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« La solution à deux États n’est pas une solution »

mercredi 22 août 2012 - 06h:44

Gregg Carlstrom
Al Jazeera

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Les résidents des colonies illégales israéliennes en Cisjordanie occupée veulent un État unique, binational.

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Des graffitis sur le mur de séparation d’Israël (2011) interrogent sur la candidature de l’OLP pour un État : « Quel sera le changement le 20 septembre ? »
(Al Jazeera)




Shiloh, Cisjordanie occupée : cette colonie israélienne, à près de 30 km à l’est de la Ligne verte, semble un endroit inapproprié pour une discussion sur l’avenir possible d’Israël en tant qu’État binational.

Environ 2000 personnes vivent ici, perchées sur le haut d’une colline à quelques kilomètres au sud de Naplouse, dans une colonie isolée derrière des portes et des gardes armés. Lors des dernières élections à la Knesset, en 2009, plus de la moitié des colons de cette région de Cisjordanie ont voté conservateur : Likoud, Union nationale, ou l’un des partis religieux.

Au bas de cette colline, des archéologues procèdent à des fouilles à Tel Shiloh, que les juifs croient être le site du Tabernacle depuis près de 400 ans.

Pourtant, après des centaines d’entretiens avec des Israéliens au cours du mois écoulé, l’exemple le plus convaincant en faveur d’une solution à un État unique vient de ceux qui vivent ici, dans une colonie illégale située profondément en Cisjordanie. « Ce qu’ils appellent la solution à deux États n’est pas une solution » dit Netanel Elyashiv, résident de la colonie voisine d’Eli, qui a émigré de New York pour venir en Israël il y a huit ans.

« Les gens, qu’ils soient de gauche et de droite, sont déraisonnables. La droite veut que tous les Arabes s’en aillent, et la gauche pense que nous pouvons nous séparer et construire un mur entre nous », dit Elyashiv, qui est enseignant. « La réalité est binationale, et c’est ce que les gens doivent admettre. »

Il n’existe pas un soutien massif, en Israël comme dans les territoires palestiniens occupés, pour un État binational. Loin de là : une majorité non négligeable d’Israéliens, et entre 40 et 60 % des Palestiniens des territoires - selon les sondages - soutiennent encore une « solution à deux États ». Et tant le gouvernement israélien que l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) continuent de se déclarer favorables à l’idée d’une reprise des négociations pour aller à une solution à deux États.

Leurs actions durant le mois passé, cependant, laissent penser qu’ils n’y croient pas véritablement, et après quatre semaines dans la région, il m’est difficile d’échapper à la conclusion que l’objectif de créer deux États est tout simplement irréaliste.

« Je ne vois aucune issue »

La solution à deux États a déjà été déclarée défunte ; personne, cependant, ne semble jamais être allé le dire aux architectes du projet, de sorte que le mécanisme du « processus de paix » se poursuit inexorablement. Ainsi, peu après que Mahmoud Abbas ait prononcé son discours aux Nations-Unies, vendredi, Catherine Ashton et Tony Blair ont foncé devant les caméras, pressés d’annoncer que le Quartette était arrivé à une « formule » pour relancer les négociations entre Israël et l’OLP.

Mais leur annonce a eu l’air encore plus creux que la normale. Blair et Ashton ont tous deux admis que ni les Israéliens ni les Palestiniens n’étaient d’accord pour cette formule. Abbas n’a manifesté que peu d’intérêt.

Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, a dit qu’il appuierait la formule, mais simultanément, il rejetait les appels à un gel des constructions de colonies, l’un des principes de base du Quartette. Bien au contraire : le gouvernement israélien a annoncé cette semaine qu’il étudiait la construction de 1100 nouveaux logements dans Gilo, une colonie illégale à l’est de Jérusalem, en limite de Betlhéhem.

«  Avec cela, Israël réagit à la déclaration du Quartette avec 1100 "nons" » a dit Saeb Erekat, négociateur en chef de l’OLP.

Donc, c’était cela. Les membres du Quartette continuent de faire des déclarations et de tenir des réunions, mais cette dernière initiative en date, comme beaucoup d’autres avant elle, semble être tout simplement mort-née.

Le processus de paix va se poursuivre de son pas pesant, mais le sentiment monte chez les Israéliens et chez les Palestiniens - même chez ceux qui soutiennent une solution à deux États - qu’un tel résultat est simplement inatteignable. Pas tant que la politique israélienne sera dominée par un bloc de droite ; pas avec plus de 500 000 colons israéliens qui vivent en Cisjordanie.

« Je ne vois aucune issue par la négociation » admet Nabil Sha’ath, principal négociateur de l’OLP.

La montée de la droite

Sha’ath est pessimiste surtout parce que le gouvernement israélien refuse d’imposer un nouveau gel des constructions de colonies, et parce que leur intermédiaire, les États-Unis, n’a même pas fait défendu cette question.

