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Une troisième Intifada en gestation

lundi 3 novembre 2008 - 06h:37

Ramzy Baroud

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Une « troisième Intifada » impliquerait que la seconde soit terminée. Mais l’est-elle vraiment ? Ou a-t-elle simplement perdu son l’élan, le sens de ses objectifs et sa direction ? interroge Ramzy Baroud

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Photo Musa Al-Saher/PalestineChronicle.com

Lors d’une récente conférence, j’ai été à plusieurs reprises questionné sur les perspectives d’un troisième soulèvement palestinien, ou Intifada. La question, bien qu’apparemment peu compliquée, est lourde d’implications et importante et ne peut être traitée en deux minutes.

Une « troisième Intifada » impliquerait que la seconde soit terminée. Mais l’est-elle vraiment ? Ou a-t-elle simplement perdu son l’élan, le sens de ses objectifs et sa direction ? Ou son énergie a-t-elle été dilapidée — en tant que soulèvement populaire — vers des conflits entre organisations et une division interne ?

Certains de ses dirigeanst du tout début ne sont plus impliqués aujourd’hui, et un soulèvement disposant de cohésion ne peut pas exister si un trop grand nombre de ses acteurs ont changé de bord, inversé les rôles, ou sont devenus tout à fait absents. Pour aborder ce sujet de façon plus pratique, la première Intifada surgie en 1987 doit être soigneusement analysée.

Les révoltes collectives palestiniennes ne sont pas une réponse particulière à des problèmes particuliers générés par des présences étrangères, qu’il s’agisse par exemple du mandat britannique, des projets coloniaux sionistes, de l’occupation israélienne, et ainsi de suite. Ce qui est souvent absent [des analyses], ce sont les facteurs internes qui préoccupent les masses palestiniennes, tels que les échecs de leur leadership, les divisions, les volte-face, la corruption, le népotisme etc...

Le soulèvement de 1987 correspondait à ce modèle, bien qu’il ait certainement entraîné une évolution du paradigme. D’une part, c’était un cri collectif pour la justice en même temps qu’une réelle tentative de mettre un terme à l’occupation israélienne des terres palestiniennes occupées en 1967. Mais ce soulèvement a également représenté le désir instinctif des Palestiniens de reprendre en main leur lutte qui avait été trop longtemps contrôlée de l’étranger : la Jordanie, le Liban, puis plus ou moins la Tunisie.

Les Palestiniens des territoires occupés avaient profondément conscience que leur situation si pénible s’était transformée en lutte de pouvoir entre diverses factions basées dans différentes capitales arabes, et que leurs conflits étaient peu idéologiques mais avaient plus à voir avec des questions de contrôle, d’argent et de statut.

Le premier soulèvement a rapidement formulé ses propres revendications, mécanismes et symboles, reflétant l’unité d’objectif parmi les Palestiniens. En fait l’emphase manifeste sur « l’unité nationale » dans les symboles et les slogans de l’Intifada était un signe limpide de dénonciation de la division inter- palestinienne et du sectarisme.

Bien que la réponse israélienne à la première Intifada ait été mortelle, elle est à peine comparable à la réponse encore plus violente lors du second soulèvement en 2000. Le gouvernement israélien a voulu écraser la révolte avant qu’elle n’ait pu trouver son rythme et se transformer en soulèvement populaire à long terme. Israël a également agi sous le couvert du mensonge selon lequel ce soulèvement avait été monté de toutes pièces par le défunt dirigeant de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, afin d’extirper des concessions politiques.

Le fait est qu’Israël et l’Autorité Palestinienne (AP) — liés par les Accords 1993 d’Oslo en tant qu’alternative à une OLP omniprésente — ont été complètement prises par surprise lorsque les Palestiniens défiants sont descendus dans la rue, pas simplement contre l’occupation israélienne mais également contre les atermoiements de leurs propres dirigeants et la corruption endémique de ceux-ci.

Si nous devons accepter l’idée que la deuxième Intifada est close, ou se soit terminée par un combat corps-à-corps entre le Fatah et le Hamas, alors un examen de ses résultats est nécessaire. Bien que la deuxième Intifada n’ait pas permis de mettre fin à l’occupation israélienne, elle a certainement eu un impact sérieux sur les institutions politiques en Palestine. Elle a entraîné la mise en place d’une autre direction, celle du Hamas, et a imposé une large remise en cause dans le mouvement autrefois le plus important, le Fatah.

Le deuxième soulèvement a considérablement miné l’Autorité Palestinienne et par conséquent les Accords d’Oslo à qui celle-ci doit son existence, renforçant ainsi le besoin d’institutions politiques alternatives — et vraiment représentatives — comme pourrait l’être une OLP réformée.

En effet, chaque grande insurrection palestinienne dans le passé a eu comme conséquence de nouvelles et difficilement prévisibles réalités, et en dépit de toutes les tentatives, le statu quo qui a caractérisé les périodes pré-insurrectionnelles est souvent considéré ensuite comme négligeable. De nouveaux visages, noms, priorités, slogans et symboles apparaissent alors dans le même temps, bien qu’ils soient tous mués par un éternel désir de justice, de véritable paix et de liberté.

Les méthodes israéliennes pour soumettre les Palestiniens et écraser les soulèvements ont également produit de nouvelles réalités, de nouveaux seuils et nouvelles relations. Les méthodes telles que les murs énormes, les nouvelles colonies et les armes de meurtres de masse compliquent encore l’existence déjà douloureuse des Palestiniens vivant sous occupation et hypothèquent les résultats des révoltes à venir.

La première Intifada a eu lieu sur place, et a mis en avant des directions locales qui ont concurrencé la vieille garde sur tous les fronts y compris le droit de reformuler les aspirations palestiniennes. La deuxième Intifada a considéré les accords d’Oslo et sa « culture de paix », comme un processus sans valeur qui n’a en rien amélioré la redoutable situation sur le terrain — bien que ces accords aient assuré la promotion financière et politique d’une classe spécifique de Palestiniens.

A présent les Palestiniens se trouvent dans une situation transitoire dont les résultats sont incertains. Nous constatons plus de questions que de réponses : où nous mènera le désaccord entre le Fatah et le Hamas ? Le Fatah va-t-il conserver sa structure actuelle ? Pour combien de temps ? Les Palestiniens continueront-ils à adhérer à la revendication autrefois incontestée d’une solution à deux-état ? Et quel est le niveau de crédibilité de cette formule dans les circonstances présentes, où une séparation claire est compliquée sinon totalement impraticable ? Comment la cassure géopolitique entre la Cisjordanie et Gaza évoluera-t-elle dans les années à venir ?

Les soulèvements palestiniens sont souvent une réponse collective à des questions difficiles. Il est probable que la prochaine Intifada — car il est certain qu’il continuera à s’en produire tant que perdurera l’occupation — signifiera à nouveau un rejet populaire des défauts qui ont pénalisé la cause palestinienne. Cette Intifada réaffirmera à nouveau le rôle déterminant, sinon principal du peuple palestinien en tant que vrai propriétaire de son destin et protecteur de ses propres luttes.

Du même auteur :

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

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3 novembre 2008 - Diffusé par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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