Hillary Clinton : « Israël d’abord ! »
lundi 25 janvier 2016 - 21h:38
Robert Fantina
« Nous devons faire en sorte qu’Israël puisse maintenir son avantage militaire qualitatif. »
- Hillary Rodham Clinton - Photo : AP/John Locher
Bien que les États-Unis soient encore à dix mois de leur prochain exercice en futilité électorale, la plupart des sondages n’indiquent pas ce que souhaite le plus ardemment l’ancienne secrétaire d’État Hilary Clinton, à savoir une victoire éclatante aux prochaines présidentielles. Bien qu’elle n’ait pas de réel opposant qui se démarque dans le camp démocrate, c’est un bon signe car le couronnement auquel elle s’attendait n’aura pas lieu.
On pourrait dire que l’auteur se focalise trop sur l’adoration pour Israël de Mme Clinton. Mais en examinant ses propos concernant cette nation d’apartheid, on se fait une idée claire des vues plus vastes et très troublantes que semblent entretenir Mme Clinton.
Le 6 janvier, le Jewish Journal, a publié une tribune écrite par Mme Clinton. C’est un écrit servile et sentimental, typique de la prose d’un candidat à un poste de responsabilité politique à l’échelon national aux États-Unis, qui sait qu’il lui faut rendre hommage à son seigneur et maître israélien. Quelques éléments de cet article en disent beaucoup sur Mme Clinton.
« Je suis particulièrement préoccupée par la nouvelle vague de violence en Israël même – agressions brutales à l’arme blanche, coups de feu, et attaques à la voiture-bélier qui cherchent à semer la terreur parmi les innocents. »
Le nombre de Palestiniens tués en Cisjordanie uniquement par des colons et l’IOF (Force d’occupation israélienne) terroristes est au plus haut depuis dix ans. Pourquoi Mme Clinton n’est-elle pas « particulièrement préoccupée » par la vague continue de violence contre les Palestiniens, sur un territoire que même les États-Unis disent être illégalement occupé par Israël ? Ces attaques brutales ne « cherchent-elles pas à semer la terreur parmi les innocents ? »
« Seule une solution à deux états négociée entre les parties peut apporter indépendance, souveraineté et dignité aux Palestiniens, et aux Israéliens les frontières sures et reconnues d’un état juif démocratique. »
Pourquoi, mais pourquoi donc, Mme Clinton continue-t-elle de faire cette déclaration ridicule ? Les frontières de l’état juif sont reconnues par la plupart des pays, y compris les Nations Unies, et sont celles établies avant 1967. Il n’y a rien à négocier. Mme Clinton méprise-t-elle le droit international ? Il semble qu’elle estime qu’Israël, comme les EU dans leurs relations internationales, soit, décidément, au-dessus des lois.
Et l’auteur se doit de faire remarquer, une fois de plus, que des négociations, qui se sont tenues par intermittence pendant vingt ans environ, ne peuvent être efficaces que si chaque partie veut quelque chose qu’a l’autre, qu’il ne peut obtenir qu’en cédant quelque chose qu’il possède. Israël veut toute la Palestine, et s’en empare, bout par bout, dans la plus totale impunité. Pourquoi la Palestine devrait-elle se plier à des négociations inutiles ?
Mme Clinton évoque les frontières « sures et reconnues » d’un état juif, mais ne semble pas prendre en considération les frontières « sures et reconnues » d’un état palestinien.
« Nous devons continuer à combattre les efforts mondiaux visant à délégitimer Israël. Le mouvement Boycott, Désinvestissement, et Sanctions, connu sous le sigle BDS, est le dernier front en date de cette bataille. BDS diabolise les intellectuels et scientifiques israéliens – même de jeunes étudiants – et compare Israël à l’Afrique du Sud de l’apartheid. C’est erroné et cette campagne doit cesser. »
Les efforts les plus notables de délégitimation d’Israël sont le fait d’Israël lui-même. Sa société raciste, dans laquelle les Israéliens juifs jouissent de plus de droits que toute autre personne en Israël ; son système d’apartheid de ségrégation ; son mépris total des droits humains des Palestiniens ; les déclarations criminelles, racistes faites par des responsables gouvernementaux contribuent tous à délégitimer encore plus le pays, et à le diaboliser, et à juste titre. Israël est souvent comparé à l’Afrique du Sud de l’apartheid, et la comparaison est tout à fait fondée.