Et même s’il l’avait fait, elle aurait été une cause perdue. Les chefs des quatre partis politiques - Likoud, Shass, Habayit Hayehudi (Maison juive) et Union nationale - ont envoyé une lettre à Netanyahu cette semaine l’exhortant à exercer des représailles contre la tentative de l’OLP pour une adhésion à l’ONU. Leur réponse préférée ? l’annexion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée.

Une telle initiative permettrait de codifier dans la loi la réalité existant en Cisjordanie. Elle rendrait aussi presque certainement une solution à deux États impossible : la Cisjordanie ne peut être intégrée dans un État palestinien viable si Israël annexe les 122 blocs de colonies à l’intérieur de ses frontières.

Ces partis politiques vont continuer à contrôler la politique israélienne dans un avenir prévisible. Un sondage réalisé en septembre pour Ha’aretz constate que la coalition de droite en Israël conserverait sa domination aux prochaines élections : le Parti travailliste, de centre gauche, gagnerait neuf sièges, mais ses gains se feraient au détriment du Kadima, qui en perdrait dix. De sorte que l’importance du bloc de centre gauche d’Israël resterait à peu près la même, et insuffisante pour former une coalition.

Les partis conservateurs dominants, à tout le moins, rejettent les conditions préalables à une reprise des pourparlers avec l’OLP, si ce n’est l’idée même des négociations.

Mais, même s’ils étaient prêts finalement à démanteler quelques colonies, Israël pourrait-il se le permettre ? Une récente étude montre qu’Israël a dépensé un million de shekels (plus de 200 000 ?) pour chaque homme, femme et enfant, qu’il a retiré de la bande de Gaza en 2005.

Et la Cisjordanie est beaucoup plus peuplée : 500 000 Israéliens vivent dans les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, à comparer avec les 9000 colons évacués de Gaza. Ce serait un coût exorbitant pour un pays secoué par des manifestations socio-économiques tout l’été (2011), provoquées en partie par les subventions déjà payées aux colons, aux dépens des Israéliens qui sont de l’autre côté de la Ligne verte.

« Le plus grand échec diplomatique »

Dans un tel contexte, l’enthousiasme débordant pour la candidature de l’OLP - 70 % des Israéliens pensent que leur gouvernement devrait accepter un vote « oui » aux Nations-Unies - apparait comme la vague d’un soutien désespéré à une idée en train de mourir.

Des commentateurs espèrent encore des initiatives politiques audacieuses pour restaurer le « processus de paix », mais la réalité politique - des deux côtés, mais particulièrement en Israël - laisse penser que rien ne se produira. Comme Carlos Strenger l’écrit dans Ha’aretz, Netanyahu « pourrait entrer dans l’histoire... comme l’homme qui a tué la solution à deux États ».

« Cette idée, la solution à deux États, est le plus grand échec diplomatique du siècle dernier » dit Elyashiv, résident de la colonie Eli. « Il faudra des décennies pour que nous arrivions à une solution ».

L’alternative, c’est un État unique, et c’est une alternative difficile, que la plus grande partie des Israéliens et des Palestiniens ne soutiennent pas.

D’un autre côté, cela reste, évidemment, en décalage fondamental entre le sionisme lui-même - dont l’objectif est de maintenir Israël en tant qu’État juif - et l’idée d’un État binational. Même sans un droit de retour pour les réfugiés, un État unique dans toute la Palestine historique aurait pratiquement autant de non-juifs que de juifs, et les taux de natalité plus élevés des non-juifs feront que ceux-ci surpasseront les juifs, ce n’est qu’une question d’années.

Un sondage réalisé l’an dernier par l’Institut israélien pour la démocratie montre que, si on demande quelle est la priorité entre le caractère juif d’Israël et sa gouvernance démocratique, les Israéliens qui choisissent le caractère juif sont les plus nombreux.

Et certains, des côtés, ne veulent tout simplement pas vivre ensemble. On a beaucoup parlé, il y a quelques semaines, à propos de la remarque de Maen Areikat, l’envoyé de l’OLP aux États-Unis, qui a déclaré que les Palestiniens et les juifs « devaient être séparés » dans l’avenir. On entend souvent des propos similaires de la part des conservateurs israéliens, lesquels estiment que « la Jordanie est l’État palestinien », une façon polie d’exhorter au nettoyage ethnique de la Palestine historique.

Mais la réalité incontournable, c’est qu’Israël a plus de deux millions de citoyens palestiniens ; et à moins d’un réalignement politique sans précédent, les 500 000 colons israéliens en Cisjordanie y sont probablement pour y rester.

Le mantra du « processus de paix » israélo-palestinien a longtemps été « Deux États pour deux peuples ». Mais ce slogan sonne creux quand les deux États contiennent déjà les deux peuples.


Gregg Carlstrom est journaliste pour Al-Jazeera, Greeg Carlstrom est basé à Doha, au Qatar. Suivre Gregg Carlstrom sur Twitter : @glcarlstrom

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5 octobre 2011 - Al Jazeera - traduction : Info-Palestine.net/JPP


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