israélienne ? Pour être franche, je ne me sens pas appartenir à cet Etat. Je ne suis pas d’ici et je ne me sens pas davantage d’Ukraine. Je flotte quelque part entre les deux. Rester ici ? Ça ne me dit rien. A vrai dire, ce pays m’est pénible et tout ce que j’attends, c’est de pouvoir quitter Israël et m’installer ailleurs.”

Comme des dizaines de milliers de jeunes issus de l’immigration russe, Anastasia n’est que partiellement israélienne. Elle dispose bien d’une carte d’identité, mais ce document ne lui donne que des devoirs, pas de droits. Elle est obligée de faire son service militaire, mais elle n’est pas reconnue comme juive. Tout cela à cause d’une législation improvisée par la bureaucratie israélienne, censée atténuer la rigidité des décrets rabbiniques. Selon la loi, sans mère juive, un immigrant n’est pas considéré comme juif. Mais le ministère de l’Intérieur a introduit un nouveau critère, fruit d’un compromis avec le rabbinat : si, sur les trois dernières générations, vous avez un parent juif, vous êtes reconnu israélien à part entière. Mais ce ne sera pas le cas de vos enfants...

Dans ces conditions, beaucoup d’anciens immigrants de Russie n’hésitent plus à exprimer en toute franchise qu’ils attendent avec impatience l’instant où ils pourront décider de leur sort et de quitter Israël pour ne plus y revenir. Ils se sentent méprisés et ignorés par les sabras [Juifs nés en Israël] qui les entourent. Ils ne se sentent pas appartenir à un pays qui les a placés dans une situation invivable au nom du rêve sioniste. Avec la détresse économique, la terreur dans les rues, les difficultés de la langue et la xénophobie de beaucoup d’Israéliens de vieille souche, qui a encore envie de se définir comme juif ? Certains voudraient retourner en Russie ou en Ukraine, d’autres veulent tout simplement s’enfuir, n’importe où.

Ces voix russes sont inaudibles. Du moins en hébreu. Ces propos peu amènes s’expriment en russe et entre Israéliens d’origine russe, au fin fond des “quartiers russes” paupérisés des grandes villes de la plaine côtière, devenus des enclaves autonomes où seule la culture russe a droit de cité, avec ses journaux, ses radios, ses télévisions, ses restaurants et ses bars. Lors des élections précédentes, Sharon les avait conquis en réalisant des spots électoraux directement en russe, en rappelant ses origines russes et évoquant son surnom d’adolescent : le Caucasien. Mais, aujourd’hui, il en va autrement.

Par rapport aux élections de janvier 2003, le menu a changé du tout au tout, et il n’existe plus de partis russes à proprement parler depuis qu’Israël Ba’aliya, de Nathan Sharansky, s’est fondu dans le Likoud. Le Parti travailliste n’a aucune chance de conquérir un nombre conséquent de votes russes, car son chef de file, Amir Peretz, non content d’être d’origine marocaine, arbore fièrement une moustache qui ne peut que leur rappeler Staline. Les partis laïcs Shinouï et Hetz tentent vainement d’échapper à la disparition en promettant une énième fois aux Russes d’obtenir la reconnaissance du mariage civil.

De tous ces partis, seuls Kadima, d’Ehoud Olmert, et Israël Beiteinou, d’Ivett [Avigdor] Lieberman, semblent trouver grâce aux yeux des électeurs russes. Pour certains, comme Roni, restaurateur dans un quartier d’Ashdod que tout le monde surnomme “Gomel” (une ville biélorusse), Kadima est un moindre mal, du moins “si l’on veut éviter la création d’un Etat KGB ici”. Quant à Lieberman, après avoir chassé sur les terres de la droite nationaliste israélienne, il ne fait plus rien pour faire oublier son ascendance russe, tandis que son profil droitier rassure. Comme l’explique Michael Brenner, un immigrant venu de Russie en 1990, “il faut quelqu’un de fort face à Kadima, ce ramassis de menteurs, de corrompus et de prétentieux. Kadima, ce n’est pas un parti mais une collection. Il n’y a que Lieberman pour faire face aux gauchistes”. “Pas d’accord”, rétorque Jean Azariev, un immigrant du Caucase. “Nous, les Russes, devons voter pour Nétanyahou. Nous savons que c’est une dictature qu’il nous faut, la seule façon de nous protéger des Arabes et de leurs attentats.”

Assaf Gour et Assaf Schneider, Maariv, via le Courrier international, hebdo n°803, le 23 mars 2006


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