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Le Hamas en ligne de mire
dimanche 30 décembre 2007 - Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
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27 novembre 2007 - Les miliciens d’Abbas répriment violemment à Hébron une manifestation pacifique contre le sommet d’Annapolis. Un des manifestants sera tué par balles - Photo : Stringer/MaanImages

Une nuit de novembre 2006, dans son bureau au 4e étage dans l’aile ouest du ministère israélien de la défense, le général Amos Gilad, chef du service du ministère de la sécurité politique, rencontrait Elliot Abrams, l’adjoint au conseiller nationale américain de sécurité. L’ordre du jour de cette réunion pour laquelle Abrams était venu spécialement à Tel Aviv n’avait qu’un seul point : comment s’assurer de la chute du Hamas après qu’il se soit avéré clairement que le siège imposé à la Cisjordanie et à la bande de Gaza n’a non seulement pas causé son effondrement mais a au contraire developpé le soutien au Hamas parmi les Palestiniens.

Comme l’a clairement montré récemment un ocumentaire en hébreu diffusé à la télévision israélienne, Gilad et Abrams ont convenu au cours de la réunion que 2007 verrait la chute du gouvernement du Hamas et préparerait le terrain aux conditions politiques parmi les Palestiniens pour empêcher la réélection du mouvement. Ainsi le but principal d’Israël et de l’administration des Etats-Unis en 2007 était la chute du Hamas. Au cours de la réunion mentionnée ci-dessus, Abrams a mis en avant que des moyens originaux devaient être utilisés pour atteindre ce but, en coordination avec Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité Palestinienne [AP]. Dans sa publication datée du 29 mars 2007, le journal israélien Haaretz a parlé de cette réunion et a affirmé qu’Abrams avait défendu l’idée que la direction de l’AP avait un rôle fondamental à jouer pour la réalisation de leurs buts. Haaretz a cité Abrams comme disant que la direction de l’AP devait prendre des mesures politiques et militaires pour renverser le Hamas, en particulier en utilisant contre lui les agences palestiniennes de sécurité.

Si l’on regarde en arrière, il est clair que tous les événements qui se sont produits sur la scène palestinienne en 2007 ont tourné autour de cet objectif. Le 16 décembre 2006, Abbas annonçait soudainement dans un discours prononcé depuis Ramallah qu’il avait publié un décret pour l’organisation d’élections législatives et présidentielles anticipées, sans coordination avec le Hamas et après avoir lancé une diatribe contre lui. Ce décret était étonnant parce qu’il venait juste après que le Hamas ait donné son approbation au document « d’accord national » pour lequel Abbas était si enthousiaste. Ce document décrivait les voies à suivre pour résoudre les désaccords internes et tous les courants politiques palestiniens y avaient souscrit.

Dans le mouvement Hamas, le discours d’Abbas a été considéré comme étant la première étape d’un plan pour renverser le gouvernement d’Ismail Haniyeh. La direction du mouvement a fait la liaison entre ce discours et la tentative d’assassinat contre Haniyeh au poste-frontière de Rafah lors de son retour d’Egypte deux jours plus tôt, et de la tentative d’assassinat contre son ministre de l’intérieur, Said Siyyam, le 10 décembre 2006. En réponse au décret présidentiel d’Abbas, le Hamas a organisé des manifestations de protestation, et celles-ci ont mené à des affrontements entre d’un côté les membres des agences de sécurité de l’AP et des miliciens du Fatah, et de l’autre côté les forces du ministère de l’intérieur et de l’aile militaire du Hamas.

Ces confrontations ont représenté la première étape du combat fratricide qui a duré 53 jours et a eu pour conséquence 117 morts dont 10 enfants, et 655 blessés dont 44 enfants. Dans cette vague de violence, 39 institutions ont été visées, dont 15 bâtiments de gouvernement, six ONGs et un établissement international. Pendant cette période, la tension entre le Fatah et le Hamas s’est étendue à la Cisjordanie tandis que les agences de l’AP recevaient de grandes quantités d’armes et de munitions en provenance des pays arabes. L’administration américaine a fourni une importante aide financière à Abbas, dont 86,4 millions de dollars aux forces de sécurité fidèles au président de l’AP. L’administration a justifié ce versement en disant qu’il visait à aider les agences d’Abbas à respecter les engagements pris par l’AP — en particulier le démantèlement de l’infrastructure « terroriste » en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Il était clair que dans le cadre d’une confrontation générale le Hamas prendrait le dessus sur les agences de sécurité d’Abbas. Pourtant le Hamas a pris Abbas par surprise quand il a gagné le contrôle du nord de la bande de Gaza en un temps record. A ce moment-là des divergences sont apparues parmi les gradés du Fatah, en particulier entre le courant mené par Ahmed Halas, ancien secrétaire du Fatah dans Gaza, et Mohamed Dahlan, conseiller de la sécurité pour Abbas. Dès le début Halas avait condamné le fait que le Fatah se précipitait dans un plan israélien-américain ; position qui a mené à son renvoi.

