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Pourquoi Israël a peur de la campagne internationale de boycott

mercredi 5 février 2014 - 08h:55

Omar Barghouti

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Si la tentative de John Kerry, le Secrétaire d’État américain, de relancer les discussions entre Israël et l’Autorité Palestinienne échoue car Israël continue à construire illégalement des colonies, le gouvernement israélien risque de faire face à un boycott international « sur les muscles stéroïdes », selon les propres termes de M. Kerry en août dernier.

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Palestine occupée - Mur israélien d’apartheid

Ces derniers temps, Israël semble aussi terrifié par la croissance « exponentielle » du mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) conduit par les Palestiniens, que par l’emprise grandissante de l’Iran sur la région. En juin dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a décrit le BDS comme une menace stratégique. Après l’avoir qualifié de mouvement de « délégitimisation », il a attribué à son Ministre des affaires stratégiques l’entière responsabilité de le contrecarrer.

Mais si le BDS n’est pas une menace pour Israël au sens militaire, il pose un sérieux challenge au système d’oppression israélien à l’encontre du peuple palestinien, première de son isolement grandissant au niveau mondial.

Le fait que le gouvernement israélien considère la campagne BDS comme une menace stratégique, révèle son inquiétude grandissante à propos du récent déploiement du BDS à une plus grande échelle. Cela reflète aussi l’échec de la campagne pourtant largement financée du Ministère des affaires étrangères pour « la promotion d’Israël », envoyant des personnalités israéliennes bien connues à travers le monde pour montrer sa face la moins laide.

Lancé en 2005 par les plus grandes fédérations syndicales et organisations de la société palestinienne, le BDS appelle à la fin de l’occupation israélienne de 1967, à « la reconnaissance du droit fondamental des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à une totale égalité », et au droit pour les réfugiés palestiniens de retourner dans leurs maisons et sur les terres d’où ils ont été dépossédés et chassés par la force en 1948.

Pourquoi Israël, doté de la puissance nucléaire et d’une économie forte, doit-il se sentir si vulnérable face à un mouvement non-violent et pour la défense du droit ?

Israël appréhende terriblement la hausse du nombre de Juifs américain qui s’opposent publiquement à ses politiques, en particuliers ceux qui rejoignent ou dirigent les campagnes du BDS. Il perçoit aussi comme une profonde menace le très grand nombre de personnalités juives de premier plan qui rejettent sa tendance à s’exprimer en leur nom, contestant sa prétention à être le « foyer national » de tous les juifs, ou soulèvant la contradiction intrinsèque entre sa définition ethnique de la religion et sa prétention à être une démocratie.

Ce que I.F. Stone [journaliste et militant pacifiste américain] avait écrit de façon prophétique à propos d’Israël en 1967, en expliquant que cet État était en train de « créer une sorte de morale mondiale schizophrène au sein de la communauté juive » à cause de son idéal « raciste et basé sur l’exclusion », est devenu réalité.

Israël est aussi menacé par l’efficacité des stratégies non-violentes utilisées par le mouvement BDS, incluant sa composante israélienne, et par leur impact sur l’opinion publique mondiale. Comme l’a dit un commandant militaire israélien qui parlait des moyens de supprimer la résistance populaire palestinienne à l’occupation, « nous ne sommes pas très bons dans le rôle de Ghandi ».

Le vote « raz de marée » par l’Association d’Études Américaines qui a approuvé en décembre un boycott universitaire d’Israël sur les talons d’une décision similaire prise par l’Association pour les Études américano-asiatiques - pour ne citer que ces deux cas - aussi bien qu’un vote de désinvestissement par plusieurs conseils étudiants, prouvent que le BDS n’est plus un sujet tabou aux États Unis.

L’impact économique du mouvement est aussi devenu une évidence. La récente décision du fond de pension néerlandais PGGM, de désinvestir 200 millions de dollars des 5 plus grandes banques israéliennes à cause de leur implication dans l’occupation des territoires palestiniens, a provoqué une onde de choc dans les cercles dirigeants israéliens.

