16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

N’éteignez pas la lumière à Gaza

vendredi 16 novembre 2007 - 21h:15

Nahum Barnea - Yediot Aharonot

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


La décision israélienne de ne plus fournir d’électricité au territoire palestinien est inefficace, inhumaine et surtout stupide, explique l’éditorialiste du Yediot Aharonot, Nahum Barnea, lauréat du prix Israël 2007.

Il se passe quelque chose avec Ehoud Barak depuis son retour au pouvoir [l’ancien Premier ministre est ministre de la Défense depuis le 15 juin 2007]. Il se trouve tellement plus intelligent que les autres, plus mûr, plus affûté et plus digne de ses fonctions qu’il ne lui suffit plus d’être intelligent. Il devient prétentieux. Sa dernière décision - couper le courant à Gaza en réaction aux tirs de roquettes Qassam [visant le territoire israélien] - illustre parfaitement la différence qu’il y a entre l’intelligence et la prétention. Elle a suscité une foule de commentaires, quelques clins d’ ?il de la part de ceux qui savent, mais personne n’ose dire ce que tout le monde chuchote : c’est une décision idiote.

Je n’emploierais pas un terme aussi cru si cette décision ne présentait pas autant d’inconvénients. Premièrement, elle ne punit pas ceux qui tirent des Qassam, mais la population de Gaza, qu’elle pousse ainsi dans les bras du Hamas et du terrorisme. Deuxièmement, elle contrevient à la morale et au droit international. Au lieu de détacher Israël de l’occupation, du moins pour les questions relevant de Gaza, elle fait passer le pays pour un occupant cruel. Troisièmement, elle nuit aux efforts pour renouer le dialogue avec l’Autorité palestinienne et les gouvernements arabes modérés. Les ministres des Affaires étrangères arabes et le président de l’Autorité palestinienne ne vont pas pouvoir discuter tranquillement au sommet d’Annapolis si Barak plonge Gaza dans l’obscurité.

Barak n’a rien inventé dans cette affaire. L’idée de priver Gaza d’électricité a déjà été évoquée dans le passé. Elle séduisait la hiérarchie militaire, parce qu’elle ne demandait aucun effort et ne présentait aucun risque pour elle. On coupe le courant, et c’est tout.
Mais avec grande surprise l’armée avait constaté que la Compagnie électrique d’Israël refusait de coopérer : elle avait signé un contrat avec l’Autorité palestinienne et ne pouvait le rompre. Quand l’armée de l’air avait bombardé les transformateurs de Gaza [en juin 2006], cette action avait provoqué la colère des Américains, qui avaient investi de l’argent dans la ­centrale électrique de Gaza.

De plus, ce bombardement n’avait pas arrêté le moindre tir de Qassam. Même si cette décision de couper le courant n’a pratiquement aucune chance d’être mise en ?uvre, elle représente une bonne chose pour le Hamas. Elle lui fournit en effet des munitions gratuites pour sa propagande et une bonne excuse pour ses ratages. A partir de maintenant, toute pénurie constatée sur le territoire du Hamas, que ce soit de carburant ou de produits de base, sera attribuée à Israël.

De fait le Hamas n’a pas attendu Barak : le dimanche 28 octobre, l’encre sur la décision n’était pas encore sèche que le mouvement islamiste accusait déjà Israël d’avoir interrompu l’approvisionnement en carburant de Gaza. Peu importe qu’Israël l’ait fait ou non. Ce qui est important, c’est de donner l’impression d’un équilibre moral : nous sommes frappés par des Qassam ; eux, subissent une pénurie de carburant. Le Hamas et nous sommes dans le même bateau. Pourquoi Barak a-t-il pris cette décision imbécile ? Avant tout parce que, comme il n’y a pas de solution au problème des Qassam, il doit faire de la communication pour que personne ne s’aperçoive que le ministre de la Défense n’a pas de solution. Ensuite, parce que ça fait bien dans les forums de discussion. N’importe quel gamin affichera un soutien enthousiaste : enfin un ministre qui a des couilles.

Mais de quoi nous plaignons-nous avec Barak ? Nous avons un Premier ministre prêt à accepter cette folie sans rien dire tant qu’elle ne fait pas chavirer le navire de la coalition [au sein du gouvernement israélien]. La ministre des Affaires étrangères devrait nous mettre en garde contre les conséquences diplomatiques de cette action, mais elle ne dit rien non plus. Le président est censé représenter une certaine morale publique, mais lui aussi garde le silence. Certains parlementaires travaillistes à la Knesset, qui ne cessent de hurler sur tout et n’importe quoi, n’ont rien à dire sur la question.

Ce n’est pas de Barak qu’ils ont peur. S’ils disaient ce qu’ils pensent vraiment, ils recevraient 600 messages électroniques portant le mot ­“traître” en objet. Ces parlementaires sont prêts à accepter n’importe quoi, sauf les réprimandes patriotiques des ­adolescents.

JPEG - 3.1 ko
Nahum Barnea




Gaza aujourd’hui :

- Punir Gaza
- Il est temps d’aller voir Gaza
- On affame Gaza

- Gaza, abandonnée
- Gaza cadenassée
- Gaza : la souffrance pour tous

Nahum Barnea - Yediot Aharonot, via le Courrier international, hebdo n° 888 du 8 novembre 2007


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.