Et l’ignorance grave ou la malhonnêteté grossière de Mme Clinton ne se limite pas au contexte de la Palestine et d’Israël. Son article contenait aussi ces perles de sagesse :
« Nous devons collaborer avec nos amis et partenaires pour empêcher l’ OEI de gagner du territoire au Moyen-Orient, démanteler l’infrastructure mondiale de la terreur, et renforcer nos défenses chez nous. Nous ne devons pas seulement contenir l’OEI – nous devons vaincre l’OEI. »
Est-ce réellement le but poursuivi par les États-Unis ? Garikai Chengu, chercheur à l’Université d’Harvard, a émis l’idée en septembre 2014 que l’OEI « était made-in-the-USA, un instrument de terreur destiné à diviser et à conquérir le Moyen-Orient riche en pétrole et à contrer l’influence grandissante de l’Iran dans la région. »
Dans une chronique du Guardian en juin 2015, Seumas Milne, rédacteur en chef adjoint du journal a écrit ceci : « [L]es Etats-Unis et leurs alliés non seulement soutenaient et armaient une opposition qu’ils savaient être dominée par des groupes sectaires extrémistes, mais ils étaient près à cautionner la création d’une sorte d’État islamique – malgré le ‘grave danger ‘ pour l’unité irakienne – servant de tampon sunnite pour affaiblir la Syrie. »
En outre, Mme Clinton n’a fait aucune observation sur la provenance d’une partie de l’armement sophistiqué de l’OEI ni sur la manière dont il se l’était procuré. En 2014, un communiqué de presse du Ministère de la Défense présentait des avancées réalisées dans la destruction de l’OEI. Ce communiqué de presse disait notamment : « Les trois frappes ont détruit trois véhicules blindés de l’OEI, un canon antiaérien monté sur char, un poste de contrôle de l’OEI et un déploiement d’engins explosifs improvisés »
Alex Kane, commentant ce communiqué sur Alternet, a dit ceci : « Ce que le Pentagone a passé sous silence, c’est que ces véhicules blindés et canons qu’ils ont bombardés ont probablement été payés avec l’argent des contribuables américains. Les armes en possession de l’OEI sont une variante sinistre du retour de bâton de l’invasion américaine du pays (Irak) en 2003. De la même façon que l’intervention états-unienne en Lybie, qui a renversé le dictateur Mouammar Kadhafi, mais aussi déstabilisé le pays, a permis à un flux d’armes de se retrouver entre les mains de militants au Mali, où la France et les EU ont engagé une guerre en 2013. »
Ainsi Mme Clinton, redevable non seulement aux lobbies israéliens, mais aussi aux soi-disant entrepreneurs de la défense aux EU, va utiliser la force militaire états-unienne pour détruire ce que la force militaire états-unienne a procuré à « l’ennemi ».
« Nous devons envoyer à l’Iran un message sans équivoque. Téhéran peut être sûr que si les dirigeants iraniens violent leur engagement de ne pas chercher à obtenir, mettre au point, ou acquérir des armes nucléaires, les États-Unis les en empêcheront. Ils mettront notre détermination à l’épreuve par des actes comme le test provocateur d’un missile balistique, pour lesquels nous devrions imposer de nouveaux types de sanctions. Ils doivent comprendre que l’Amérique agira résolument si l’Iran viole l’accord sur le nucléaire, et prendra des mesures militaires s’il le faut. »
Une fois encore, il faut se poser la question, pourquoi Israël peut posséder des armes nucléaires, mais pas l’Iran. Il apparaît que dans la vision déformée du monde de Mme Clinton, certains pays peuvent avoir la capacité de défendre leurs citoyens contre des forces extérieures, et d’autres ne le peuvent pas. Et ceux qui le peuvent, semblent-ils, sont ceux qui n’ont guère de respect pour le droit international.
