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Soulèvement en Syrie : les Etats-Unis prennent la mauvaise voie

samedi 8 octobre 2011 - 05h:50

Ramzy Baroud

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L’ambassadeur des États-Unis en Syrie, Robert Ford, est un diplomate fougueux. Il se montre à l’improviste et sans y avoir été invité dans diverses zones de tension dans le pays, accueilli avec un enthousiasme qui varie mais souvent avec colère.

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Manifestation pro-Assad en Syrie

Quand il a fait une apparition tout à fait racoleuse dans la ville de Hama en juillet, les habitants l’ont paraît-il accueilli avec des fleurs. Mais son apparition à la maison d’un opposant à Damas le 29 septembre lui a valu une salve de tomates et de pierres de la part de manifestants en colère.

Bien évidemment - comme l’ont confirmé plusieurs documents publiés par Wikileaks - les diplomates américains ne se comportent pas de façon indépendante par rapport à l’organe principal de la politique étrangère américaine à Washington qu’est le département d’Etat. On peut aussi supposer sans trop de risque que les visites de Ford en Syrie pour afficher une soit-disant solidarité ne sont pas destinées à un public syrien. Nous savons tous ce que la grande majorité des Syriens pense de la politique étrangère américaine dans la région...

Ecrivant sur le site internet Gallup le 25 Juin 2009, Steve Crabtree avait présenté la décision prise par l’administration de Barack Obama d’envoyer un ambassadeur américain en Syrie (la première fois depuis six ans), comme un signal « important prouvant que l’on cherche une amélioration des relations entre les deux pays ». L’un des objectifs implicites de cette initiative était « « de réfréner un sentiment anti-américain très répandu chez les Syriens. »

Selon un sondage réalisé en mars 2009, près des deux tiers des Syriens (64%) ont une opinion défavorable à l’égard des États-Unis, et un plus grand nombre (71%) désapprouve l’actuelle leadership aux Etats-Unis. On pourrait faire valoir que de telles opinions sont logiques, compte tenu de la constante politique anti-syrienne des Etats-Unis, et de leur manque de soutien à l’égard du peuple syrien qui réclame la démocratie et des réformes.

Dans la dernière décennie, sinon en remontant plus loin encore, les Syriens ont constaté que les politiques américaines dans la région ont détruit deux pays parmi leurs voisins : l’Irak et le Liban. Depuis maintenant plusieurs décennies, ils ont vu aussi le soutien des Etats-Unis à l’occupation israélienne de la Palestine. Les attaques contre la Syrie au Congrès américain et les combines pour « faire reculer » Damas afin d’assurer la domination israélienne est encore une autre affaire. Peu de gens en Syrie s’imaginent que les intérêts du peuple en révolte sont au c ?ur des politiques américaines.

La Syrie a déjà survécu à la frénésie de changement de régime qui avait saisi les élites de Washington après leur « success story » en Irak. Cette survie a été rendue possible par deux raisons. L’une était la vive résistance en Irak après l’invasion américaine, qui contrariait le programme à long terme des Etats-Unis pour le pays. L’autre a été le nombre de concessions faites par le régime de Bachar al-Assad qui a parfaitement joué son rôle dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme. »

Les supporters d’Israël aux Etats-Unis - le gouvernement, les think tanks et les médias - étaient avec évidence frustrés que le gouvernement américain se soit trouvé contraint de se contenter d’un statu quo en Syrie. C’était défier les poncifs des néo-conservateurs du type de Richard Perle, Douglas Feith, David Wurmser et d’autres. Alors que les néo-conservateurs étaient prêts à passer à une nouvelle phase - celle qui allait au-delà de simplement « contenir la Syrie » - les circonstances n’étaient plus celles requises. D’où le retour importun de la politique d’endiguement où la Syrie pourrait se faire valoir comme le gardien de la résistance arabe, mais tout en veillant à ce que sa frontière avec Israël (ou plutôt son propre plateau du Golan occupé) reste calme.

Le peuple syrien a lancé son soulèvement en mars dernier, voulant gagner ses droits depuis si longtemps refusés. Le gouvernement a réagi avec la seule méthode qu’il connaisse : la brutalité, couplé avec des illusions de changement et de réformes. Le monde regarde les Syriens mourir en masse. Puis les combines politicienne ont commencé. Certains groupes syriens de l’opposition se sont organisés avec passion pour donner voix à leur peuple en Syrie même. D’autres se sont également organisés, même si leurs raisons n’étaient pas si dénuées d’intérêt.

« Le Département d’Etat a secrètement financé des groupes syriens d’opposition et leurs projets connexes, dont une chaîne de télévision par satellite qui diffusent des programmes anti-gouvernementaux dans le pays, selon des câbles diplomatiques non divulgué auparavant », a rapporté le Washington Post daté du 17 avril. Wikileaks a révélé au grand jour un programme américain fondé et financé par l’administration de George W. Bush et qui s’est poursuivi sous Obama.

« L’argent américain destiné à certains éléments de l’opposition syrienne, a commencé à couler sous la présidence de George W. Bush, après que celui-ci ait gelé les relations politiques avec Damas en 2005 », toujours selon le Washington Post. Alors qu’Obama se démarquait verbalement de son prédécesseur à la gâchette facile, nommant finalement un ambassadeur américain en Syrie en janvier, son administration a continué à organiser les contacts et à fournir secrètement des fonds à certains groupes et certaines personnalités de l’opposition.

Les Etats-Unis s’obstinent à vouloir appliquer les mêmes politiques ratées du passé, mais en s’attendant à des résultats différents à chaque fois. La fabrication d’une opposition irakienne qui a participé à la destruction de l’Irak (après l’invasion américaine de 2003) semble être le modèle utilisé par les décideurs américains en Syrie. Et cela est absolument voué à l’échec.

Les Etats-Unis mènent également la charge contre la Syrie aux Nations Unies, voulant une fois de plus coopter le Conseil de sécurité pour qu’il impose des sanctions paralysantes sur Damas. Ces sanctions se font déjà ressentir dans les rues de la Syrie, mais très peu parmi les élites - une caractéristique de toutes les sanctions américaines à travers l’histoire. Les prix de la plupart des denrées alimentaires de base ont déjà grimpé en flèche et cette tendance va probablement se poursuivre.

L’implication des Etats-Unis en Syrie est le deuxième plus grand danger auquel fait face le soulèvement syrien (le premier étant la cruauté du régime). Les sanctions et les menaces transformeront le conflit interne en une nouvelle agression américaine contre un régime arabe, par opposition à un véritable soulèvement populaire - voir une révolution- pour les droits des Syriens et l’avenir de leur pays.

Robert Ford est la simple expression d’une politique américaine toujours en échec. Son insistance à accaparer la scène diplomatique dans le pays recueillera l’attention des médias et peut-être un contrat pour un livre, mais pour l’instant cela devient une contrainte pour le soulèvement syrien, lequel pour triompher, doit rester indépendant des gesticulations américaines.

Et sur le long terme, les personnes compromises économiquement et militairement avec les Etats-Unis ne peuvent être de réels acteurs dans le façonnement du paysage politique en Syrie - ou n’importe où ailleurs au Moyen-Orient. En définitive l’avenir du peuple syrien sera déterminé par son propre courage.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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4 octobre 2011 - PalestineChronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : al-Mukhtar


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