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Changer les lois de la guerre

mardi 7 avril 2009 - 07h:43

George Bisharat

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L’ampleur de la brutalité israélienne contre les civils palestiniens lors de son déchaînement de 22 jours dans la bande de Gaza fait progressivement surface.

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Toute une foule prie devant les dépouilles de la famille Salha, massacrée par les israéliens le 9 janvier 2009 - Photo : Wissam Nassar/MaanImages

Les soldats israéliens témoignent que le laxisme concernant les règles de combat, équivalent à un pur et simple permis de tuer. Un soldat a raconté : « C’est cela qui est censé être si plaisant au sujet de Gaza : Vous voyez quelqu’un sur une route, faisant son chemin. Il n’a pas besoin d’avoir avec lui une arme, ni d’être en quoi que ce soit identifié, et vous pouvez juste le tuer. »

Ce qui moins est apprécié est la façon dont Israël violente aussi le droit international, d’une manière qui laissera longtemps des traces après la démolition de Gaza.

Depuis 2001 les juristes militaires israéliens ont tout fait pour redéfinir les opérations militaires en Cisjordanie et dans la bande de Gaza depuis le modèle policier imposé par l’occupation vers celui d’un conflit armé. Sous l’ancien modèle, les soldats d’une armée de occupation doivent arrêter des adversaires plutôt que les tuer, et doivent généralement employer la force minimum pour contrôler des mouvements d’opposition.

Tandis que dans un conflit armé les militaires sont encore contraints par les lois de la guerre — dont le devoir de faire la distinction entre les combattants et les civils ainsi que le devoir d’éviter des attaques causant des torts disproportionnés aux civils ou aux propriétés — la norme permet un usage bien plus grand de la force.

Israël a poussé à cette évolution [sémantique] afin de justifier ses assassinats de Palestiniens dans les Territoires Occupés. Ces assassinats qui sont une claire violation du droit international. Israël s’est déjà rendu coupable de « massacres ciblés » dès les années 70 — niant toujours ce qu’il faisait — mais a plus récemment intensifié leur fréquence par des moyens impressionnants (tels que des attaques aériennes) qui ont rendu tout démenti futile.

L’ancien président des États-Unis Bill Clinton avait chargé le 2001 Mitchell Committee d’étudier les causes du deuxième soulèvement palestinien, et de faire des recommandations pour ramener le calme [tout relatif - N.d.T] dans la région. Les juristes israéliens ont défendu leur approche du conflit devant le comité en question, lequel a répondu en critiquant l’application sans frein du modèle au soulèvement mais sans le rejeter complètement.

Aujourd’hui la plupart des observateurs — dont Amnesty International — acceptent tacitement l’approche israélienne du conflit à Gaza en tant que conflit armé, leur critique des actions israéliennes se faisant en termes de l’obligation de distinction [entre civils et combattants] et du respect du principe de proportionnalité. Cette évolution, si elle se confirme, encouragerait les occupants [dans le monde] à suivre l’exemple israélien, généralisant le contrôle militaire tout en rejetant toutes les responsabilités sur les populations vivant sous occupation.

Le forcing israélien pour récrire le droit international à son avantage est délibéré et en toute connaissance de cause. Comme ancien chef de la division de droit international dans l’armée israélienne [Military Advocate General’s office], Daniel Reisner a récemment statué : « Si vous faites quelque chose suffisamment longtemps, le monde finira par l’accepter. La totalité du droit international est maintenant basée sur la notion qu’un acte qui est prohibé aujourd’hui sera autorisé demain s’il est pratiqué par suffisamment de pays... Le droit international progresse par les violations qu’il subit. Nous avons inventé la notion des assassinats ciblés et nous avons été obligés d’insister. D’abord il y a eu des réticences qui l’ont rendue difficile à imposer dans les cadres légaux. Huit ans après, cette notion est à deux doigts d’être légitimée. »

Dans l’attaque contre Gaza, Israël a une nouvelle fois tenté de transformer le droit international à travers ses violations. Par exemple, ses juristes militaires ont autorisé le bombardement d’une cérémonie de remise des diplômes de cadets de la police, massacrant au moins 63 jeunes gens palestiniens. En vertu du droit international, de tels massacres délibérés de policiers civils sont des crimes de guerre. Pourtant Israël traite comme « terroristes » tous les employés du gouvernement dirigé par le Hamas dans la bande de Gaza, ainsi que les combattants. Secrétaires, conseillers juridiques, logements de fonctions, juges : aux yeux israéliens, tout est une cible à liquider légitimement.

Les juristes israéliens ont également enseigné aux commandants militaires que tout Palestinien qui n’a pas évacué un bâtiment ou un secteur après que des avertissements aient été donnés sur un bombardement imminent, était « un bouclier humain volontaire » et participait ainsi au combat, devenant l’objet d’une attaque légale. Une méthode d’avertissement utilisée par les artificiers israéliens, nommée « frapper sur le toit, » est de tirer d’abord sur un coin d’un bâtiment, puis de frapper plus directement quelques minutes plus tard les points vulnérables. Imaginez comment les civils dans Gaza — encerclés dans ce territoire minuscule par les troupes israéliennes et entouré par le chaos des combats — pouvaient comprendre ce signal au mieux fantaisiste.

Israël a une longue histoire d’abus du droit international restés impunis, sa colonisation de la Cisjordanie depuis plusieurs décennies étant parmi les plus flagrantes. Il faut reconnaître qu’une grande partie du monde a refusé de ratifier les violations d’Israël. Mais notre gouvernement [des Etats-Unis] reste une exception, fournissant fréquemment une couverture diplomatique aux abus israéliens.

Nos diplomates ont appliqué 42 fois leur droit de veto aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, mettant Israël à l’abri des conséquences de son comportement souvent en dehors des lois.

Nous devons maintenant casser cette habitude, sous peine de voir le droit international perverti par des moyens qui nous nuirons à tous. Notre gouvernement a déjà été influencé pour suivre en Afghanistan et ailleurs l’exemple israélien des tueries ciblées. Cette politique se fait au détriment des civils — innocents tués et blessés dans ces frappes brutales — et approfondit la détermination des ennemis de nous nuire par tous les moyens possibles.

Nous ne tolérerions pas que la police civile aux Etats-Unis soit massacrée dans des bombardements, ni que quiconque vienne toquer « sur nos toits. » Dans notre propre intérêt comme dans celui du monde, l’impunité d’Israël doit cesser.


* George Bisharat est professeur à l’université de Californie de la faculté de droit Hastings. Il est expert en droit pénal et en affaires juridiques et politiques du Moyen-Orient. Il dirige le Centre de pratique criminelle à San Francisco et enseigne la procédure pénale. Il peut être joint à l’adresse : bisharat@uchastings.edu.

Du même auteur :

- Israël au banc des accusés - 6 avril 2009
- Un double standard s’applique au droit à l’éducation - 20 septembre 2007
- Boycott : cibler Israël - 17 août 2007
- Le mirage de la solution à deux Etats - 5 juin 2007

2 avril 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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