Après que sept accords de cessez-le-feu aient échoué, le gouvernement saoudien a réussi à convaincre les deux côtés de se réunir à la Mecque pour discuter de la réconciliation. Le Hamas et le Fatah ont conclu accord nommé ensuite « lccord de la Mecque », dans le cadre duquel le Hamas faisait une concession politique importante : l’approbation de l’initiative arabe pour la paix [congrès de la Ligue Arabe - Beyrouth année 2000]. A été également convenu qu’un gouvernement national d’unité serait formé, et des accords ont été négociés pour un partenariat politique entre le Fatah et le Hamas et la restructuration de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

Pourtant les questions sur le terrain étaient bien plus graves que ce qui était recconu dans le texte de l’accord. Excepté pour la formation d’un gouvernement national d’unité, aucune discussion n’a eu lieu sur la question du partenariat politique, et Abbas a refusé de discuter la restructuration de l’OLP. D’ailleurs, le partenariat dans le gouvernement d’unité était largement superficiel avec des ministres du Fatah et du Hamas rendant compte à des autorités différentes et opposées.

En attendant l’Amérique a continué à pousser Abbas et ses agences [de sécurité] à ne pas appliquer l’accord de la Mecque. Dans son analyse datée du 19 juin 2007, le journal Haaretz a reproduit un document préparé par Alvaro De Soto, représentant des Nations Unies au Quartet international, accusant l’administration des Etats-Unis d’encourager une guerre civile intra-palestinienne pour que s’effondre le gouvernement du Hamas. Quant au rôle d’Abbas et de ses associés les plus proches, Soto a écrit que « des conseillers proches d’Abbas nous ont confié en privé avoir mis au point un plan d’action pour dissoudre le gouvernement du Hamas. »

A la mi-mars, le conseiller américain pour la sécurité qui supervisait la coordination entre les agences de sécurité d’Abbas et Israël a dévoilé un plan visant à casser le gouvernement national d’unité. Ce plan liait la survie de ce gouvernement [d’unité] à son acceptation des conditions du Quartet international. De ce point de vue, des préparatifs pour provoquer des affrontements avaient été réalisés. Ce qui était planifié a eu lieu et les combats ont repris entre d’une part les agences de sécurité d’Abbas et les groupes affiliés au Fatah et le Hamas d’autre part.

C’était la deuxième phase du combat fratricide, avec comme conséquence 84 morts, dont 22 civils et parmi eux cinq femmes et enfants, et 600 blessés. Alors que le soleil se levait le 15 juin, le Hamas avait pris le contrôle de tous les bâtiments importants des services de sécurité dans Gaza. La plupart des responsables des agences de sécurité s’étaient sauvés bien que Hamas ait pris et fait connaître une décision d’amnistie générale qui les protégeait.
La position d’Abbas face à ces évènements a été décisive. Il a démis le gouvernement d’Haniyeh, le considérant comme illégitime, et a interdit les activités du Hamas en Cisjordanie tout en formant un nouveau gouvernement dirigé par Salam Fayyad. Le monde a réagi à l’action du Hamas en reconnaissant le gouvernement de Fayyad et en rétablissant l’aide financière à son profit. Cette aide a contribué à confiner la prise de contrôle par le Hamas à la bande de Gaza et a entraîné la mise en place de deux contextes économiques séparés entre la Cisjordanie et Gaza afin d’encourager les Palestiniens dans Gaza à se rebeller contre la domination du Hamas.

Mais Abbas ne s’est pas contenté de ces mesures. Il a donné de strictes instructions pour que le Hamas soit pourchassé à travers la Cisjordanie, que ses militants soient arrêtés et ses institutions fermées. Les organisations palestiniennes des droits de l’homme ont confirmé que des centaines de militants du Hamas ont été arrêtées et que nombre d’entre eux ont été cruellement torturés.