Pour souligner le danger « existentiel » que représente le BDS, Israël et ses groupes de pression invoquent souvent l’anti-sémistisme, en dépit de la position sans équivoque et jamais démentie du mouvement contre toutes les formes de racisme dont l’antisémitisme. Celle accusation infondée a pour but de contraindre au silence ceux qui critiquent Israël et d’associer de telles critiques au racisme anti-juif.

Affirmer que boycotter Israël est de manière intrinsèque antisémite n’est pas seulement faux, mais se base aussi sur la prétention qu’Israël et les juifs ne font qu’un. C’est aussi absurde et fanatique que d’affirmer qu’un boycott d’un État comme l’Arabie Saoudite - à cause de son horrible bilan dans le domaine des droits humains - qui se dit islamique, serait une manifestation d’islamophobie.

L’appel du mouvement BDS à la pleine égalité dans la loi et les politiques appliquées aux citoyens palestiniens en Israël est particulièrement dérangeant pour Israël, car il soulève des questions au sujet de son auto-définition comme État exclusivement juif.

Israël considère comme une « menace existentielle » toute contestation de ce que même le Département d’État a critiqué comme étant un système de « discrimination institutionnelle, juridique et sociétal » contre ses citoyens palestiniens, en partie parce que de l’image de système d’’apartheid qui est renvoyé.

Fait révélateur, la Cour suprême israélienne a récemment rejeté une tentative par les libéraux israéliens d’avoir leur nationalité ou l’origine ethnique tout simplement répertoriée comme « israélienne » dans le registre national de la population (qui a des catégories comme juifs, arabes, druzes, etc.) Le tribunal a jugé que cela serait une grave menace pour l’identité fondatrice d’Israël comme « État juif pour le peuple juif ».

Israël reste le seul pays sur terre à ne pas identifier sa propre nationalité, ne reconnaissant pas à tous ses ressortissants une égalité des droits qui mettrait en danger son identité « ethnocratique ». L’affirmation que la campagne BDS - un mouvement non violent adossé sur les principes universels des droits de l’homme - aurait pour objectif de « détruire » Israël, doit être appréhendée dans ce contexte.

La justice et l’égalité des droits pour tous détruiraient-elles réellement Israël ? L’égalité a-t-elle également détruit le sud des États-Unis ? Ou l’Afrique du Sud ? Ce qu’elle a certainement détruit, c’est l’ordre raciste et discriminatoire qui avait prévalu en ces deux endroits, mais elle n’a pas détruit les citoyens des pays concernés.

Ce qui est menacé par le BDS, c’est l’ordre inique imposé par Israël.

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* Omar Barghouti est militant Palestinien indépendant des droits de l’homme et membre fondateur du mouvement de BDS. Il est l’auteur de Boycott, Divestment, Sanctions : The Global Struggle for Palestinian Rights, Haymarket 2011.

Du même auteur :

- Campagne de BDS contre Israël : l’année 2014 verra-t-elle un tournant décisif ? - 1e janvier 2014
- Le succès ultime d’Israël pourrait bien signer la fin de son régime colonial - 9 octobre 2013
- Le mouvement BDS expliqué - Pourquoi j’ai boycotté Israël - 28 février 2013
- A propos du soutien des juifs israéliens au régime d’apartheid en Israël - 25 octobre 2012
- BDS : Les Palestiniens veulent « toute la panoplie des droits » - 27 juin 2012
- BDS pour les droits des Palestiniens : « L’égalité ou rien ! » - 6 mai 2012
- BDS, des armes économiques pour relayer la politique - 31 décembre 2011
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- Veolia toujours impliquée dans les violations israéliennes du droit international - 24 novembre 2011
- L’obstacle fondamental sur le chemin d’une solution à un État - 18 novembre 2011
- Ashton : l’attaque des colons contre la mosquée en Cisjordanie sape la paix au Proche-Orient - 12 septembre 2011

31 janvier 2014 - The New-York Times - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.nytimes.com/2014/02/01/o...
Traduction : Info-Palestine.eu - Julie C.


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