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Obama en Israël : bienvenue au club !

mardi 5 août 2008 - 06h:55

Ramzy Baroud

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Obama a aussi reçu un T-shirt sur lequel était inscrit « Sderot aime Obama ». Mais il s’est bien gardé de visiter le camp de concentration de Gaza pour y découvrir ce que les Palestiniens pensaient de lui...

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Au centre le maire de Sderot, entouré d’Obama et du boucher Barak - Photo : David Silverman/Getty Images

Le départ de Bush de la Maison Blanche est anticipée dans la région arabe avec des soupirs de soulagement. Mais qu’en sera-t-il sous le prochain président des Etats-Unis : plutôt la même chose, indépendamment de qui gagnera l’élection ? ou alors un changement ?

Il est exact qu’Obama a promis un certain degré de retrait d’Irak et un certain niveau de communication avec l’Iran. Mais ces promesses sont ambiguës et peuvent être facilement oubliées à tout moment pour s’adapter à des intérêts et des pressions politiques. N’importe quel redéploiement militaire en Irak, nous dit-on maintenant, sera accompagné avec un renforcement de la présence militaire en Afghanistan, un signe que la mentalité qui a motivé les faucons dans l’administration de Bush doit encore changer ; la leçon selon laquelle les bombes n’apportent pas à paix doit encore être assimilée.

Quant à parler avec l’Iran, il s’agit d’une promesse peu précise. Tout d’abord, divers responsables dans l’administration Bush avaient déjà engagé des discussions avec l’Iran — il est vrai dans quelques réunions discrètes, mais ils ont néanmoins discuté avec Téhéran — sur des sujets ayant trait aux intérêts américains et non pas israéliens (c.-à-d. la guerre d’Irak). D’ailleurs, dans ce qui a été largement vu comme « une évolution de la politique », le diplomate américain William Burns s’était joint aux envoyés de Chine, de Russie, de France, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et de l’Union Européenne dans leurs entretiens avec Téhéran à Genève le 19 juillet. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad s’était félicité de la participation américaine et du « respect » manifesté par le délégué américain au cours de la réunion.

Les déclarations d’Obama pour tranquilliser Israël quant à sa proposition de s’entretenir avec l’Iran sont des plus alarmantes. Il a inlassablement répété que « l’option militaire » restait sur la table pour garantir la sécurité d’Israël. Est-ce que ceci n’est pas exactement la même marque déposée que la politique infusée sous l’administration Bush et qui a par la suite mené à la guerre contre l’Irak ? Les Etats-Unis épuiseront chaque voie diplomatique, mais « l’option militaire » reste sur la table. C’était l’essentiel du message répété par les prêcheurs de guerre à la Maison Blanche durant les deux mandats de Bush. Faut-il encore prouver qu’une telle attitude n’est pas vraiment le reflet d’une diplomatie bien intentionnée ?

Ce qui est également dangereux dans l’attitude d’Obama, c’est qu’il pourrait être, et est déjà, soumis à des pressions pour équilibrer son attitude apparemment mesurée sur l’Irak et l’Iran en exagérant la position pro-israélienne de son pays de telle manière que cela fera dérailler n’importe quelle possibilité d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien, au moins pendant durant son mandat. En réalité, les signes inquiétants de cette pression et le fait qu’il y succombe sont suffisants, le dernier étant sa déclaration, avant sa visite, que Jérusalem devait rester non-divisée, une position qui nie le droit international et l’attitude adoptée par les divers gouvernements des États-Unis y compris celui de Bush.

Inutile de répéter ce qu’Obama a claironné pendant sa visite en Israël, parce qu’une telle rhétorique est devenue sans surprise. Son « engagement » envers Israël et la permanente « relation spéciale » qui unit les deux nations ont été généreusement rappelés. Obama a promis de faire l’impossible pour assurer la sécurité d’Israël et pour empêcher l’Iran d’obtenir la bombe atomique. Quant aux Palestiniens, il semble profondément intéressé à s’impliquer avec leurs forces non-démocratiques, et il évite ceux qui osent contester la ligne officielle tout à fait partiale de son pays qui a contribué d’innombrables manières à faire perdurer le conflit.