« Nous devons faire en sorte qu’Israël puisse maintenir son avantage militaire qualitatif. »
Les États-Unis ont fourni à Israël près de 4 milliards de dollars d’aide en 2014, militaire pour une grande part, qu’il a utilisé pour tuer plus de 2000 Palestiniens, dont plus de 500 enfants. Israël a bombardé des hôpitaux, des refuges des Nations Unies, des écoles, des mosquées et des bâtiments résidentiels, tout ceci en violation du droit international. Voici la traduction concrète du maintien de ‘l’avantage militaire qualitatif’ d’Israël.
Seuls ceux qui ont le cœur bien accroché devraient continuer la lecture ; comme elle l’a déjà fait, Mme Clinton se livre à des envolées presque romantiques lorsqu’elle parle d’Israël.
« Pour moi, c’est bien plus qu’une question de politique – c’est une affaire personnelle. Je suis née quelques mois seulement avant la déclaration d’indépendance d’Israël. Ma génération a atteint l’âge adulte en admirant le talent et la ténacité du peuple israélien, qui a apprivoisé le sol aride du désert et transformé un rêve en réalité. Nous avons regardé une petite nation se battre avec témérité pour le droit d’exister et bâtir une démocratie vibrante et florissante. Et, tout du long, la recherche de la paix par Israël était une aussi grande source d’inspiration que ses prouesses guerrières. C’est pourquoi, comme beaucoup d’Américains, je ressens un lien émotionnel très fort avec Israël. Nous sommes deux nations intimement liées l’une à l’autre, deux pays bâtis par des immigrants et des exilés cherchant à vivre et à prier en liberté, redevables de leur vie aux principes démocratiques, et soutenus par les services et les sacrifices de générations de patriotes. »
Le peuple israélien « a transformé un rêve en réalité » sur l’expulsion forcée de plus de 700 000 Palestiniens déplacés, et sur les tombes d’au moins 10 000 qui ont été massacrés pour libérer de la place pour que ce « rêve » devienne réalité.
Israël n’est une démocratie qu’aux yeux de Mme Clinton et d’autres politiques dépendants des dons très généreux des lobbies israéliens pour acheter leur poste puissant. Des élections périodiques ne font pas une démocratie.
Mme Clinton loue la poursuite de la paix par Israël, oubliant la construction continue des colonies qui est condamnée partout dans le monde. Mme Clinton ignore-t-elle que c’est enfreindre le droit international pour une puissance occupante d’établir à demeure ses résidents sur des territoires occupés ? N’a-t-elle pas entendu le Premier Meurtrier israélien Benjamin Netanyahou affirmer catégoriquement qu’aucun colon ne sera jamais délogé des colonies illégales de Cisjordanie ? Ceci n’est qu’une preuve supplémentaire que pour Mme Clinton le droit international ne signifie rien.
Et voici la femme qui voudrait être présidente, et pourrait très bien le devenir. Quelle portée cela aura-t-il ? Plus d’oppression pour les Palestiniens ; plus de guerre ; plus de déstabilisation au Moyen-Orient ; plus d’invasions états-uniennes à chaque fois que les États-Unis décideront que leurs intérêts, ou ceux de leur Israël bien-aimé, sont menacés, au mépris de la diplomatie et du droit international. Plus de ‘force fait loi ’ ; moins d’attention aux droits de l’homme partout, mais plus d’aide aux riches pour qu’ils s’enrichissent davantage.
On cherche en vain un Démocrate ou un Républicain qui soit l’antithèse de Mme Clinton. Il n’y a désormais plus de candidat « de moindre mal » pour qui voter ; le mal est généralisé dans les deux principaux partis politiques états-uniens, qui semblent être chacun le clone de l’autre. Il est plus que temps qu’un troisième partie viable s’établisse dans ce qui passe pour démocratie aux États-Unis. En attendant, les affaires continueront comme avant.
* Robert Fantina est écrivain et journaliste, militant pour la paix et la justice sociale. is a writer and journalist, activist for peace and social justice. Il vit au Canada et a écrit : Empire, Racism and Genocide : A History of U.S.
Son site web : http://robertfantina.com
Du même auteur :
États-Unis : alimenter la Machine de Guerre - 8 novembre 2015
Le double langage des États-Unis sur la Palestine - 21 octobre 2015
L’Iran, Israël et la soumission des Etats-Unis - 22 septembre 2015
15 janvier 2016 - Counterpunch - vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2016/01...
Traduction : Info-Palestine.eu - MJB