Cette nouvelle situation a conduit le gouvernement de Fayyad à prendre des décisions qu’il n’avait pas osé prendre jusque là. Son ministre de l’intérieur, Abdul-Razeq Al-Yehia, a alors annoncé que l’Autorité Palestinienne [AP] avait promis à Israël de démanteler les organisations militaires de tous les mouvements de la résistance palestinienne. Dans tous les cas, depuis que le Hamas a pris le contrôle de Gaza, Israël et les Etats-Unis ont expliqué à Abbas que s’il reprenait langue avec le Hamas ils couperaient toute relation avec lui.

La réunion d’Annapolis tenue à l’invitation du président Bush a servi à approfondir la cassure entre le Hamas et Abbas. Au cours de la réunion Tel Aviv et Washington ont réussi à tirer d’Abbas un engagement clair et direct de renforcer sa rupture avec le Hamas ainsi qu’avec les autres groupes de la résistance. L’accord formulée par Abbas de mettre en application la première étape de la feuille de route, laquelle oblige Abbas à détruire « l’infrastructure de la terreur » des mouvements de résistance, à les désarmer et à faire cesser l’incitation [à la résistance] contre Israël, signifie que la probabilité d’un dialogue avec le Hamas est nulle.

Pourtant en dépit des succès israélo-américains dans les provocations à la division entre les mouvements palestiniens, 2007 est quasi terminé sans que ni Tel Aviv ni Washington n’ai abouti dans leur projet de mettre à bas le gouvernement du Hamas. On s’attend par conséquent à ce qu’en 2008 Israël lance une campagne militaire majeure dans la bande de Gaza afin de frapper l’infrastructure militaire et l’organisation du Hamas et provoquer ainsi l’effondrement de son gouvernement.

Israël a en effet entrepris des préparatifs dans ce but, bien que les responsables israéliens craignent l’éventualité que leur armée puisse échouer. Il est cependant prévisible qu’Israël entreprenne cette campagne durant le premier trimestre de 2008, avec pour objectif de détruire l’infrastructure et l’organisation militaire du Hamas, d’occuper Gaza, de la placer sous le contrôle de l’OTAN ou de l’Union Européenne, puis ensuite sous le contrôle de l’AP d’Abbas.

Il est difficile de garantir le succès de ce scénario, car même si Israël peut prendre le contrôle de Gaza, il lui sera difficile de faire cesser toutes les opérations de résistance. Israël a occupé la bande de Gaza avec son armée présente dans ses rues et ruelles pendant plus de 38 années, mais la résistance n’a jamais cessé. Le Hamas tirera certainement bénéfice d’une campagne militaire israélienne parce qu’Israël se retrouverait en charge de fournir les services de base et l’aide humanitaire à la population du territoire occupé.

Et si Abbas revient à Gaza à la suite de la réoccupation israélienne, les Palestiniens le considéreront comme un simple collaborateur. D’ailleurs, Israël doute de la capacité d’Abbas à gérer les affaires de la bande de Gaza une fois parties les forces israéliennes. Le fait que 2008 verra probablement de nouvelles élections législatives en Israël avec des gains pour la droite la plus extrême rend la question encore plus compliquée. La marge de manoeuvre d’Abbas et des états arabes qui le soutiennent n’en sera que plus réduite.

La survie du Hamas à travers tous ces développements à venir renforcera sa légitimité, et plus personne ne pariera sur des négociations avec Israël. On s’attend à ce que le Hamas comprenne la leçon et qu’à la suite de la campagne militaire [israélienne] contre la bande de Gaza, il agisse pour mettre fin à l’AP sous sa forme actuelle et oblige le monde à prendre ses responsabilités envers les Palestiniens.

Dans des circonstances extrêmement complexes et en particulier dans une région comme la nôtre, il est difficile de prévoir des événements exactement de la façon dont ils se dérouleront. Pourtant, tous les indicateurs suggèrent que 2008 verra des changements importants et dramatiques.

Du même auteur :

- De Balfour à Bush
- Yasser Arafat doit se retourner dans sa tombe
- Compte à rebours avant l’offensive israélienne sur Gaza
- Se préparer au pire

28 décembre 2007 - Al Ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/877...
Traduction : Claude Zurbach