Obama s’obstine à ne pas s’attaquer à l’aveuglement officiel des Etats-Unis qui a contribué à déstabiliser le Moyen-Orient pour des générations. S’il est en effet intéressé à redresser le cours distordu de la politique extérieure de son pays dans cette région, alors il considère cela à travers une paire de lunettes israéliennes, la même que celle utilisée par la clique néo-conservatrice de Bush et qui a mené l’Amérique dans un échec sans précédent en Mésopotamie.

Mais Obama n’est pas seul dans ce cas. S’il gagne l’élection présidentielle, il rejoindra alors un club grandissant de dirigeants occidentaux qui refusent de respecter le bon sens et qui se comportent sans cohérence, allant même à l’encontre des souhaits de leurs propres populations.

Commençant par la visite de la chancellière allemande Angela Merkel en Israël en mars passé, puis en passant par celles de Sarkozy en juin, du premier ministre britannique Gordon Brown en juillet, personne n’a raté l’incantation prévue : d’abord Israël ! Il est vrai que Sarkozy a osé énoncer une certaine critique de la politique coloniale israélienne à Jérusalem — chose qu’un Obama n’oserait pas se permettre, même en privé — mais les principes de soutien sont identiques : Israël, un pays de quelques millions d’habitants, reste le premier souci de l’occident dans une région peuplée de centaines de millions de personnes. « L’engagement » de fer de ces dirigeants envers Israël, indépendamment de la brutale politique constamment pratiquée par ce dernier, est réellement bizarre pour ne pas dire plus ; bizarre, et en fait anti-démocratique.

Une enquête internationale d’opinion, conduite par WorldPublicOpinion.org a étudié les opinions des personnes de 18 pays, dont la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Les résultats de l’enquête ont été publiés le 1er juillet et ont été abondamment commentés. Dans 14 pays « les personnes interrogées estiment la plupart du temps que leur gouvernement ne devrait pas prendre parti dans le conflit israélo-palestinien. Juste trois pays prennent parti pour le côté palestinien (l’Egypte, l’Iran et la Turquie) et un est divisé (l’Inde). Aucun pays ne prend le parti d’Israël, même les Etats-Unis où 71% des personnes interrogées ne penchent ni pour un côté ni pour l’autre. » Le battage qui est fait au sujet « de la cause commune », de « la relation spéciale » et de « la terre promise », comme de ceux qui vendent la peur de l’Armageddon n’ont pas réussi à imposer leurs vues à la grande majorité des Américains.

Pourquoi est-ce que « le candidat du changement », Obama, n’écoute-t-il pas son peuple et ne changerait-t-il pas vraiment la voie catastrophique de son gouvernement concernant la Palestine et Israël ? Pourquoi Brown du Royaume-Uni et Sarkozy de France n’écouteraient-ils leurs opinions publiques, sachant qu’un pourcentage égal dans leurs deux pays — 79% — sont du même avis [que les Américains] ? Ces résultats naturellement sont en accord avec l’opinion publique dans les pays occidentaux depuis des années. Il pourrait incomber à ces dirigeants de respecter au moins les principes de la démocratie dans leurs propres pays avant de donner des leçons à d’autres.

A la suite de son voyage en Israël, Obama a fait une tournée européenne qui l’a amené en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Les ambiances ont été décrites comme « gaies » et les attentes comme « élevées » partout où s’est rendu le sénateur, y compris en Israël. Quant aux Palestiniens, rien n’a changé pour eux : les mêmes exigences arrogantes, les mêmes politiques injustes et un constant déni historique.

Dans la ville israélienne de Sderot, un Obama largement grimaçant a reçu un T-shirt sur lequel était inscrit « Sderot aime Obama ». Obama, bien évidemment, n’a pas visité le camp de concentration de Gaza pour y découvrir ce que les Palestiniens pensaient de lui, vu son ardente défense des brutales politiques d’Israël envers la bande de Gaza ces dernières années. On peut seulement imaginer ce qu’un T-shirt offert à Obama par les habitants de Gaza aurait pu dire.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Du même auteur :

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- Sur l’humiliation et la mort des enfants dans Gaza
- Légaliser l’occupation : la dernière combine de Bush en Irak
- La fin du « chaos créatif » ?

Sur le même thème :

- Le problème palestinien d’Obama
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4 août 2008 - Diffusé par l’auteur
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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