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2 janvier 2009 : la douleur d’Eyad al-Astal
jeudi 26 janvier 2012 - PCHR Gaza
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Eyad al-Astal et ses enfants

L’heure indiquait 14h30 en ce 2 janvier 2009 lorsqu’un drone israélien a tiré un missile sur une zone ouverte dans le village de Qarara, près de Khan Yunis. En ce jour et lieu fatidiques, les frères al-Astal et leur cousin étaient en train de jouer et de manger des cannes à sucre. Le missile qui venait de frapper a tué sur le coup les deux frères Mohamed et Abed Rabbo et leur cousin Abdul Sattar, âgés respectivement de 12, 9 et 11 ans.

Le papa, Eyad al-Astal se souvient des moindres détails ayant précédé et suivi l’incident. Il raconte : « J’étais à la maison au moment où la déflagration s’est fait entendre pas loin de chez nous, alors qu’un drone israélien survolait le ciel au-dessus de nos têtes. Dix minutes plus tard, mon frère Ibrahim, âgé de 28 ans vint à ma maison pour m’informer que l’obus israélien a tué mes deux garçons et leur cousin. Sans m’en rendre compte, j’ai quitté la maison à la hâte en direction de l’endroit du massacre qui était à 250 mètres de chez moi, et là, je me suis retrouvé devant une scène macabre : un trou profond entaché de traces de sang et de fragments de chair ».

Aujourd’hui, la mort des enfants d’Eyad boucle les trois années. Malgré tout ce temps, le père vit avec les souvenirs les plus intenses. Il avoue : « Chaque jour et chaque minute me paraissent comme l’instant où j’ai perdu mes deux garçons. Je n’arrive pas à les oublier et ma douleur refuse de s’apaiser car tout autour de moi porte un souvenir d’eux ».

Et comme les souvenirs peuplent la vie des al-Astal, Eyad tente de retracer la vie de la famille en l’absence de Mohamed et Abed Rabbo : « Bien évidemment, toute notre existence a chamboulé depuis leur mort. Je les vois partout même à travers les garçons de leur âge. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas encore réussi à combattre mon chagrin et pouvoir regarder leurs photos, c’est un sentiment pénible ».

Puis il poursuit : « J’ai tout le temps l’envie de pleurer mais je me retiens, contrairement à mon épouse Jawaher qui, elle, pleure chaque jour, même si elle essaie de dissimuler ses larmes de moi. La pauvre évite de remuer le couteau dans la plaie. En compagnie de sa mère, Jawaher visite souvent les tombes des enfants, chose que je ne peux endurer. J’y suis parti deux fois uniquement et je ne suis pas prêt de revivre la même sensation : je ne puis poser le regard sur les tombes qui les couvrent ».

En effet, les deux défunts étaient les aînés de leurs parents. La famille compte également cinq filles et deux autres garçons. Ces derniers étaient trop jeunes ou n’étaient pas encore nés lorsque les grands frères ont été tués. Le plus jeune de la fratrie est né un an et demi après la guerre et n’aura aucun souvenir de cette époque. Eyad avoue : « Les enfants nous demandent souvent où sont leurs frères, ce à quoi nous répondons qu’ils ont été tués, qu’ils sont des martyrs et se trouvent actuellement au paradis ».

Le souvenir des garçons est sur le bout de la langue d’Eyad. Il reconnait : « Mon fils Khaled ressemble énormément à son frère Mohamed, au point où quand je veux appeler Khaled, je me trompe et je prononce Mohamed ». Ainsi, et dans le souci de rester ferme pour résister, Eyad essaie de ne jamais rester sans rien faire et de s’occuper en rencontrant des gens pour se divertir et poursuivant son travail de maçon.

Mais d’autre part, la mort tragique des enfants d’Eyad le laisse hanté par les peurs et soucis au sujet de la sécurité du reste de ses enfants. Il reconnait qu’autrefois, il leur permettait d’aller partout, et à n’importe quel moment, même quand les explosions et les tirs faisaient rage. Cependant, depuis la mort de Mohamed et d’Abed Rabbo, le père est devenu anxieux et craintif au point où il préfère que ses enfants restent dans la maison. Il explique : « Je vis constamment avec l’angoisse d’un éventuel incident qui risque de nuire à mes enfants, surtout à Khaled qui est maintenant en première année. Son école est à un kilomètre de la maison, mais pendant son trajet, je panique. Si l’éducation n’était pas une arme solide pour son avenir, j’aurais interdit à mon fils de dépasser le seuil de la maison ».

Les enfants aussi sont conscients du danger des drones qui ont tué leurs frères. Ils connaissent l’engin qu’ils voient souvent dans le ciel. De ce fait, souligne Eyad, les enfants « ont peur de sortir lorsqu’ils entendent le bruit du drone. Ils pensent que s’il sortent, l’appareil finira par les bombarder comme il a fait avec leurs aînés ».

Et le jour de l’incident, faut-il le rappeler, Mohamed et Abed Rabbo se trouvaient dans une zone ouverte située à environ trois kilomètres de la frontière avec Israël. A ce titre, Eyad explique : « Les enfants avaient l’habitude de jouer dans cette zone car notre parcelle de terrain n’est pas loin : il s’agit d’une zone résidentielle agricole qui n’a rien à voir avec les hostilités ».

Et pour finir, il faut reconnaitre que ces trois années n’ont fait que conforter Eyad dans son scepticisme à l’égard de l’avenir. En effet, et vu l’impunité qui règne, il avoue : « Les israéliens négligent nos droits. Ils tuent nos enfants et emploient les grands moyens pour raser nos terres sans que personnes ne daigne leur demander des comptes. S’agissant de notre plainte, je ne m’attends pas à ce que la cour israélienne lui réserve une suite favorable, même si je l’espère au fond. Tout est possible avec eux et je peux même imaginer qu’ils viennent me tuer avec mes enfants ».

En date du 23 juin 2009, le PCHR a soumis une plainte pénale aux autorités israéliennes au nom de la famille al-Astal. A ce jour, aucune suite n’a été donnée.

Consultez également :

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- 31 décembre 2008 : la famille Abu Areeda
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2 janvier 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha