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Une nouvelle génération se dresse contre l’occupation, le colonialisme et l’apartheid

lundi 26 octobre 2015 - 06h:18

Omar Barghouti

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Cette résistance palestinienne n’est rien d’autre qu’une réaction spontanée au gouvernement le plus raciste et extrémiste de toute l’histoire d’Israël.

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Des manifestants palestiniens aident un camarade blessé lors d’affrontements avec les forces israéliennes d’occupation en dehors de la colonie de El Beit, près de la ville cisjordanienne de Ramallah, le 20 Octobre.- Photo : APA/Shadi Hatem

Au moment où j’écris ces lignes, une nouvelle génération de Palestiniens on ne peut plus déterminés se dresse contre les décennies d’occupation, de colonialisme d’implantation de d’apartheid qui caractérisent le régime israélien.

D’habitude, je parviens à laisser de côté les images sanglantes et les comptes rendus terrifiants des brutalités infligées à nos enfants par l’armée d’occupation d’Israël, de façon à pouvoir mieux m’appliquer à fournir ma quote-part équitable à l’émancipation de mon peuple, sans être trop submergé, vidé et rendu impuissant par l’émotion. Mais, à un certain moment, on ne peut plus s’empêcher d’avoir le cœur gros en permanence. C’est pourquoi je ne suis pas dans un état d’esprit, aujourd’hui, pour écrire avec beaucoup de diplomatie.

Cette phase de la résistance populaire palestinienne s’est déclenchée spontanément, en réaction à des mesures exceptionnellement répressive du gouvernement le plus raciste, le plus colonialiste et le plus extrêmement à droite de toute l’histoire d’Israël.

Depuis le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahou en 2009, la plongée d’Israël dans un extrémisme de droite dénué du moindre faux semblant s’est accélérée de façon alarmante. Le nombre de colons juifs vivant illégalement sur des terres palestiniennes occupées s’est encore accru de plus de 120 000 unités, et on dispose d’enregistrements récents sur lesquels Netanyahou s’en vantait. Pendant ce temps, un flux constant de lois antidémocratiques et discriminatoires visant les citoyens palestiniens d’Israël et, dans une moindre mesure, les Juifs israéliens qui critiquent le régime d’apartheid d’Israël, ont été votées par le Parlement israélien. Parmi ces lois figurent la « loi sur le boycott » et la « loi sur la Nakba ».

À la suite d’une visite récente en Palestine occupée, la présidente de l’Assemblée nationale sud-africaine Baleka Mbete écrivait : « L’apartheid en Afrique du Sud était un pique-nique, comparé à ce que nous avons vu dans les territoires occupés. » Et pas seulement dans les territoires occupés, en fait.

L’actuel « terrorisme d’État » israélien contre les Palestiniens dans toute la Palestine historique, les agressions violentes et les campagnes de diabolisation lancées par les fondamentalistes juifs fanatiques contre les civils palestiniens, y compris le fait d’avoir brûlé vifs un enfant en bas âge et ses parents et la profanation systématique de nos lieux de prière tant chrétiens que musulmans, et tout particulièrement le site de la mosquée Al-Aqsa (le Noble Sanctuaire) ont été le détonateur direct de l’actuel soulèvement palestinien, baptisé « l’Intifada de Jérusalem » par plusieurs partis politiques et groupes de jeunes.

Depuis plus d’une décennie, le mouvement messianique fanatique du « Mont du Temple » a pris de l’ampleur en Israël, dans le but ultime – et ouvertement déclaré – de détruire les lieux saints musulmans du Noble Sanctuaire et de les remplacer par un temple.

Naguère en marge de la société israélienne, ce dangereux mouvement fondamentaliste s’est inscrit aujourd’hui dans la vie quotidienne et, parmi ses adhérents, il compte des hauts responsables gouvernementaux. En fait, le gouvernement israélien fournit une aide financière et politique directe aux groupes de colons extrémistes, comme l’Institut du Temple et d’autres qui colonisent les habitations et quartiers palestiniens à Jérusalem et s’emploient activement à construire un temple au lieu de la mosquée Al-Aqsa, infirmant ainsi les affirmations creuses et fourbes de Netanyahou disant que les Palestiniens n’ont aucune raison de craindre une intention israélienne de modifier le statu quo sur le site.

Les violentes agressions israéliennes, apparemment perpétrées au hasard mais persistantes, contre les Palestiniens font en fait partie d’une stratégie officielle d’Israël, dont le but est d’intensifier l’épuration ethnique et la « judaïsation » de Jérusalem-Est occupée, et plus particulièrement sa Vieille Ville et de reprendre finalement possession du Noble Sanctuaire. C’est ce qui s’est passé avec la mosquée historique Ibrahimi à Hébron, suite au massacre en 1994 de 29 fidèles palestiniens par un terroriste israélo-américain.

Après le massacre, les autorités israéliennes de l’occupation ont scindé la mosquée en deux parties et en ont donné une moitié, à usage exclusivement juif, à la population des colons de Hébron, notoirement violents et d’extrême droite, les récompensant par-là pour les actes meurtriers du tueur, qui provenait de leurs milieux, et les incitant donc à poursuivre impunément leurs agressions criminelles contre les Palestiniens.

Déjà en 2012, le rapporteur spécial de l’ONU concernant le droit à des logements adéquats accusait Israël de poursuivre une « stratégie de judaïsation » :

« De la Galilée et du Néguev à Jérusalem-Est et à la Cisjordanie, les autorités israéliennes prônent un modèle de développement territorial qui exclut, discrimine et déplace les minorités, affectant particulièrement de la sorte les communautés palestiniennes, dans le même temps qu’elles facilitent le développement accéléré de colonies à prédominance juive. »

Même le Département d’État américain a reconnu dans son Rapport international de 2009 sur la liberté religieuse que « de nombreuses mesures nationales et municipales à Jérusalem étaient destinées à limiter ou réduire la population non juive de Jérusalem ». L’éminent juriste sud-africain John Dugard comparait ces mesures à celles appliquées par l’apartheid en Afrique du Sud.

Cette stratégie ne pourrait réussir sans l’aval officiel de l’appareil judiciaire israélien, qu’un rapport d’enquête de l’ONU sur l’agression israélienne contre Gaza en 2009 condamnait pour ses « faiblesses structurelles », ni non plus sans cette culture dominante du racisme violent et de la déshumanisation des Palestiniens qui a envahi la société israélienne.

L’actuelle tentative de se libérer des chaînes israéliennes, presque entièrement dirigée par des groupes de jeunes hommes et femmes palestiniens, avec une participation majoritaire surprenante de ces dernières, n’est pas qu’une lutte visant à décoloniser la terre palestinienne, mais aussi – et c’est tout aussi important, si pas plus – à décoloniser les esprits palestiniens.

Deux décennies durant, le processus d’Oslo a tenté de nier la plupart des droits palestiniens stipulés par l‘ONU et de bloquer les aspirations palestiniennes. L’Autorité palestinienne (AP) créée par Oslo était destinée à jouer les sous-traitants, dans l’occupation israélienne, dégageant cette même occupation de ses tâches surtout municipales, réprimant la résistance aux occupants et, dans un même temps, fournissant la précieuse feuille de vigne censée permettre la colonisation incessante par Israël des terres palestiniennes et l’épuration ethnique progressive des Palestiniens sous un semblant de « processus de paix ».

Cette supercherie a permis à Israël d’ouvrir des relations diplomatiques et des canaux commerciaux avec des dizaines de pays, y compris la Chine, l’Inde, le Brésil et d’autres grandes puissances économiques, ce qui allait amener l’économie israélienne à son niveau actuel.

De façon particulièrement néfaste, Oslo et ses architectes ont tenté de réduire la définition du peuple de la Palestine aux seules personnes résidant dans les territoires occupés par Israël en 1967, oubliant ainsi les 50 pour 100 de Palestiniens vivant en exil et à qui le droit au retour chez eux est refusé, ainsi que les 12 pour 100 qui sont les citoyens palestiniens autochtones de l’État d’Israël et qui vivent dans leur patrie comme des citoyens de deuxième et de troisième rangs.

Le gros obstacle auquel est confronté le nouveau soulèvement, c’est que l’AP non seulement s’abstient d’agir, mais qu’elle travaille souvent en coulisse pour déjouer et saboter les protestations populaires très répandues. Sa coordination infamante et le partage gratuite de ses renseignements avec l’armée israélienne se poursuivent, malgré la condamnation universelle par les Palestiniens de toutes les tendances politiques. Cette coordination, considérée comme indispensable par Israël, a considérablement affaibli la résistance palestinienne à l’occupation.

Heureusement, l’AP, de plus en plus despotique, ne bénéficie d’aucune crédibilité digne de ce nom parmi les Palestiniens, jeunes et vieux, résidant en Palestine ou en exil, et elle est forcée de ce fait de marcher sur le fil du rasoir, ce qui laisse un certain espace aux protestations et aux dissensions, espace que peuvent exploiter ceux d’entre nous qui cherchent à aller au-delà de l’impasse politique qui a suivi l’échec total d’Oslo.

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* Omar Barghouti est militant Palestinien indépendant des droits de l’homme et membre fondateur du mouvement de BDS. Il est l’auteur de Boycott, Divestment, Sanctions : The Global Struggle for Palestinian Rights, Haymarket 2011.

Du même auteur :

- Pourquoi Israël a peur de la campagne internationale de boycott - 5 février 2014
- Campagne de BDS contre Israël : l’année 2014 verra-t-elle un tournant décisif ? - 1e janvier 2014
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23 octobre 2015 - Salon.com - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.salon.com/2015/10/22/isr...
Traduction : Pour la Palestine - Jean-Marie Flémal


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